Richard - NINE ELEVEN par VISION OF BEUH - 2603 lectures
Avec leur dernier opus en date "City Of Quartz", Nine Eleven a frappé un grand coup et a marqué ce début d'année 2010. L'occasion était trop belle pour en savoir plus sur ce groupe tourangeau ainsi que sur le making of de l'opus.


Bonjour les gars! Première question bateau, mais pouvez-vous présenter le groupe ?
Salut ! Pour répondre en gros à ta question, Nine Eleven c'est 4 années pleines d'existence, plus de 200 concerts (9 tournées) à travers plus de 25 pays en Europe, 1 EP, 2 albums et 5 gars qui jouent du punk hardcore à leur sauce et qui n'est rien de moins que le medium de leurs passions, envies, désirs et de tout ce qui réfère, de façon plus générale, à ce qu'ils entreprennent individuellement et collectivement pour s'extirper de cette merde que l'on appelle « monde moderne ».


Votre album "City Of Quartz" est sorti chez Customcore. Comment le présenteriez-vous?
C'est l'album que l'on voulait faire depuis que l'on a monté ce groupe. On a mis un EP et un album avant d'y arriver, certes. Mais aujourd'hui il est vraiment à l'image des objectifs que l'on avait avec 911 lorsque l'on s'est formé. Faire quelque chose à la fois de personnel et cohérent, plus ou moins éclectique (l'avis que l'on peut en avoir dépend des sensibilités de chacun bien sûr), correspondant ainsi aux univers musicaux dans lesquels on baigne et auxquels on n'a pas hésité à faire des clins d'œil tout au long de cet enregistrement.
Et quand je dis « quelque chose » cela vise à la fois la musique et les textes qui en donnent tout autant le ton. Certains vont te dire que c'est du « modern », d'autres du « new school » ; de notre côté, on te dira juste que c'est une musique qui correspond à ce que l'on est, à ce que l'on aime, à ce que l'on hait, et de manière plus basique à ce que l'on vit à travers ce groupe.


"City Of Quartz" est un livre sociologique parlant de Los Angeles écrit par Mike Davis. Votre album s'inspire de ce livre. Comment avez-vous découvert ce livre et de quelle façon avez-vous eu l'idée d'en faire un concept album?
City Of Quartz n'est pas un concept album. J'ai découvert le bouquin de Mike Davis à l'époque où je bossais une maîtrise sur les attentats du 11 septembre 2001. Je m'intéressais alors à leur « contrecoup » médiatique et en quoi ils servaient la redéfinition des rapports géopolitiques mondiaux ainsi que la structure, devenue variable, de l'axe du mal (menace terroriste = menace fantôme indéfiniment modulable). Dans cette perspective l'aspect sécuritaire était bien entendu dominant puisque l'on a joué médiatiquement sur le terrain symbolique de la symétrie ambivalente Terreur - Chaos / Liberté - Sécurité pour bien nous faire capter le camp auquel on devait adhérer, tout comme celui dont on devait flipper. Et ce bouquin traitant de Los Angeles comme l'incarnation – expression urbaine des rapports sociaux que développe le capitalisme en terres conquises m'a filé quelques clés au sujet des mécanismes symboliques dont use le pouvoir dans la construction de sa réalité… Réalité qui s'impose comme universelle à tous ceux dont elle a su boucher les horizons sensibles. Avec City Of Quartz, Mike Davis offre ainsi une analyse qui va au-delà de la sempiternelle litanie de la domination capitaliste en termes pseudo marxistes. Il amène à réfléchir les bases de l'aliénation sur laquelle repose notre système comme ancrées dans sa culture qui est une culture de soumission et d'obéissance mécanique. Une bonne partie de son taff s'appuie ainsi sur les moyens de son imposition qui sont ceux de la soumission à cette culture du néant, à une histoire qui ne nous appartient plus, à un quadrillage spatio-temporel atomisant et réglé comme une horloge, ne laissant plus aucune place ni aux rêves, ni aux espoirs réduits à leurs modèles, et au fantôme de leurs modèles. Quant à Hollywood, il sert de salon thérapeutique pour ses auteurs – réalisateurs, et ses produits comme antidépresseurs pour une population que l'on a mise à genoux devant ses illusions.
Ainsi lorsque l'on a bouclé la composition de l'album, au vu des textes et de ce qu'il s'en dégageait, cette référence nous a paru alors comme allant de soi et tout à fait cohérente avec notre démarche.


