Goutez à TEXTALLICA
VS-webzine vous propose de découvrir une des nouvelles retenues dans le livre TEXTALICA. Il s'agit du texte "Groupie" écrit par Hélène COURIVAUD. (VsGreg)
I am every fucking thing and just a little
more
I sold my soul but dont you dare
call me a whore
And when I suck you off not a drop will go
to waste
its really not so bad you know once
you get past the taste,
yeah
(asskisser)
Otis et Loren étaient tendus. Aux aguets. Mais
pour des raisons différentes. Otis sinquiétait de labsence
de Carole, partie depuis une heure maintenant. Loren observait la
foule qui avait commencé à envahir la fosse et les balcons. Les
petites fans agressives de tout à lheure sétaient
faufilées à coups de coude jusquà la barrière de
sécurité qui les séparaient de la scène. Elles étaient six.
Certaines étaient très jolies et elles portaient toutes des
tenues provocantes qui ne cachaient rien de leurs charmes
rebondis. Quelques mecs leur lançaient des coups dil
à la fois égrillards et agacés. Dautres spectatrices
prenaient soin de se tenir éloignées de ces phénomènes. Elles
étaient là pour séclater sur la musique, pas sur les
couinements stridents dérotomanes en mal de sensations.
Est-ce quon me regarde ainsi ? se
demanda Loren. Mais moi, je ne suis pas comme ces pétasses. Je
ne suis pas là pour me montrer. Je suis là pour lui ! Pour
Lui !
Un lourd rideau de velours noir cachait les
derniers préparatifs des roadies. Il ny aurait pas
de première partie. Dès le lever de rideau, ce serait lhystérie
collective. Otis se dévissait le cou à la recherche de son amie
puis il sortit son mobile en espérant capter quelque chose.
Les sonos qui avaient passé successivement
Ministry,Screaming Overdose, Tool et Fantomas sous les
applaudissements de certains spectateurs, baissèrent de volume.
Les lumières sestompèrent.
Au moment où le lourd rideau se souleva avec
une lenteur crispante, Otis saisit lépaule de Loren :
Elle est dans la fosse aux photographes !
Loren ne daigna pas regarder dans la direction
indiquée par Otis. Elle ne prêta aucune attention à la petite
silhouette de Carole qui se glissait entre la scène et la
barrière de sécurité, escortée par quatre autres photographes
et trois vigiles. Lun des gorilles conduisit Carole à un
endroit bien précis du côté de la scène et sembla lui donner
des instructions. La jeune femme hochait la tête dun air
concentré.
Otis essaya dattirer son attention en
faisant de grands signes, mais les lumières sallumèrent
soudain sur la scène et le public entier mugit son bonheur et
son impatience. Accrochée de toutes ses forces à la rambarde du
balcon, Loren sentait ses jambes trembler. Son cur battait
si fort quelle nentendait plus rien dautre que
cette puissante pulsation qui lui faisait bourdonner le sang dans
les tempes, dans les oreilles, lassourdissant presque.
Il était là ! Si près !
Il sétait glissé sur la scène à la
faveur de lobscurité. Et les lumières sallumant le
dévoilèrent dans toute sa splendeur spectrale.
Otis fut contaminé par la ferveur générale.
Il attendait beaucoup de ce concert et les musiciens quil
vit aux côtés de lidole lui laissaient augurer du
spectaculaire. Comme les autres, il applaudit à tout rompre en
hurlant les noms des vedettes de la soirée. Le sol et les
balcons vibrèrent sous la déferlante sonore jaillissant de
milliers de gorges.
Et Lord Cockroach savoura cette marque
assourdissante dadoration. Les bras tendus en pleine
lumière, on aurait pu le croire dans un trip christique. Mais sa
tête était baissée vers la fosse aux spectateurs enragés et
ses yeux brillaient sauvagement. Ses mains nétaient pas
offertes au ciel mais dirigées vers le public, et ses doigts
recroquevillés tels des serres semblaient prêts à agripper une
proie. Il resta ainsi, parfaitement immobile à mesure quenflaient
les rugissements furieux. Ses musiciens conservaient la même
immobilité. Puis lentement, les lèvres du Lord vinrent caresser
le micro qui lui faisait face et sa voix enveloppa tout le reste :
Bienvenue au festin des Brucolacs. Ceci
est notre musique, composée dans la sueur et les larmes.
Carole immortalisa cet instant. Elle dût se
faire violence pour agir en professionnelle tant linterview,
qui sétait déroulée à la perfection, et la voix de Lord
Cockroach abrutissaient sa raison. Pas étonnant quil y
eût autant de filles prêtes à sétriper pour lui. Sa
voix avait la douceur enivrante du miel de pavot, la saveur du
sucre trempé dans labsinthe. Sa voix semblable à des
tentacules invisibles, sinsinuait en vous et vous
manipulait tout entier, titillait votre joie et votre libido.
Et quand Lord Cockroach se tut, ce fut le signal
quattendait Jody Ramirez pour frapper à rythmes saccadés
sur les cordes de sa basse. Le public envoûté reconnut
aussitôt les premières notes de la chanson Crimson Extasy
et ce fut le délire. Otis admira lincroyable décorum qui
sanima en même temps que le Seigneur ténébreux entonnait
son hymne à lhématophagie : des dizaines décrans
étaient empilés derrière les musiciens et passaient des
extraits de différents films dont le héros était Dracula.
