News Vs-webzine.com 01/04/2013 @ 17h50



Goutez à TEXTALLICA
VS-webzine vous propose de découvrir une des nouvelles retenues dans le livre TEXTALICA. Il s'agit du texte "Groupie" écrit par Hélène COURIVAUD. (VsGreg)


I am every fucking thing and just a little more

I sold my soul but don’t you dare call me a whore

And when I suck you off not a drop will go to waste

it’s really not so bad you know once you get past the taste,  

yeah

(asskisser)


Otis et Loren étaient tendus. Aux aguets. Mais pour des raisons différentes. Otis s’inquiétait de l’absence de Carole, partie depuis une heure maintenant. Loren observait la foule qui avait commencé à envahir la fosse et les balcons. Les petites fans agressives de tout à l’heure s’étaient faufilées à coups de coude jusqu’à la barrière de sécurité qui les séparaient de la scène. Elles étaient six. Certaines étaient très jolies et elles portaient toutes des tenues provocantes qui ne cachaient rien de leurs charmes rebondis. Quelques mecs leur lançaient des coups d’œil à la fois égrillards et agacés. D’autres spectatrices prenaient soin de se tenir éloignées de ces phénomènes. Elles étaient là pour s’éclater sur la musique, pas sur les couinements stridents d’érotomanes en mal de sensations.

Est-ce qu’on me regarde ainsi ? se demanda Loren. Mais moi, je ne suis pas comme ces pétasses. Je ne suis pas là pour me montrer. Je suis là pour lui ! Pour Lui !

Un lourd rideau de velours noir cachait les derniers préparatifs des roadies. Il n’y aurait pas de première partie. Dès le lever de rideau, ce serait l’hystérie collective. Otis se dévissait le cou à la recherche de son amie puis il sortit son mobile en espérant capter quelque chose.

Les sonos qui avaient passé successivement Ministry,  Screaming Overdose, Tool et Fantomas sous les applaudissements de certains spectateurs, baissèrent de volume.

Les lumières s’estompèrent.

Au moment où le lourd rideau se souleva avec une lenteur crispante, Otis saisit l’épaule de Loren :

— Elle est dans la fosse aux photographes !

Loren ne daigna pas regarder dans la direction indiquée par Otis. Elle ne prêta aucune attention à la petite silhouette de Carole qui se glissait entre la scène et la barrière de sécurité, escortée par quatre autres photographes et trois vigiles. L’un des gorilles conduisit Carole à un endroit bien précis du côté de la scène et sembla lui donner des instructions. La jeune femme hochait la tête d’un air concentré.

Otis essaya d’attirer son attention en faisant de grands signes, mais les lumières s’allumèrent soudain sur la scène et le public entier mugit son bonheur et son impatience. Accrochée de toutes ses forces à la rambarde du balcon, Loren sentait ses jambes trembler. Son cœur battait si fort qu’elle n’entendait plus rien d’autre que cette puissante pulsation qui lui faisait bourdonner le sang dans les tempes, dans les oreilles, l’assourdissant presque.

Il était là ! Si près !

Il s’était glissé sur la scène à la faveur de l’obscurité. Et les lumières s’allumant le dévoilèrent dans toute sa splendeur spectrale.

Otis fut contaminé par la ferveur générale. Il attendait beaucoup de ce concert et les musiciens qu’il vit aux côtés de l’idole lui laissaient augurer du spectaculaire. Comme les autres, il applaudit à tout rompre en hurlant les noms des vedettes de la soirée. Le sol et les balcons vibrèrent sous la déferlante sonore jaillissant de milliers de gorges.

Et Lord Cockroach savoura cette marque assourdissante d’adoration. Les bras tendus en pleine lumière, on aurait pu le croire dans un trip christique. Mais sa tête était baissée vers la fosse aux spectateurs enragés et ses yeux brillaient sauvagement. Ses mains n’étaient pas offertes au ciel mais dirigées vers le public, et ses doigts recroquevillés tels des serres semblaient prêts à agripper une proie. Il resta ainsi, parfaitement immobile à mesure qu’enflaient les rugissements furieux. Ses musiciens conservaient la même immobilité. Puis lentement, les lèvres du Lord vinrent caresser le micro qui lui faisait face et sa voix enveloppa tout le reste :

— Bienvenue au festin des Brucolacs. Ceci est notre musique, composée dans la sueur et les larmes.