De quelle manière ce livre a influé sur les paroles ? Votre message est-il aussi important que votre musique?
Comme je le disais plus haut, la référence au livre de Mike Davis est plus un concours de circonstances que le résultat d'un procédé de composition. Quant au message, on fait du punk hardcore, donc c'est 50 – 50 avec la musique. L'un ne va pas sans l'autre et c'est à notre avis la base de tout assaut alternatif. Y'a pas de morale ou de bonnes paroles à prêcher. On pense juste que ce réseau est capable d'offrir/de créer des espaces de communication qui soient encore libres du quadrillage général auquel nous sommes soumis. Y'a pas un bon et un mauvais message, mais juste des trucs à partager, à discuter ou à échanger. On ne court pas après un monde rose bonbons « avec que des copains », mais on espère que le punk hardcore soit autre chose qu'un nouvel « entertainment », une mode H&M, ou encore la bande son d'une nouvelle sous-culture du vide. Comme dirait Ekoué de LA RUMEUR, jouer cette musique « C'est juste être vivant entre ces races de morts ». A ce sujet, la dernière phrase de "Dead Already" qui ouvrait "Use Your Disillusions" résume bien notre point de vue à cet égard : « Fuck you if you have nothing to say and think »


J'imagine que l'artwork est également en rapport avec le livre.
On a utilisé la photographie de Frances Farmer (ouais, ouais la même chantée par Cobain dans "In Utero") qui fut dans les années 30 une actrice adulée et aussi journaliste-analyste qui s'intéressa de trop près en période de Maccartisme aux enjeux politiques de la guerre froide. Elle fut accusée de communisme, se fit enfermer dans un hôpital psy et finit trépanée, abandonnée à l'état de légume. Elle représente un peu les deux revers d'une seule et même médaille en chocolat. Ca reste donc en étroit lien avec le fil rouge de l'album.


Comment s'est passé la signature sur Customcore, gros label français?
Mika nous a appelés, nous a fixé un RDV, on s'est mis sur notre 31, on a pris l'avion en classe « affaire » direction Marseille pour finir dans son bureau à dealer un contrat avec plein de zéro, un cigare à la bouche, haha. En fait ça s'est passé bien plus simplement : Mika nous a vus en concert en 2008 et nous a fait savoir qu'il était intéressé pour être de la partie. Et ce fut un peu la même avec tous les labels qui coproduisent cet album. Chorus Of One rcds a fait un truc exceptionnel avec la sortie du LP. Guerilla Asso - Don't Thrust The Hype - I Fort Us rcds ont géré la sortie digi avec Custom, Spook rcds la version polonaise, United Front la sortie en Malaisie, Holding True Youth Assault Development en Indonésie, More Than Sound en Russie (en 2010), etc. A chaque fois c'est une histoire de rencontres et d'affinités, de connexions aussi.