Christopher Lee dévoilait ses crocs rougis sur un poste, tandis
que plus loin, Bela Lugosi invitait Renfield à passer à travers
une toile daraignée. Carole se hissa sur la pointe des
pieds pour photographier la scène dans tout son ensemble. Loren,
elle, ne prêta attention quà lui. Elle se balança au
rythme de la voix de velours de son héros. Elle tendit les bras
vers lui, tous ses espoirs fixés vers un seul regard de sa part,
les lèvres entrouvertes dans lattente dun baiser
invisible.
Lorsquil leva les yeux vers elle, elle eut
la chair de poule et se sentit brûler de lintérieur. Et
lorsquil entonna le premier couplet de Shallow Grave
sans la quitter des yeux : « Let me kiss your icy lips,
let me warm your marble body », ses tétons durcirent et
elle perdit toute pudeur en frottant doucement son ventre contre
la rambarde, les paupières mi closes, captivée par le regard
magnétique de son Seigneur. Elle nentendit pas les petites
pestes en contrebas siffler et huer alors quelles
gigotaient frénétiquement pour avoir lattention du
chanteur.
Léchange de regards entre Lord Cockroach
et Loren navait pas non plus échappé à Carole. Elle
regarda avec incrédulité lattitude de plus en plus
ouvertement provocante de sa colocataire.
Bon sang, se dit la jeune femme, elle dépasse
les bornes. Elle va finir par se foutre à poil devant tout le
monde !
Puis Lord Cockroach, sourit, visiblement content
de lexcitation quil provoquait chez sa proie et
détourna les yeux. Pour Loren, ce fut comme être fouettée par
une douche glacée. La flamme libidinale qui la consumait séteignit
douloureusement. Elle croisa les bras contre son torse, petite
chose abandonnée.
Jody Ramirez détourna Carole du spectacle
pathétique de son amie délaissée. Il saccroupit devant
elle en torturant les cordes de sa basse avec un sourire
sardonique. Il fit un clin dil à sa mascotte qui le
lui rendit avec celui globuleux de son objectif photographique.
Puis elle leva le pouce vers le musicien pour le remercier. Comme
elle se déplaçait le long de la scène pour avoir un meilleur
angle de prise de vue, une des petites pétasses la poussa.
Carole se contenta de lui faire un doigt, agacée par la
stupidité de certaines fans du Lord.
La troisième chanson figure sur le
nouvel album, annonça Lord Cockroach. Vous allez être les
premiers à la découvrir. Savourez ce privilège.
Le public marqua son approbation en rugissant.
Elle sintitule Lick me clean.
Vous devinez de quoi elle parle ?
Le public répondit par laffirmative en
hurlant.
Alors Lord Cockroach gémit, plus quil ne
chanta, des paroles obscènes sur une lourde rythmique tandis que
la guitare semblait grincer en un rire électrique pervers. Les
mots étaient outranciers, mais Carole apprécia la mélodie
envoûtante et malsaine. Une lumière bleutée caressa le
chanteur et les écrans derrière diffusaient des extraits de
films pornos.
Tandis quil gémissait le plaisir dêtre
léché après lamour, Lord Cockroach fixa les petites
groupies qui se pressaient contre la barrière de sécurité.
Elles cessèrent de couiner immédiatement, captivées comme des
souris face à un cobra. Elles se pressèrent les unes contre les
autres, la bouche ouverte et humide, les yeux soudain brumeux.
Cela ne dura quun instant. Puis il se détourna delles,
les faisant hurler de frustration rageuse.
Il sétait désintéressé delles
car il avait trouvé une nouvelle proie à pétrifier. Ses yeux
épinglèrent Carole. Alors que celle-ci rivait le viseur de son
appareil photo à son il, son index se figea sur le déclencheur.
Tout en chantant, Lord Cockroach lhypnotisait, la toisant
à traverslobjectif. Rester concentrée malgré
cette voix obsédante avait été un rude combat que Carole avait
fini par gagner, mais à présent quil ne semblait plus
chanter que pour elle, la jeune femme se perdit corps et âme
dans une étrange transe libidinale. Elle sentit ses jambes
trembler, ses cuisses tressauter dans lattente dun
corps à enserrer. Elle bouillonnait, intérieurement et eut limpression
que son sexe était un puits brûlant et affamé. Limage de
Loren perdue dans son extase sexuelle simposa soudain à
son esprit. Son doigt pressa alors le déclencheur de lappareil
photo tandis quelle grogna :
Désolée, mon mignon, mais moi, jai
le contrôle de mes hormones !
Une onde de contrariété déforma légèrement
le visage de Lord Cockroach. Mais il reprit vite contenance, et
la salua dun hochement de tête, beau joueur, admettant sa
défaite. Carole ne savoura pas longtemps son triomphe. Une main
rageuse lagrippa par les cheveux. Deux autres mains la
saisirent par le col de sa veste et par un bras. On la frappa à
hauteur de loreille. On la tira violemment pour la faire
passer par-dessus la barrière de sécurité. Elle pédala un
moment dans le vide puis tomba rudement sur le sol en béton. Un
pied la cueillit en plein ventre, lui coupant le souffle. Par-dessus
la musique, elle entendit distinctement les insultes et les cris :
Salope ! Ne le regarde pas, il est
à nous !
Carole battit des jambes, essayant de se
défendre tandis que les petites groupies essayaient de la
piétiner.
Lagression et la disparition de Carole
dans la foule navaient pas échappé à Otis. Sans
réfléchir, le jeune homme enjamba la rambarde et sauta sur la
scène. La moitié du public applaudit au numéro, les autres le
sifflèrent, interloqués et outrés. Dune pirouette habile,
il parvint à éviter un des agents de sécurité qui tentait de
lintercepter et il bondit dans le public, les pieds en
avant, directement sur la bande de petites pestes en furie. Jody
Ramirez comprit ce qui se passait et fit signe aux autres darrêter
de jouer. Le musicien empoigna un micro en montrant fébrilement
lendroit où Otis se débattait pour sauver Carole :
Putain, bougez-vous, les gorilles !