Carole immortalisa cet instant. Elle dût se faire violence pour agir en professionnelle tant l’interview, qui s’était déroulée à la perfection, et la voix de Lord Cockroach abrutissaient sa raison. Pas étonnant qu’il y eût autant de filles prêtes à s’étriper pour lui. Sa voix avait la douceur enivrante du miel de pavot, la saveur du sucre trempé dans l’absinthe. Sa voix semblable à des tentacules invisibles, s’insinuait en vous et vous manipulait tout entier, titillait votre joie et votre libido.

Et quand Lord Cockroach se tut, ce fut le signal qu’attendait Jody Ramirez pour frapper à rythmes saccadés sur les cordes de sa basse. Le public envoûté reconnut aussitôt les premières notes de la chanson “Crimson Extasy” et ce fut le délire. Otis admira l’incroyable décorum qui s’anima en même temps que le Seigneur ténébreux entonnait son hymne à l’hématophagie : des dizaines d’écrans étaient empilés derrière les musiciens et passaient des extraits de différents films dont le héros était Dracula. Christopher Lee dévoilait ses crocs rougis sur un poste, tandis que plus loin, Bela Lugosi invitait Renfield à passer à travers une toile d’araignée. Carole se hissa sur la pointe des pieds pour photographier la scène dans tout son ensemble. Loren, elle, ne prêta attention qu’à lui. Elle se balança au rythme de la voix de velours de son héros. Elle tendit les bras vers lui, tous ses espoirs fixés vers un seul regard de sa part, les lèvres entrouvertes dans l’attente d’un baiser invisible.

Lorsqu’il leva les yeux vers elle, elle eut la chair de poule et se sentit brûler de l’intérieur. Et lorsqu’il entonna le premier couplet de “Shallow Grave” sans la quitter des yeux : « Let me kiss your icy lips, let me warm your marble body », ses tétons durcirent et elle perdit toute pudeur en frottant doucement son ventre contre la rambarde, les paupières mi closes, captivée par le regard magnétique de son Seigneur. Elle n’entendit pas les petites pestes en contrebas siffler et huer alors qu’elles gigotaient frénétiquement pour avoir l’attention du chanteur.

L’échange de regards entre Lord Cockroach et Loren n’avait pas non plus échappé à Carole. Elle regarda avec incrédulité l’attitude de plus en plus ouvertement provocante de sa colocataire.

Bon sang, se dit la jeune femme, elle dépasse les bornes. Elle va finir par se foutre à poil devant tout le monde !

Puis Lord Cockroach, sourit, visiblement content de l’excitation qu’il provoquait chez sa proie et détourna les yeux. Pour Loren, ce fut comme être fouettée par une douche glacée. La flamme libidinale qui la consumait s’éteignit douloureusement. Elle croisa les bras contre son torse, petite chose abandonnée.

Jody Ramirez détourna Carole du spectacle pathétique de son amie délaissée. Il s’accroupit devant elle en torturant les cordes de sa basse avec un sourire sardonique. Il fit un clin d’œil à sa mascotte qui le lui rendit avec celui globuleux de son objectif photographique. Puis elle leva le pouce vers le musicien pour le remercier. Comme elle se déplaçait le long de la scène pour avoir un meilleur angle de prise de vue, une des petites pétasses la poussa. Carole se contenta de lui faire un doigt, agacée par la stupidité de certaines fans du Lord.

— La troisième chanson figure sur le nouvel album, annonça Lord Cockroach. Vous allez être les premiers à la découvrir. Savourez ce privilège.

Le public marqua son approbation en rugissant.

— Elle s’intitule “Lick me clean”. Vous devinez de quoi elle parle ?

Le public répondit par l’affirmative en hurlant.

Alors Lord Cockroach gémit, plus qu’il ne chanta, des paroles obscènes sur une lourde rythmique tandis que la guitare semblait grincer en un rire électrique pervers. Les mots étaient outranciers, mais Carole apprécia la mélodie envoûtante et malsaine. Une lumière bleutée caressa le chanteur et les écrans derrière diffusaient des extraits de films pornos.