Votre album est riche et complexe. Comment se passe le processus de compositions et quelles sont vos influences ?
Au niveau de la composition et des influences, on rejoint un peu des groupes comme Propagandhi et Bridge To Solace (à notre petite échelle bien entendu) quand ils disent de leur musique qu'elle est inspirée par tout ce qu'ils peuvent pomper, haha. C'est un peu cliché et abusé, mais la musique indé, voire le rock en général est un gros bouillon de culture. Et pour nous, faire une bonne chanson revient avant tout à composer une bonne recette ; et ceci même si ses ingrédients ont déjà été utilisés, car injectés dans une mixture différente ils prennent alors, quoi qu'il en soit, un goût différent. D'ailleurs, on n'a pas la prétention d'en inventer de nouveaux à chaque chanson. Si on arrive déjà à proposer une recette personnelle avec chacune d'entre elles, on aura alors atteint une bonne partie de nos objectifs musicaux.
Par exemple, l'intro et l'outro de l'album ont été inconsciemment influencés par le « Message to Harry Manback » de TOOL sur l'album "Aenima", qui est un interlude joué au piano soutenant un spoken word de Meynard James Keenan. C'est une mélodie que j'ai toujours kiffé. Et lorsque je me suis rendu compte de « l'arnaque », j'ai pris le parti d'assumer dans la mesure où cela servait les deux chansons dans lesquelles elle se trouvait intégrée et qu'il en résultait un truc plutôt cool. Donc pas de scrupules, ni remords haha.
Sinon au niveau du processus de composition, il n'y a pas de stratégies, ni même de style auquel coller. Les étiquettes on s'en fout et on les fuit même du mieux qu'on peut. On fait notre truc, comme ça vient. Généralement la structure principale des chansons est composée en amont, et une fois en repet' on voit ce que ça donne et ce qu'il y a à parfaire, sans nous imposer de barrières, ni de limites. Quant aux influences, ça va des groupes de la scène crust de Portland (Remains Of The Day, Tragedy and co), en passant par la scène actuelle de Boston, des groupes new school des années 90 comme Quicksand par exemple, des trucs mélo californiens (Nofx, Bad religion, Pennywise) ou suédois (Satanics surfers), du screamo, du post rock (Mogwai, God Speed and co), Nirvana, Radiohead jusqu'à des trucs hip-hop hardcore français.


Comment décririez-vous l'évolution entre votre précédent opus "Use Your Desillusions" et "City Of Quartz" ?
On est passé de l'exécution approximative d'un style ou d'un mix que l'on kiffait à la composition d'un album personnel et qui soit à l'image de ce que l'on a toujours plus ou moins voulu faire comme je le disais plus haut. On s'est permis une ouverture à certains horizons musicaux et instrumentaux que l'on n'aurait jamais tentée par le passé. Et ce aussi grâce à Seb et Manu du Loko Studio qui ont produit l'album et qui nous ont emmenés aussi vers l'aboutissement de ce type d'expérimentations. Qui plus est, les arrivées successives de Romain au chant et de Vincent (ex-Sequoia) à la basse ont apporté beaucoup au groupe en termes d'évolution musicale. Avec « City of quartz » on va dire qu'on s'est enfin assumé.


Une tournée en Asie est prévue. J'imagine que vous êtes super excités?
Ouais c'est mortel, on n'aurait jamais imaginé en démarrant ce groupe que cela puisse nous permettre d'aller voyager si loin !


Comment cela s'est organisé ? C'est vous qui en avez eu l'initiative ?
En fait ça s'est passé plus rapidement que prévu. On a démarché cette région du monde l'été dernier. On s'était dit que si retours il y avait (on était bien entendu sûr de rien), on tracerait là-bas en octobre prochain. On avait déjà planifié un mois de tournée pour mai-juin 2010 en Russie et dans le reste de l'Europe de l'Est, pays que l'on avait déjà visités et chez lesquels des gens s'occupaient de notre booking. En définitive on l'a reportée à octobre 2010, car United Front booking (Have Heart, No Use, Carpathian, Ignite and co) nous a proposé de venir en avril prochain. Apparemment ils suivaient de loin ce que l'on faisait depuis 2006, et se sont montrés super enthousiastes à l'idée de nous organiser une tournée passant par la Malaisie, l'Indonésie, Singapour et La Thaïlande. Lorsque cela s'est confirmé, on a pensé, dans un premier temps, à compléter la tournée avec des dates au Japon. Malheureusement et heureusement cela ne s'est pas fait, car on s'est vu offrir, suite à cette impasse, l'opportunité de tourner en Chine. Un ancien ami de Vincent et des gens de Sequoia, qui s'est expatrié là-bas depuis quelques années, s'est mis en effet à gérer ce genre de choses. Voilà un peu l'histoire de ce projet !