On massassine ma mascotte !
Lui-même sauta de la scène à la rescousse des
deux amis. Ce fut la cohue. Certains spectateurs se ruèrent sur
la barrière pour toucher le musicien qui tirait sur le bras de
Carole pour la ramener à lair libre. Un agent de
sécurité gifla une des gamines qui continuait à frapper la
journaliste. Loren profita du désordre pour suivre le même
chemin quOtis, quoique plus prudemment en raison de ses
talons hauts. Les lumières des projecteurs laveuglèrent
à demi. Dune démarche hésitante, elle sapprocha
doucement de son idole, les jambes flageolantes. Elle était tout
près, si près du but. Sa main se leva, flotta doucement jusquau
bras enveloppé dans la manche épaisse dune veste de cuir.
Ce simple contact manqua de la faire défaillir.
Il baissa les yeux sur elle. Il ne la chassa pas,
il ne lui parla pas. Un sourire releva les coins de sa bouche.
Sans atteindre la glace de ses iris glauques.
Sil vous plaît...
Sa voix minuscule se frayait un chemin à
tâtons entre ses lèvres frémissantes.
Sil vous plaît, il faut aider mon
amie...
Lagression de Carole était loccasion
rêvée de le toucher, de lui parler. Elle avait une excellente
raison : elle lui réclamait de laide, après tout.
Toujours souriant, Lord Cockroach lui caressa
les cheveux en hochant la tête. Loren faillit pleurer de bonheur
à ce contact. Un sanglot de jouissance lui noua la gorge.
Non ! voulut-elle supplier quand il sécarta
delle pour reprendre le micro. Continue de me regarder !
Je ne pensais pas déclencher autant de
violence.
Le tumulte et les cris diminuèrent subitement.
Vous avez attendu mon retour quatre
longues années. Vous ne souhaitez pas que tout sarrête
maintenant ?
NOOOOON, rugit la foule.
Je sais que se sauter dessus, se
bousculer, bondir dans la foule fait partie du jeu. Mais vous
croyez que jaime vous voir vous étriper pour mes beaux
yeux ? Vous pensez que je ne réagirais pas en voyant des
excitées attaquer une photographe qui ne fait que son travail ?
Nous allons interrompre le show pour quelques instants. Mais vous
êtes prévenus : sil se passe un autre incident de ce
type, moi et mes Brucolacs, nous arrêtons tout. Et nous vous
plantons là. Vous ne souhaitez pas une telle fin, nest-ce
pas ?
NOOOOON, hurla la foule avec encore plus
de force.
On avait sorti une Carole échevelée de la
foule. Elle serrait son appareil photo contre sa poitrine. Otis
la soutenait. Son arcade saignait là où une des petites furies
lavait frappé alors quil se démenait pour sauver
son amie. Jody Ramirez et un vigile les conduisirent dans les
coulisses. On y avait installé des sièges et un divan.
Hé, la mascotte, je suis vraiment
désolé ! ça va aller ?
Le bassiste était inquiet. Cela réconforta
Carole malgré son crâne douloureux et les hématomes quelle
sentait enfler sur tout son corps.
Oui, je crois quon va survivre. Pas
vrai, Otis ? Merci à tous les deux. Retourne sur scène.
OK, OK ! On se boit des godets tous
ensemble quand ce sera fini. A tout à lheure !
Jody leur fit un dernier signe de la main et se
précipita sur scène. La foule rugit lorsquil repassa la
bandoulière de sa basse autour de son cou. Le concert allait
continuer malgré tout.
Otis aida Carole à sasseoir sur le divan.
On avait appelé un secouriste. Il examina Carole, lui nettoya
ses plaies et ses bosses et désinfecta la blessure dOtis.
Que des bobos superficiels, ils sen tiraient à bon compte.
Et pelotonnés sur le canapé, ils avaient une vue imprenable sur
la scène.
Carole se tourna vers Otis :
Où est Loren, au fait ?
all our pain
how did you think wed get by without
you?
youre so vain
I bet you think this song is about you
dont you?
dont you?
dont you?
dont you?
Oh, comme tout avait été facile, si merveilleusement facile !
Accroupie près de la limousine, Loren enfouit son visage entre
ses genoux, les joues en feu. Il lui avait murmuré des
instructions très claires dans le creux de loreille. Elle
navait eu quà les suivre. Se glisser backstage mais
prendre à droite, vers le parking VIP. Puis suivre le mur denceinte
sur la gauche jusquà la limousine noire, aux vitres
fumées. Le lourd véhicule avait semblé lattendre.
Attends-moi, avait-il chuchoté en lui
pressant doucement lépaule.
Une longue et délicieuse attente commença. Une
torture exquise.
Il ny eut quun seul rappel, mais ce
fut quatre morceaux apocalyptiques. Puis les fans firent vibrer
toute la salle en piétinant à lunisson durant une
vingtaine de minutes avant de comprendre que cela ne servirait à
rien. Lord Cockroach passa devant Carole et Otis, preste comme
une chauve-souris. Ses musiciens, brillants de sueur et tout
sourire le suivaient dun pas traînant. Ils sentaient
retomber la formidable énergie qui les avait animés durant tout
le show.
Vous venez ? hurla Jody pour se
faire entendre par-dessus le martellement infernal de centaines
de pieds et de mains.
Elle entendit les pas sur lasphalte et se
figea.
Enfin, pensa-t-elle, enfin ! Elle exultait.