Tandis qu’il gémissait le plaisir d’être léché après l’amour, Lord Cockroach fixa les petites groupies qui se pressaient contre la barrière de sécurité. Elles cessèrent de couiner immédiatement, captivées comme des souris face à un cobra. Elles se pressèrent les unes contre les autres, la bouche ouverte et humide, les yeux soudain brumeux. Cela ne dura qu’un instant. Puis il se détourna d’elles, les faisant hurler de frustration rageuse.

Il s’était désintéressé d’elles car il avait trouvé une nouvelle proie à pétrifier. Ses yeux épinglèrent Carole. Alors que celle-ci rivait le viseur de son appareil photo à son œil, son index se figea sur le déclencheur. Tout en chantant, Lord Cockroach l’hypnotisait, la toisant à travers  l’objectif. Rester concentrée malgré cette voix obsédante avait été un rude combat que Carole avait fini par gagner, mais à présent qu’il ne semblait plus chanter que pour elle, la jeune femme se perdit corps et âme dans une étrange transe libidinale. Elle sentit ses jambes trembler, ses cuisses tressauter dans l’attente d’un corps à enserrer. Elle bouillonnait, intérieurement et eut l’impression que son sexe était un puits brûlant et affamé. L’image de Loren perdue dans son extase sexuelle s’imposa soudain à son esprit. Son doigt pressa alors le déclencheur de l’appareil photo tandis qu’elle grogna :

— Désolée, mon mignon, mais moi, j’ai le contrôle de mes hormones !

Une onde de contrariété déforma légèrement le visage de Lord Cockroach. Mais il reprit vite contenance, et la salua d’un hochement de tête, beau joueur, admettant sa défaite. Carole ne savoura pas longtemps son triomphe. Une main rageuse l’agrippa par les cheveux. Deux autres mains la saisirent par le col de sa veste et par un bras. On la frappa à hauteur de l’oreille. On la tira violemment pour la faire passer par-dessus la barrière de sécurité. Elle pédala un moment dans le vide puis tomba rudement sur le sol en béton. Un pied la cueillit en plein ventre, lui coupant le souffle. Par-dessus la musique, elle entendit distinctement les insultes et les cris :

— Salope ! Ne le regarde pas, il est à nous !

Carole battit des jambes, essayant de se défendre tandis que les petites groupies essayaient de la piétiner.

L’agression et la disparition de Carole dans la foule n’avaient pas échappé à Otis. Sans réfléchir, le jeune homme enjamba la rambarde et sauta sur la scène. La moitié du public applaudit au numéro, les autres le sifflèrent, interloqués et outrés. D’une pirouette habile, il parvint à éviter un des agents de sécurité qui tentait de l’intercepter et il bondit dans le public, les pieds en avant, directement sur la bande de petites pestes en furie. Jody Ramirez comprit ce qui se passait et fit signe aux autres d’arrêter de jouer. Le musicien empoigna un micro en montrant fébrilement l’endroit où Otis se débattait pour sauver Carole :

— Putain, bougez-vous, les gorilles ! On m’assassine ma mascotte !

Lui-même sauta de la scène à la rescousse des deux amis. Ce fut la cohue. Certains spectateurs se ruèrent sur la barrière pour toucher le musicien qui tirait sur le bras de Carole pour la ramener à l’air libre. Un agent de sécurité gifla une des gamines qui continuait à frapper la journaliste. Loren profita du désordre pour suivre le même chemin qu’Otis, quoique plus prudemment en raison de ses talons hauts. Les lumières des projecteurs l’aveuglèrent à demi. D’une démarche hésitante, elle s’approcha doucement de son idole, les jambes flageolantes. Elle était tout près, si près du but. Sa main se leva, flotta doucement jusqu’au bras enveloppé dans la manche épaisse d’une veste de cuir. Ce simple contact manqua de la faire défaillir.

Il baissa les yeux sur elle. Il ne la chassa pas, il ne lui parla pas. Un sourire releva les coins de sa bouche. Sans atteindre la glace de ses iris glauques.

— S’il vous plaît...   

Sa voix minuscule se frayait un chemin à tâtons entre ses lèvres frémissantes.

— S’il vous plaît, il faut aider mon amie...

L’agression de Carole était l’occasion rêvée de le toucher, de lui parler. Elle avait une excellente raison : elle lui réclamait de l’aide, après tout.

Toujours souriant, Lord Cockroach lui caressa les cheveux en hochant la tête. Loren faillit pleurer de bonheur à ce contact. Un sanglot de jouissance lui noua la gorge.

