Tous ceux qui, à la vue du 666, pensent avoir affaire avec un nouveau brûlot de black brutal rallié à la bannière du Satanisme peuvent passer leur chemin - ou se rassurer... Les trois Italiens de Void of Silence s'attachent avant tout à des critères symboliques et ne sont pas exactement là pour beugler bêtement leur allégeance à une idole à tête de bouc. La signification exacte du concept, je laisserai au leader du groupe, Riccardo Conforti, le soin de l'expliquer dans une interview, et je me concentrerai pour ma part sur le contenu audible de cet album, car c'est sur ce plan qu'il y a le plus de choses à énoncer. Void of Silence explorent les recoins les plus sombres de la musique, propulsent un doom metal - que l'on peut aisément qualifier de " funeral doom " puisque ce terme est à la mode - hors de ses bases en le faisant évoluer dans un univers de cauchemar ambient cher à des groupes comme Puissance ou Raison d'Être. C'est au milieu de cette fièvre morbide et post-apocalyptique que le groupe se sent à l'aise pour distribuer les claques les plus marquantes, caractérisées par des fuites en avant dans le symphonique et le bruitiste - des synthés sobres mixés en retrait, parfois mêlés à des samples de Requiem ou de Chants Cisterciens, recouvrent les morceaux d'un linceul de mysticisme impénétrable, et l'on multiplie les avancées retenues dans une forêt de sons glauques et d'effets de distorsion ou de réverbération qui posent un climat totalement angoissant digne du labyrinthe organico-métallique des Cénobites dans Hellraiser. Enlevez à Shape of Despair le chant guttural et demandez-leur d'expérimenter du côté de l'occulte et de l'industriel, vous obtiendrez peut-être un résultat proche de celui de Void of Silence. Puisqu'on cause vocaux, ceux en présence se partagent entre un chant éraillé tout aussi abyssal que la musique et des textes déclamés en récitatif d'un ton solennel qui évoque un peu certains titres de Sol Invictus, voire justement de Puissance puisqu'on en était à évoquer les Suédois. Difficile de rendre sa plume enthousiaste lorsque l'on est confronté à un tel Léviathan de nihilisme et de noirceur, pourtant laissez-moi vous certifier que ce " Criteria ov 666 " est définitivement l'une des sorties les plus impressionnantes de cette année. Stylistiquement unique, ça c'est un fait acquis, mais aussi déroutant car terriblement beau dans sa décadence, cet album agira comme un aimant sur votre face obscure, et comblera toutes vos envies de bande originale idoine pour une marche solitaire dans les coursives sombres et humides d'une vieille cathédrale ou de tout autre lieu où les ombres ont une âme et le moindre bruissement prend des allures de cacophonie inquiétante. Une œuvre soignée, gage de qualité dans un secteur mal compris du metal et de la musique en général qui ne compte pas beaucoup de représentants du calibre de Void of Silence. Raison de mieux pour ne pas faire l'impasse et ouvrir grand ses sens aux démons de " Criteria ov 666 ".


Rédigé par : Uriel | 16.5/20 | Nb de lectures : 7345