Il approchait calmement. Sa gorge devint sèche, stérile de tout
mot. Son cur avait aspiré tout son sang pour gonfler,
enfler, lenvahir complètement, la transformer en une
créature palpitante damour pour lhomme qui se tenait
maintenant face à elle.
Elle lécha ses lèvres, mais ce ne fut que le
frottement dune langue rêche contre une surface craquelée.
Dans sa tête, une voix vibrante dhystérie
hurlait «Je taime ! Je taime ! »
Lord Cockroach perçut-il ce cri damour silencieux ?
Il pencha la tête, ne la quittant pas de ses yeux verts et
brillants. Un sourire approbateur joua sur ces lèvres quelle
voulait tant embrasser.
Tu mas attendu, cest bien.
Leffet de ces paroles pourtant si banales
fut immédiat. Elle qui se dressait, crispée et tremblante
sentit ses jambes samollir. Elle nétait plus quune
poupée de chiffon vidée de sa bourre. Ses glandes salivaires
reprirent leur office et ses lèvres shumectèrent. Son
sexe la chatouilla agréablement tandis quil subissait le
même processus. Sans plus attendre, elle se jeta dans les bras
de son idéal, elle enserra son cou entre ses bras souples. La
tête renversée en arrière, elle colla ses lèvresau cou
de son bien aimé. La peau était tiède et si douce...
En retour, il la serra contre lui tout en
ouvrant la portière arrière de la limousine. Il souleva ensuite
Loren avec aisance et la déposa sur le siège en cuir qui crissa
agréablement sous les fesses de la jeune fille. Il entra à son
tour dans la limousine, frappa deux fois du plat de la main
contre la vitre qui les isolait du chauffeur. Le moteur tourna
aussitôt et le véhicule sébranla doucement.
Cela refroidit Loren, lidée quil y
avait un chauffeur depuis le début qui avait dû lobserver
à travers la vitre fumée. Elle se recroquevilla sur le siège,
soudain embarrassée.
Lord Cockroach lui sourit.
Il ne regarde que la route, et rien que
la route. Déshabille-toi.
Cétait un ordre formulé avec sensualité.
Elle vit quil frémissait de désir. Elle savait quelle
était obligée dobéir tout en aimant le fait de ne pas
avoir le choix. Il sinstalla confortablement sur le siège
moelleux et lobserva sous ses paupières mi closes.
A la bonne vôtre !
Les bouteilles de bière sentrechoquèrent.
Carole grimaça. Elle était moulue et endolorie. La première
gorgée de bière apporta un petit réconfort non négligeable.
Cest souvent comme ça ?
demanda Otis en sessuyant la bouche du revers de la main.
Enfin, jveux dire, les manifestations dhystérie
collective, lagressivité...
Avec mon groupe habituel, cest un
peu plus calme, dit Dead Moon le batteur. Les gens sont là pour
la musique. Point barre. On na pas autant de groupies.
Et en général, elles se tiennent bien,
renchérit Jody. Là cest vrai quavec le Lord, tu ne
sais jamais ce qui va arriver.
Peut-être même que là maintenant, y a
une nana qui est train de se faire buter par le taré ajouta
Rodman le claviériste.
Personne ne touchera à ma mascotte !
sécria Jody en passant un bras protecteur autour des
épaules de Carole.
La jeune femme lui sourit avec chaleur. Il lenlaçait
avec précaution, évitant de lui faire mal là où les pestes lavaient
frappée. Un vrai geste de pote. Ils choquèrent encore leurs
bouteilles, faisant jaillir un peu de mousse.
Et sinon, ça vous plaît de bosser avec
lui ?
La question de Carole sembla figer latmosphère
dans une chape dambre.
Cest un grand artiste, répondit
finalement Moon avec prudence.
Ouais, il nous pousse dans nos derniers
retranchements, il est perfectionniste et ça nous fait bosser et
progresser, dit Jaime le guitariste.
Jody avait plus de réserve :
Bah moi, je vais tavouer un truc :
je flippe à moitié quand il est dans le coin. Ne me demande pas
pourquoi, cest viscéral. Pas étonnant quil change
de combo à chaque album. Tourner avec le Lord, cest usant
pour les nerfs.
Elle sétait débarrassée de ses bottines
et de sa veste en cuir. Elle déboutonnait lentement son
chemisier sans manche, le regardant avec intensité, essayant de
lui transmettre toute sa lubricité.
Dépêche-toi, la supplia-t-il.
Il avait maintenant les deux mains posées sur
sa braguette. Elles allaient et venaient et Loren ne pouvait nier
que ce qui se trouvait en dessous enflait dangereusement.
Mon Dieu, se dit-elle en arrachant presque les
derniers boutons. Il est monté comme un ours. Il va me dévaster.
Elle envoya son chemisier sur le sol, le soutien-gorge
suivit avec le même empressement. Elle se tortilla follement
lorsquelle fit glisser dun même mouvement son short,
ses collants en résille et sa petite culotte.
Tu es parfaite, parfaite, gémit-il. Jai
besoin de toi, je te veux. Agenouille-toi.
Il navait pas besoin de lui donner dinstruction.
Elle savait précisément ce quil attendait delle.
Elle posa une main tendre sur le renflement de son entrejambe et
descendit tout doucement la fermeture éclair de sa braguette.
Lord Cockroach poussa un long et interminable
soupir rauque, aussitôt couvert par les hurlements de Loren
lorsquelle découvrit ce quelle avait réellement
libéré de ce pantalon. Et ça se jetait à présent sur elle,
escaladant sa peau nue.
Des cafards.