Non ! voulut-elle supplier quand il s’écarta d’elle pour reprendre le micro. Continue de me regarder !

— Je ne pensais pas déclencher autant de violence.

Le tumulte et les cris diminuèrent subitement.

— Vous avez attendu mon retour quatre longues années. Vous ne souhaitez pas que tout s’arrête maintenant ?    

— NOOOOON, rugit la foule.

— Je sais que se sauter dessus, se bousculer, bondir dans la foule fait partie du jeu. Mais vous croyez que j’aime vous voir vous étriper pour mes beaux yeux ? Vous pensez que je ne réagirais pas en voyant des excitées attaquer une photographe qui ne fait que son travail ? Nous allons interrompre le show pour quelques instants. Mais vous êtes prévenus : s’il se passe un autre incident de ce type, moi et mes Brucolacs, nous arrêtons tout. Et nous vous plantons là. Vous ne souhaitez pas une telle fin, n’est-ce pas ?

— NOOOOON, hurla la foule avec encore plus de force.

On avait sorti une Carole échevelée de la foule. Elle serrait son appareil photo contre sa poitrine. Otis la soutenait. Son arcade saignait là où une des petites furies l’avait frappé alors qu’il se démenait pour sauver son amie. Jody Ramirez et un vigile les conduisirent dans les coulisses. On y avait installé des sièges et un divan.

— Hé, la mascotte, je suis vraiment désolé ! ça va aller ?  

Le bassiste était inquiet. Cela réconforta Carole malgré son crâne douloureux et les hématomes qu’elle sentait enfler sur tout son corps.

— Oui, je crois qu’on va survivre. Pas vrai, Otis ? Merci à tous les deux. Retourne sur scène.

— OK, OK ! On se boit des godets tous ensemble quand ce sera fini. A tout à l’heure !   

Jody leur fit un dernier signe de la main et se précipita sur scène. La foule rugit lorsqu’il repassa la bandoulière de sa basse autour de son cou. Le concert allait continuer malgré tout.

Otis aida Carole à s’asseoir sur le divan. On avait appelé un secouriste. Il examina Carole, lui nettoya ses plaies et ses bosses et désinfecta la blessure d’Otis. Que des bobos superficiels, ils s’en tiraient à bon compte. Et pelotonnés sur le canapé, ils avaient une vue imprenable sur la scène.

Carole se tourna vers Otis :

— Où est Loren, au fait ?



all our pain

how did you think we’d get by without you?

you’re so vain

I bet you think this song is about you

don’t you?

don’t you?

don’t you?

don’t you?



Oh, comme tout avait été facile, si merveilleusement facile ! Accroupie près de la limousine, Loren enfouit son visage entre ses genoux, les joues en feu. Il lui avait murmuré des instructions très claires dans le creux de l’oreille. Elle n’avait eu qu’à les suivre. Se glisser backstage mais prendre à droite, vers le parking VIP. Puis suivre le mur d’enceinte sur la gauche jusqu’à la limousine noire, aux vitres fumées. Le lourd véhicule avait semblé l’attendre.

— Attends-moi, avait-il chuchoté en lui pressant doucement l’épaule.

Une longue et délicieuse attente commença. Une torture exquise.

Il n’y eut qu’un seul rappel, mais ce fut quatre morceaux apocalyptiques. Puis les fans firent vibrer toute la salle en piétinant à l’unisson durant une vingtaine de minutes avant de comprendre que cela ne servirait à rien. Lord Cockroach passa devant Carole et Otis, preste comme une chauve-souris. Ses musiciens, brillants de sueur et tout sourire le suivaient d’un pas traînant. Ils sentaient retomber la formidable énergie qui les avait animés durant tout le show.

— Vous venez ? hurla Jody pour se faire entendre par-dessus le martellement infernal de centaines de pieds et de mains.

Elle entendit les pas sur l’asphalte et se figea.

Enfin, pensa-t-elle, enfin ! Elle exultait. Il approchait calmement. Sa gorge devint sèche, stérile de tout mot. Son cœur avait aspiré tout son sang pour gonfler, enfler, l’envahir complètement, la transformer en une créature palpitante d’amour pour l’homme qui se tenait maintenant face à elle.