Tours n'est pas la ville la plus vive en terme de scène HxC. Il y a d'autres groupes dont tu veux parler ?
Ouais en même temps c'est un peu la même partout. On n'est pas des milliers à jouer ça en France. Mais, sincèrement en matière de musique - rock indé au sens large du terme t'as ce qu'il faut sur Tours. Outre EZEKIEL et RUBIN STEINER qui évoluent dans un autre réseau, PNEU, que l'on ne présente plus, viennent de Tours, ainsi que VERBAL RAZORS (Thrash 80) et DAILY MIND DISTORTION (Punk'n'roll à la New Bomb Turks) par exemple. Ces deux derniers groupes tournent vraiment pas mal, ont de la gueule sur scène et ont sorti des prods qui, dans leur genre, valent le détour. Sinon t'as aussi SEX&DOLLARS (Rock'n'roll), SISTERHOOD ISSUE (Riot grrrrls), INDEPENDENZA (Beatdown), ALI'N&CESKO (Rap conscient) et beaucoup d'autres. J'en profite pour rattacher à la scène tourangelle les petits génies de LAST EXIT TO BROOKLYN qui viennent comme moi du Mans et qui sont pour nous dans le top 5 des groupes hardcore français, à l'heure actuelle. Après et comme dans beaucoup de villes, les initiatives indé concernant l'orga de concerts restent limitées par la politique urbaine qui exclut tout ce qu'elle n'arrive pas à mettre sous sa main. En même temps, on n'est pas « indé » pour rien, non plus. Et si c'était quelque chose qui ne faisait pas chier les autorités, ça aurait bien évidemment moins de sens aussi eheh. Mais bon y'a encore des gens présents qui essaient d'y faire certaines choses et c'est un bon début.


Vous avez beaucoup de concert de prévus en 2010 à en croire votre booking Myspace. Comment le vivez-vous ?
On le vit normalement dans la mesure où tourner, voyager, rencontrer un max de gens et découvrir ce qu'il y a à voir de ce monde est le leitmotiv de ce groupe. Nine Eleven sans cette démarche n'aurait aucune raison d'être, ce qui rejoint ce que je disais dans ma première réponse. Ce groupe et son fonctionnement résultent d'une adéquation de choix individuels et collectifs qui vont dans ce sens. Et comme on l'a dit ailleurs « la motive c'est de ne pas limiter notre espace temps d'épanouissement à 5 semaines de congés payés dont trois seraient passées dans un centre balnéaire (en béton armé). »


Quel est votre meilleur souvenir de concert ?
Y'en a un paquet ! En vrac et de façon non exhaustive sur ces deux dernières années : Kiev, St Petersbourg, Petrozavodsk, Severodvinsk, Berlin, Lorient, le fest « Aucard » à Tours …, mais j'aurais pu te sortir la moitié au moins de la liste des concerts joués ! Sinon les concerts biélorusses étaient à chaque fois mortels et l'un des souvenirs de moments vécus là-bas et qui sera, on le pense, indélébile concerne celui du printemps dernier joué à Lida. Le concert s'annonçait bien avec une centaine de personnes présentes dans le bordel. Et au moment de monter sur scène, les flics débarquent. Au début, on stresse en se disant qu'ils viennent retourner le concert qui est illégal et ramasser notre matériel. Au bout de cinq minutes, on capte qu'ils ont pointé leur nez ici car des fafs les avaient appelés en leur disant qu'ils avaient posé une bombe à notre concert. Tout le monde évacue les lieux, un périmètre de sécurité est établi, tout le monde squatte dehors en se demandant ce qu'il va se passer. Les gens qui viennent nous causer nous disent juste d'un air gêné « that's Belarus ». Au bout d'une heure, on est redirigé dans une espèce de blockhaus administratif qui fait face à la sale de concert pour attendre que cela se passe. Et surprise, tous les gens qui s'étaient déplacés au concert restent nous tenir compagnie, et ce pendant une bonne partie de la soirée. Ce qui était un endroit mort au début s'anime et tout le monde se met à discuter, à échanger, à faire le pitre, etc. Certes, on n'aura pas joué ce soir-là, mais ce qui s'y est passé autant d'un point de vue humain que d'un point de vue politique (au sens d'immersion dans la réalité des gens rencontrés) fut incroyable. Et c'est sûrement pour nous l'une des choses vécues avec ce groupe qui nous marquera à jamais.


Merci beaucoup pour le temps accordé à cette interview. Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Merci Fabrice pour cette interview et à ceux qui liront ces quelques lignes on vous souhaite juste de vous épanouir autant dans votre vie que nous avec ce groupe.


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