Des cafards par dizaines, par centaines
jaillissaient de la braguette béante et se ruaient sur la jeune
fille. Loren devint hystérique lorsquelle sentit la
multitude de pattes griffues parcourir son corps. Leurs petits
abdomens jaunes luisaientsous la lampe du plafonnier. La
voiture ne ralentit pas tandis que Loren sautait partout pour se
débarrasser des petites horreurs grouillantes, se frappant les
cuisses et le ventre du plat de la main. Elle ne vit pas Lord
Cockroach avachi sur la banquette, le regard vitreux, ressemblant
à un mannequin de cire jeté négligemment.
Les hurlements de la jeune fille se muèrent en
gargouillis lorsquune horde de cafards prit sa bouche dassaut,
envahissant sa langue de leur saveur âcre et du picotement de
leurs pattes. Elle voulut mordre, vomir, mais dautres lui
bouchèrent les narines en y entrant de force. Ses autres
orifices furent également violés.
Il était devenu difficile de discerner une
forme humaine sous la masse ondoyante formée par les ignobles
cancrelats. Le tas seffondra lentement puis simmobilisa
après avoir tressauté encore un moment. Alors, peu à peu, les
cafards regagnèrent lenveloppe vide de Lord Cockroach.
Les mains crispées sur le volant, le chauffeur
ne regarda que la route, et rien que la route.
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I am every fucking thing and just a little more
I sold my soul but dont you dare call me a whore
And when I suck you off not a drop will go to waste
its really not so bad you know once you get past the taste,
yeah
(asskisser)
Otis et Loren étaient tendus. Aux aguets. Mais pour des raisons différentes. Otis sinquiétait de labsence de Carole, partie depuis une heure maintenant. Loren observait la foule qui avait commencé à envahir la fosse et les balcons. Les petites fans agressives de tout à lheure sétaient faufilées à coups de coude jusquà la barrière de sécurité qui les séparaient de la scène. Elles étaient six. Certaines étaient très jolies et elles portaient toutes des tenues provocantes qui ne cachaient rien de leurs charmes rebondis. Quelques mecs leur lançaient des coups dil à la fois égrillards et agacés. Dautres spectatrices prenaient soin de se tenir éloignées de ces phénomènes. Elles étaient là pour séclater sur la musique, pas sur les couinements stridents dérotomanes en mal de sensations.
Est-ce quon me regarde ainsi ? se demanda Loren. Mais moi, je ne suis pas comme ces pétasses. Je ne suis pas là pour me montrer. Je suis là pour lui ! Pour Lui !
Un lourd rideau de velours noir cachait les derniers préparatifs des roadies. Il ny aurait pas de première partie. Dès le lever de rideau, ce serait lhystérie collective. Otis se dévissait le cou à la recherche de son amie puis il sortit son mobile en espérant capter quelque chose.
Les sonos qui avaient passé successivement Ministry, Screaming Overdose, Tool et Fantomas sous les applaudissements de certains spectateurs, baissèrent de volume.
Les lumières sestompèrent.
Au moment où le lourd rideau se souleva avec une lenteur crispante, Otis saisit lépaule de Loren :
Elle est dans la fosse aux photographes !
Loren ne daigna pas regarder dans la direction indiquée par Otis. Elle ne prêta aucune attention à la petite silhouette de Carole qui se glissait entre la scène et la barrière de sécurité, escortée par quatre autres photographes et trois vigiles. Lun des gorilles conduisit Carole à un endroit bien précis du côté de la scène et sembla lui donner des instructions. La jeune femme hochait la tête dun air concentré.
Otis essaya dattirer son attention en faisant de grands signes, mais les lumières sallumèrent soudain sur la scène et le public entier mugit son bonheur et son impatience. Accrochée de toutes ses forces à la rambarde du balcon, Loren sentait ses jambes trembler. Son cur battait si fort quelle nentendait plus rien dautre que cette puissante pulsation qui lui faisait bourdonner le sang dans les tempes, dans les oreilles, lassourdissant presque.
Il était là ! Si près !
Il sétait glissé sur la scène à la faveur de lobscurité. Et les lumières sallumant le dévoilèrent dans toute sa splendeur spectrale.
Otis fut contaminé par la ferveur générale. Il attendait beaucoup de ce concert et les musiciens quil vit aux côtés de lidole lui laissaient augurer du spectaculaire. Comme les autres, il applaudit à tout rompre en hurlant les noms des vedettes de la soirée. Le sol et les balcons vibrèrent sous la déferlante sonore jaillissant de milliers de gorges.
Et Lord Cockroach savoura cette marque assourdissante dadoration. Les bras tendus en pleine lumière, on aurait pu le croire dans un trip christique. Mais sa tête était baissée vers la fosse aux spectateurs enragés et ses yeux brillaient sauvagement. Ses mains nétaient pas offertes au ciel mais dirigées vers le public, et ses doigts recroquevillés tels des serres semblaient prêts à agripper une proie. Il resta ainsi, parfaitement immobile à mesure quenflaient les rugissements furieux. Ses musiciens conservaient la même immobilité. Puis lentement, les lèvres du Lord vinrent caresser le micro qui lui faisait face et sa voix enveloppa tout le reste :
Bienvenue au festin des Brucolacs. Ceci est notre musique, composée dans la sueur et les larmes.
Carole immortalisa cet instant. Elle dût se faire violence pour agir en professionnelle tant linterview, qui sétait déroulée à la perfection, et la voix de Lord Cockroach abrutissaient sa raison. Pas étonnant quil y eût autant de filles prêtes à sétriper pour lui. Sa voix avait la douceur enivrante du miel de pavot, la saveur du sucre trempé dans labsinthe. Sa voix semblable à des tentacules invisibles, sinsinuait en vous et vous manipulait tout entier, titillait votre joie et votre libido.