Elle lécha ses lèvres, mais ce ne fut que le frottement d’une langue rêche contre une surface craquelée.

Dans sa tête, une voix vibrante d’hystérie hurlait «Je t’aime ! Je t’aime ! » Lord Cockroach perçut-il ce cri d’amour silencieux ? Il pencha la tête, ne la quittant pas de ses yeux verts et brillants. Un sourire approbateur joua sur ces lèvres qu’elle voulait tant embrasser.

— Tu m’as attendu, c’est bien.

L’effet de ces paroles pourtant si banales fut immédiat. Elle qui se dressait, crispée et tremblante sentit ses jambes s’amollir. Elle n’était plus qu’une poupée de chiffon vidée de sa bourre. Ses glandes salivaires reprirent leur office et ses lèvres s’humectèrent. Son sexe la chatouilla agréablement tandis qu’il subissait le même processus. Sans plus attendre, elle se jeta dans les bras de son idéal, elle enserra son cou entre ses bras souples. La tête renversée en arrière, elle colla ses lèvres  au cou de son bien aimé. La peau était tiède et si douce...

En retour, il la serra contre lui tout en ouvrant la portière arrière de la limousine. Il souleva ensuite Loren avec aisance et la déposa sur le siège en cuir qui crissa agréablement sous les fesses de la jeune fille. Il entra à son tour dans la limousine, frappa deux fois du plat de la main contre la vitre qui les isolait du chauffeur. Le moteur tourna aussitôt et le véhicule s’ébranla doucement.

Cela refroidit Loren, l’idée qu’il y avait un chauffeur depuis le début qui avait dû l’observer à travers la vitre fumée. Elle se recroquevilla sur le siège, soudain embarrassée.

Lord Cockroach lui sourit.

— Il ne regarde que la route, et rien que la route. Déshabille-toi.

C’était un ordre formulé avec sensualité. Elle vit qu’il frémissait de désir. Elle savait qu’elle était obligée d’obéir tout en aimant le fait de ne pas avoir le choix. Il s’installa confortablement sur le siège moelleux et l’observa sous ses paupières mi closes.

— A la bonne vôtre !

Les bouteilles de bière s’entrechoquèrent. Carole grimaça. Elle était moulue et endolorie. La première gorgée de bière apporta un petit réconfort non négligeable.

— C’est souvent comme ça ? demanda Otis en s’essuyant la bouche du revers de la main. Enfin, j’veux dire, les manifestations d’hystérie collective, l’agressivité...

— Avec mon groupe habituel, c’est un peu plus calme, dit Dead Moon le batteur. Les gens sont là pour la musique. Point barre. On n’a pas autant de groupies.

— Et en général, elles se tiennent bien, renchérit Jody. Là c’est vrai qu’avec le Lord, tu ne sais jamais ce qui va arriver.

— Peut-être même que là maintenant, y a une nana qui est train de se faire buter par le taré ajouta Rodman le claviériste.

— Personne ne touchera à ma mascotte ! s’écria Jody en passant un bras protecteur autour des épaules de Carole.

La jeune femme lui sourit avec chaleur. Il l’enlaçait avec précaution, évitant de lui faire mal là où les pestes l’avaient frappée. Un vrai geste de pote. Ils choquèrent encore leurs bouteilles, faisant jaillir un peu de mousse.

— Et sinon, ça vous plaît de bosser avec lui ?

La question de Carole sembla figer l’atmosphère dans une chape d’ambre.

— C’est un grand artiste, répondit finalement Moon avec prudence.

— Ouais, il nous pousse dans nos derniers retranchements, il est perfectionniste et ça nous fait bosser et progresser, dit Jaime le guitariste.

Jody avait plus de réserve :

— Bah moi, je vais t’avouer un truc : je flippe à moitié quand il est dans le coin. Ne me demande pas pourquoi, c’est viscéral. Pas étonnant qu’il change de combo à chaque album. Tourner avec le Lord, c’est usant pour les nerfs.

Elle s’était débarrassée de ses bottines et de sa veste en cuir. Elle déboutonnait lentement son chemisier sans manche, le regardant avec intensité, essayant de lui transmettre toute sa lubricité.

— Dépêche-toi, la supplia-t-il.

Il avait maintenant les deux mains posées sur sa braguette. Elles allaient et venaient et Loren ne pouvait nier que ce qui se trouvait en dessous enflait dangereusement.

