Non, même le remplacement en dernière minute du Vseur initialement préposé pour cette interview pour cause d'accouchement (!), ni le temps cruellement court qui m'était imparti (15 minutes) et encore moins le fait que mon fidèle enregistreur numérique m'ait lâché en début d'interview, m'obligeant à faire cela 'à l'ancienne' c'est-à-dire armé de mon seul calepin et de mon stylo, m'ont empêché de soutirer quelques réponses à un Mikaël Åkerfeldt visiblement fatigué et stressé, une heure seulement avant son entrée sur la scène du Bataclan pour le concert très sépcial qu'OPETH a donné ce samedi au Bataclan à Paris... Interview express mais avec malgré tout son petit lot d'anecdotes, comme toujours avec Åkerfeldt...

Est-ce que tu te souviens de votre première répétition ?
Avant tout, permets-moi de te rappeler qu'OPETH existait avant moi car formé six mois avant par David Isberg au début de l'année 1990. Or lorsque ce dernier m'a proposé de les rejoindre, c'était à la base pour y jouer de la basse alors que j'étais déjà à l'époque surtout intéressé par la guitare. Pourtant, aussi stupide que cela puisse paraître, j'aimais leur logo et surtout leur nom, que je trouvais simple, original et surtout pas connoté du tout, comme peuvent l'être CANNIBAL CORPSE ou MORBID ANGEL par exemple. Donc j'ai accepté. Le problème est que lorsque je suis arrivé en pour répéter avec eux la première fois à l'automne 90 quelque part dans la banlieue sud de Stockholm, j'ai compris que le reste du groupe n'était pas au courant de ma venue. Pire : ils avaient déjà un bassiste ! En somme, David avait agi dans leur dos et décidé que je devais les rejoindre…

Le ton est rapidement monté et David m'a alors demandé d'attendre un peu dehors, le temps qu'il mette les choses au clair. Vingt minutes après, lorsqu'il est ressorti, il m'a juste dit qu'il avait une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne c'était que j'étais malgré tout engagé. Mais la mauvaise est qu'il avait viré tout le reste du groupe et qu'il fallait tout reprendre à zéro !

Aujourd’hui alors que tu fêtes les vingt ans du groupe, tu es le dernier membre d’origine qui reste. Cela ne te rend pas amer ?
Non, pas du tout, même si je sais que de l'extérieur, on pourrait désormais croire qu'OPETH est juste le ''Mikaël Åkerfeldt show' alors que c'est complètement faux. Oui, je suis le frontman, c'est moi qui écris la grosse majorité de nos morceaux et qui réalise pas mal d'interviews. Mais si je suis si content du line-up actuel, c'est parce que chacun se focalise sur ce qu'il a à faire: Axe essaye d'être le meilleur batteur, Fredrik (Åkesson) de jouer les meilleurs solos, etc. Contrairement à, mettons, notre premier ''vrai' line-up où certaines personnes ont essayé de déborder de leur pré carré, quitte à négliger leur instrument (il fait apparemment référence au bassiste Johan DeFarfalla, viré en 1996-ndlr), aujourd'hui dans OPETH tout le monde sait exactement ce qu'il a à faire et le fait bien.

Je sais que votre ancien producteur et ami Dan Swanö s’est déplacé pour le concert d’Essen. Est-ce que vous avez profité du show de Stockholm pour convier d’anciens membres, ne serait-ce que pour y assister ?
(il prend un air renfermé) Non et de toute façon, dans la majorité des cas nous nous sommes complètement perdus de vue donc…

Même Peter Lindgren, ton ancien guitariste soliste qui a joué pendant seize ans à tes côtés?
Non, Peter a des petits problèmes de santé à l'heure actuelle et il ne pouvait se déplacer… Par contre, David Isberg devrait faire le déplacement pour le show de Londres.

Cela ne lui fait pas bizarre de voir que SON ancien groupe avait eu autant de succès suite à son départ ?
Non, tout simplement parce qu'il est parti en 1992 de son plein gré et en me ''donnant' le groupe en quelque sorte. A l'époque, il avait quitté OPETH pour rejoindre LIERS IN WAIT qui était le nouveau groupe de Kristian ''Necrolord' Wahlin après qu'il ait quitté GROSTESQUE puis aidé AT THE GATES à se former.

Il a quitté son groupe pour rejoindre un autre qui a fini par se séparer en 1993 après seulement un maxi ???
Tu sais, OPETH ne représentait rien en 1992. Nous n'avions pas de démo disponible, notre musique n'était pas franchement terrible (sourire) et je crois que cela devait pas mal frustrer David qui, contrairement à moi, avait beaucoup de contacts dans la scène underground. D'ailleurs, grâce à lui, nos premiers concerts furent en ouverture d'ASPHYX, THERION et AT THE GATES justement. Pas mal pour un groupe sans aucun enregistrement à son actif non ?! Or justement grâce à la réputation de GROTESQUE, LIERS IN WAIT avait un bon buzz et je suppose qu'en les rejoignant, David espérait pouvoir passer le cap au-dessus en quelque sorte. Hélas, même si je ne connais pas le pourquoi du comment, cela ne s'est passé comme il voulait et au final, non seulement il n'a jamais enregistré avec LIW mais en plus, il a peu après complètement lâché le metal et fait toutes sortes de choses depuis, comme chef cuistot (!) ou DJ. Il n'est absolument pas frustré et très heureux pour moi.

Les six concerts de cette tournée spéciale affichent complet. Je suppose que c’est une satisfaction personnelle ?
Bien sûr, même si cela nous a mis une certaine pression aussi car cela faisait plus de quatre mois que nous n'avions pas donné de concerts et nous étions un peu rouillés, ce qui fait d'ailleurs que je n'étais pas très content de nos deux premiers shows. Mais oui, c'est bien sûr une grande fierté, et notamment le fait de jouer au Royal Albert Hall à Londres, une salle de rock mythique où énormément d'artistes que j'admire comme CREAM ou LED ZEPPELIN ont joué (d'ailleurs, a priori, le concert de Londres devrait être filmé en vue d'une sortie DVD à l'automne prochain-ndlr).

Pour finir, pourquoi avoir choisi ‘Blackwater Park’ comme disque interprété en entier ?
Tout simplement parce que nous fêtons le dixième anniversaire de cet album que beaucoup le considèrent comme celui qui a ''lancé' OPETH, même si pour moi c'est surtout le fait que nous ayons vraiment commencé à tourner de façon intensive à partir de ce moment-là qui a fait la différence. De plus, le tout vient de ressortir en version ''deluxe', avec mix surround et un documentaire sur l'enregistrement. Et puis je crois que si tu demandais à un fan d'OPETH lequel de nos albums il aurait voulu nous voir interpréter en intégralité sur scène, il y avait de grandes chances pour que cela soit celui-là, non ?