Et quand Lord Cockroach se tut, ce fut le signal quattendait Jody Ramirez pour frapper à rythmes saccadés sur les cordes de sa basse. Le public envoûté reconnut aussitôt les premières notes de la chanson Crimson Extasy et ce fut le délire. Otis admira lincroyable décorum qui sanima en même temps que le Seigneur ténébreux entonnait son hymne à lhématophagie : des dizaines décrans étaient empilés derrière les musiciens et passaient des extraits de différents films dont le héros était Dracula. Christopher Lee dévoilait ses crocs rougis sur un poste, tandis que plus loin, Bela Lugosi invitait Renfield à passer à travers une toile daraignée. Carole se hissa sur la pointe des pieds pour photographier la scène dans tout son ensemble. Loren, elle, ne prêta attention quà lui. Elle se balança au rythme de la voix de velours de son héros. Elle tendit les bras vers lui, tous ses espoirs fixés vers un seul regard de sa part, les lèvres entrouvertes dans lattente dun baiser invisible.
Lorsquil leva les yeux vers elle, elle eut la chair de poule et se sentit brûler de lintérieur. Et lorsquil entonna le premier couplet de Shallow Grave sans la quitter des yeux : « Let me kiss your icy lips, let me warm your marble body », ses tétons durcirent et elle perdit toute pudeur en frottant doucement son ventre contre la rambarde, les paupières mi closes, captivée par le regard magnétique de son Seigneur. Elle nentendit pas les petites pestes en contrebas siffler et huer alors quelles gigotaient frénétiquement pour avoir lattention du chanteur.
Léchange de regards entre Lord Cockroach et Loren navait pas non plus échappé à Carole. Elle regarda avec incrédulité lattitude de plus en plus ouvertement provocante de sa colocataire.
Bon sang, se dit la jeune femme, elle dépasse les bornes. Elle va finir par se foutre à poil devant tout le monde !
Puis Lord Cockroach, sourit, visiblement content de lexcitation quil provoquait chez sa proie et détourna les yeux. Pour Loren, ce fut comme être fouettée par une douche glacée. La flamme libidinale qui la consumait séteignit douloureusement. Elle croisa les bras contre son torse, petite chose abandonnée.
Jody Ramirez détourna Carole du spectacle pathétique de son amie délaissée. Il saccroupit devant elle en torturant les cordes de sa basse avec un sourire sardonique. Il fit un clin dil à sa mascotte qui le lui rendit avec celui globuleux de son objectif photographique. Puis elle leva le pouce vers le musicien pour le remercier. Comme elle se déplaçait le long de la scène pour avoir un meilleur angle de prise de vue, une des petites pétasses la poussa. Carole se contenta de lui faire un doigt, agacée par la stupidité de certaines fans du Lord.
La troisième chanson figure sur le nouvel album, annonça Lord Cockroach. Vous allez être les premiers à la découvrir. Savourez ce privilège.
Le public marqua son approbation en rugissant.
Elle sintitule Lick me clean. Vous devinez de quoi elle parle ?
Le public répondit par laffirmative en hurlant.
Alors Lord Cockroach gémit, plus quil ne chanta, des paroles obscènes sur une lourde rythmique tandis que la guitare semblait grincer en un rire électrique pervers. Les mots étaient outranciers, mais Carole apprécia la mélodie envoûtante et malsaine. Une lumière bleutée caressa le chanteur et les écrans derrière diffusaient des extraits de films pornos.
Tandis quil gémissait le plaisir dêtre léché après lamour, Lord Cockroach fixa les petites groupies qui se pressaient contre la barrière de sécurité. Elles cessèrent de couiner immédiatement, captivées comme des souris face à un cobra. Elles se pressèrent les unes contre les autres, la bouche ouverte et humide, les yeux soudain brumeux. Cela ne dura quun instant. Puis il se détourna delles, les faisant hurler de frustration rageuse.
Il sétait désintéressé delles car il avait trouvé une nouvelle proie à pétrifier. Ses yeux épinglèrent Carole. Alors que celle-ci rivait le viseur de son appareil photo à son il, son index se figea sur le déclencheur. Tout en chantant, Lord Cockroach lhypnotisait, la toisant à travers lobjectif. Rester concentrée malgré cette voix obsédante avait été un rude combat que Carole avait fini par gagner, mais à présent quil ne semblait plus chanter que pour elle, la jeune femme se perdit corps et âme dans une étrange transe libidinale. Elle sentit ses jambes trembler, ses cuisses tressauter dans lattente dun corps à enserrer. Elle bouillonnait, intérieurement et eut limpression que son sexe était un puits brûlant et affamé. Limage de Loren perdue dans son extase sexuelle simposa soudain à son esprit. Son doigt pressa alors le déclencheur de lappareil photo tandis quelle grogna :
Désolée, mon mignon, mais moi, jai le contrôle de mes hormones !
Une onde de contrariété déforma légèrement le visage de Lord Cockroach. Mais il reprit vite contenance, et la salua dun hochement de tête, beau joueur, admettant sa défaite. Carole ne savoura pas longtemps son triomphe. Une main rageuse lagrippa par les cheveux. Deux autres mains la saisirent par le col de sa veste et par un bras. On la frappa à hauteur de loreille. On la tira violemment pour la faire passer par-dessus la barrière de sécurité. Elle pédala un moment dans le vide puis tomba rudement sur le sol en béton. Un pied la cueillit en plein ventre, lui coupant le souffle. Par-dessus la musique, elle entendit distinctement les insultes et les cris :
Salope ! Ne le regarde pas, il est à nous !