Mon Dieu, se dit-elle en arrachant presque les derniers boutons. Il est monté comme un ours. Il va me dévaster.

Elle envoya son chemisier sur le sol, le soutien-gorge suivit avec le même empressement. Elle se tortilla follement lorsqu’elle fit glisser d’un même mouvement son short, ses collants en résille et sa petite culotte.

— Tu es parfaite, parfaite, gémit-il. J’ai besoin de toi, je te veux. Agenouille-toi.

Il n’avait pas besoin de lui donner d’instruction. Elle savait précisément ce qu’il attendait d’elle. Elle posa une main tendre sur le renflement de son entrejambe et descendit tout doucement la fermeture éclair de sa braguette.

Lord Cockroach poussa un long et interminable soupir rauque, aussitôt couvert par les hurlements de Loren lorsqu’elle découvrit ce qu’elle avait réellement libéré de ce pantalon. Et ça se jetait à présent sur elle, escaladant sa peau nue.

Des cafards.

Des cafards par dizaines, par centaines jaillissaient de la braguette béante et se ruaient sur la jeune fille. Loren devint hystérique lorsqu’elle sentit la multitude de pattes griffues parcourir son corps. Leurs petits abdomens jaunes luisaient  sous la lampe du plafonnier. La voiture ne ralentit pas tandis que Loren sautait partout pour se débarrasser des petites horreurs grouillantes, se frappant les cuisses et le ventre du plat de la main. Elle ne vit pas Lord Cockroach avachi sur la banquette, le regard vitreux, ressemblant à un mannequin de cire jeté négligemment.

Les hurlements de la jeune fille se muèrent en gargouillis lorsqu’une horde de cafards prit sa bouche d’assaut, envahissant sa langue de leur saveur âcre et du picotement de leurs pattes. Elle voulut mordre, vomir, mais d’autres lui bouchèrent les narines en y entrant de force. Ses autres orifices furent également violés.

Il était devenu difficile de discerner une forme humaine sous la masse ondoyante formée par les ignobles cancrelats. Le tas s’effondra lentement puis s’immobilisa après avoir tressauté encore un moment. Alors, peu à peu, les cafards regagnèrent l’enveloppe vide de Lord Cockroach.

Les mains crispées sur le volant, le chauffeur ne regarda que la route, et rien que la route.


now I belong I’m one of the chosen ones

now I belong I’m one of the beautiful ones

“Star Fuckers Inc” Nine Inch Nails.




Auteur
Commentaire
Blomkvist
Membre enregistré
Posté le: 06/04/2013 à 12h09 - (432931)
Aïe aïe aïe...

mydrin
Membre enregistré
Posté le: 06/04/2013 à 14h30 - (432949)
passionnant..... çà donne très envie de garder ses 26,60 euros pour autre chose :-)

Pike
Invité
IP:90.15.226.182
Posté le: 06/04/2013 à 20h51 - (432972)
Agatha Christie au pays du Metal.

loudE
Membre enregistré
Posté le: 07/04/2013 à 17h18 - (433021)
j'ai goûté et j'ai pas aimé

Blomkvist
Membre enregistré
Posté le: 07/04/2013 à 17h19 - (433022)
Agatha Christie ? Il me semblait qu'elle écrivait bien et que ses histoires tenaient la route.

Tormenthor
Invité
IP:80.215.40.43
Posté le: 07/04/2013 à 21h43 - (433029)
Ouille


Ça pique

vsgreg
Membre enregistré
Posté le: 07/04/2013 à 22h42 - (433030)
Toujours la même bande de branleurs avec un avis négatif systématique sur tout qui se sent obliger de le donner...
prenez des vacances ..


loudE
Membre enregistré
Posté le: 08/04/2013 à 16h49 - (433099)
ok j'me tire moi, les ponts de mai en avance ça fera pas de mal


Tangui
Membre enregistré
Posté le: 09/04/2013 à 15h10 - (433182)
Exemplaire reçu ! Y'a plus qu'à le lire.

XtranbertX
Membre enregistré
Posté le: 10/04/2013 à 14h58 - (433268)
euh, c'est moi ou on ne peut plus lire l'extrait?

Ssorcnroht
Membre enregistré
Posté le: 10/04/2013 à 18h58 - (433333)
Pareil... iléou le texte?

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