Carole battit des jambes, essayant de se défendre tandis que les petites groupies essayaient de la piétiner.
Lagression et la disparition de Carole dans la foule navaient pas échappé à Otis. Sans réfléchir, le jeune homme enjamba la rambarde et sauta sur la scène. La moitié du public applaudit au numéro, les autres le sifflèrent, interloqués et outrés. Dune pirouette habile, il parvint à éviter un des agents de sécurité qui tentait de lintercepter et il bondit dans le public, les pieds en avant, directement sur la bande de petites pestes en furie. Jody Ramirez comprit ce qui se passait et fit signe aux autres darrêter de jouer. Le musicien empoigna un micro en montrant fébrilement lendroit où Otis se débattait pour sauver Carole :
Putain, bougez-vous, les gorilles ! On massassine ma mascotte !
Lui-même sauta de la scène à la rescousse des deux amis. Ce fut la cohue. Certains spectateurs se ruèrent sur la barrière pour toucher le musicien qui tirait sur le bras de Carole pour la ramener à lair libre. Un agent de sécurité gifla une des gamines qui continuait à frapper la journaliste. Loren profita du désordre pour suivre le même chemin quOtis, quoique plus prudemment en raison de ses talons hauts. Les lumières des projecteurs laveuglèrent à demi. Dune démarche hésitante, elle sapprocha doucement de son idole, les jambes flageolantes. Elle était tout près, si près du but. Sa main se leva, flotta doucement jusquau bras enveloppé dans la manche épaisse dune veste de cuir. Ce simple contact manqua de la faire défaillir.
Il baissa les yeux sur elle. Il ne la chassa pas, il ne lui parla pas. Un sourire releva les coins de sa bouche. Sans atteindre la glace de ses iris glauques.
Sil vous plaît...
Sa voix minuscule se frayait un chemin à tâtons entre ses lèvres frémissantes.
Sil vous plaît, il faut aider mon amie...
Lagression de Carole était loccasion rêvée de le toucher, de lui parler. Elle avait une excellente raison : elle lui réclamait de laide, après tout.
Toujours souriant, Lord Cockroach lui caressa les cheveux en hochant la tête. Loren faillit pleurer de bonheur à ce contact. Un sanglot de jouissance lui noua la gorge.
Non ! voulut-elle supplier quand il sécarta delle pour reprendre le micro. Continue de me regarder !
Je ne pensais pas déclencher autant de violence.
Le tumulte et les cris diminuèrent subitement.
Vous avez attendu mon retour quatre longues années. Vous ne souhaitez pas que tout sarrête maintenant ?
NOOOOON, rugit la foule.
Je sais que se sauter dessus, se bousculer, bondir dans la foule fait partie du jeu. Mais vous croyez que jaime vous voir vous étriper pour mes beaux yeux ? Vous pensez que je ne réagirais pas en voyant des excitées attaquer une photographe qui ne fait que son travail ? Nous allons interrompre le show pour quelques instants. Mais vous êtes prévenus : sil se passe un autre incident de ce type, moi et mes Brucolacs, nous arrêtons tout. Et nous vous plantons là. Vous ne souhaitez pas une telle fin, nest-ce pas ?
NOOOOON, hurla la foule avec encore plus de force.
On avait sorti une Carole échevelée de la foule. Elle serrait son appareil photo contre sa poitrine. Otis la soutenait. Son arcade saignait là où une des petites furies lavait frappé alors quil se démenait pour sauver son amie. Jody Ramirez et un vigile les conduisirent dans les coulisses. On y avait installé des sièges et un divan.
Hé, la mascotte, je suis vraiment désolé ! ça va aller ?
Le bassiste était inquiet. Cela réconforta Carole malgré son crâne douloureux et les hématomes quelle sentait enfler sur tout son corps.
Oui, je crois quon va survivre. Pas vrai, Otis ? Merci à tous les deux. Retourne sur scène.
OK, OK ! On se boit des godets tous ensemble quand ce sera fini. A tout à lheure !
Jody leur fit un dernier signe de la main et se précipita sur scène. La foule rugit lorsquil repassa la bandoulière de sa basse autour de son cou. Le concert allait continuer malgré tout.
Otis aida Carole à sasseoir sur le divan. On avait appelé un secouriste. Il examina Carole, lui nettoya ses plaies et ses bosses et désinfecta la blessure dOtis. Que des bobos superficiels, ils sen tiraient à bon compte. Et pelotonnés sur le canapé, ils avaient une vue imprenable sur la scène.
Carole se tourna vers Otis :
Où est Loren, au fait ?
all our pain
how did you think wed get by without you?
youre so vain
I bet you think this song is about you
dont you?
dont you?
dont you?
dont you?
Oh, comme tout avait été facile, si merveilleusement facile ! Accroupie près de la limousine, Loren enfouit son visage entre ses genoux, les joues en feu. Il lui avait murmuré des instructions très claires dans le creux de loreille. Elle navait eu quà les suivre. Se glisser backstage mais prendre à droite, vers le parking VIP. Puis suivre le mur denceinte sur la gauche jusquà la limousine noire, aux vitres fumées. Le lourd véhicule avait semblé lattendre.
Attends-moi, avait-il chuchoté en lui pressant doucement lépaule.
Une longue et délicieuse attente commença. Une torture exquise.
Il ny eut quun seul rappel, mais ce fut quatre morceaux apocalyptiques. Puis les fans firent vibrer toute la salle en piétinant à lunisson durant une vingtaine de minutes avant de comprendre que cela ne servirait à rien. Lord Cockroach passa devant Carole et Otis, preste comme une chauve-souris. Ses musiciens, brillants de sueur et tout sourire le suivaient dun pas traînant. Ils sentaient retomber la formidable énergie qui les avait animés durant tout le show.
Vous venez ? hurla Jody pour se faire entendre par-dessus le martellement infernal de centaines de pieds et de mains.
Elle entendit les pas sur lasphalte et se figea.
Enfin, pensa-t-elle, enfin ! Elle exultait. Il approchait calmement. Sa gorge devint sèche, stérile de tout mot. Son cur avait aspiré tout son sang pour gonfler, enfler, lenvahir complètement, la transformer en une créature palpitante damour pour lhomme qui se tenait maintenant face à elle.
Elle lécha ses lèvres, mais ce ne fut que le frottement dune langue rêche contre une surface craquelée.
Dans sa tête, une voix vibrante dhystérie hurlait «Je taime ! Je taime ! » Lord Cockroach perçut-il ce cri damour silencieux ? Il pencha la tête, ne la quittant pas de ses yeux verts et brillants. Un sourire approbateur joua sur ces lèvres quelle voulait tant embrasser.
Tu mas attendu, cest bien.
Leffet de ces paroles pourtant si banales fut immédiat. Elle qui se dressait, crispée et tremblante sentit ses jambes samollir. Elle nétait plus quune poupée de chiffon vidée de sa bourre. Ses glandes salivaires reprirent leur office et ses lèvres shumectèrent. Son sexe la chatouilla agréablement tandis quil subissait le même processus. Sans plus attendre, elle se jeta dans les bras de son idéal, elle enserra son cou entre ses bras souples. La tête renversée en arrière, elle colla ses lèvres au cou de son bien aimé. La peau était tiède et si douce...
En retour, il la serra contre lui tout en ouvrant la portière arrière de la limousine. Il souleva ensuite Loren avec aisance et la déposa sur le siège en cuir qui crissa agréablement sous les fesses de la jeune fille. Il entra à son tour dans la limousine, frappa deux fois du plat de la main contre la vitre qui les isolait du chauffeur. Le moteur tourna aussitôt et le véhicule sébranla doucement.
Cela refroidit Loren, lidée quil y avait un chauffeur depuis le début qui avait dû lobserver à travers la vitre fumée. Elle se recroquevilla sur le siège, soudain embarrassée.
Lord Cockroach lui sourit.
Il ne regarde que la route, et rien que la route. Déshabille-toi.
Cétait un ordre formulé avec sensualité. Elle vit quil frémissait de désir. Elle savait quelle était obligée dobéir tout en aimant le fait de ne pas avoir le choix. Il sinstalla confortablement sur le siège moelleux et lobserva sous ses paupières mi closes.
A la bonne vôtre !
Les bouteilles de bière sentrechoquèrent. Carole grimaça. Elle était moulue et endolorie. La première gorgée de bière apporta un petit réconfort non négligeable.
Cest souvent comme ça ? demanda Otis en sessuyant la bouche du revers de la main. Enfin, jveux dire, les manifestations dhystérie collective, lagressivité...
Avec mon groupe habituel, cest un peu plus calme, dit Dead Moon le batteur. Les gens sont là pour la musique. Point barre. On na pas autant de groupies.
Et en général, elles se tiennent bien, renchérit Jody. Là cest vrai quavec le Lord, tu ne sais jamais ce qui va arriver.
Peut-être même que là maintenant, y a une nana qui est train de se faire buter par le taré ajouta Rodman le claviériste.
Personne ne touchera à ma mascotte ! sécria Jody en passant un bras protecteur autour des épaules de Carole.
La jeune femme lui sourit avec chaleur. Il lenlaçait avec précaution, évitant de lui faire mal là où les pestes lavaient frappée. Un vrai geste de pote. Ils choquèrent encore leurs bouteilles, faisant jaillir un peu de mousse.
Et sinon, ça vous plaît de bosser avec lui ?
La question de Carole sembla figer latmosphère dans une chape dambre.
Cest un grand artiste, répondit finalement Moon avec prudence.
Ouais, il nous pousse dans nos derniers retranchements, il est perfectionniste et ça nous fait bosser et progresser, dit Jaime le guitariste.
Jody avait plus de réserve :
Bah moi, je vais tavouer un truc : je flippe à moitié quand il est dans le coin. Ne me demande pas pourquoi, cest viscéral. Pas étonnant quil change de combo à chaque album. Tourner avec le Lord, cest usant pour les nerfs.
Elle sétait débarrassée de ses bottines et de sa veste en cuir. Elle déboutonnait lentement son chemisier sans manche, le regardant avec intensité, essayant de lui transmettre toute sa lubricité.
Dépêche-toi, la supplia-t-il.
Il avait maintenant les deux mains posées sur sa braguette. Elles allaient et venaient et Loren ne pouvait nier que ce qui se trouvait en dessous enflait dangereusement.
Mon Dieu, se dit-elle en arrachant presque les derniers boutons. Il est monté comme un ours. Il va me dévaster.
Elle envoya son chemisier sur le sol, le soutien-gorge suivit avec le même empressement. Elle se tortilla follement lorsquelle fit glisser dun même mouvement son short, ses collants en résille et sa petite culotte.
Tu es parfaite, parfaite, gémit-il. Jai besoin de toi, je te veux. Agenouille-toi.
Il navait pas besoin de lui donner dinstruction. Elle savait précisément ce quil attendait delle. Elle posa une main tendre sur le renflement de son entrejambe et descendit tout doucement la fermeture éclair de sa braguette.
Lord Cockroach poussa un long et interminable soupir rauque, aussitôt couvert par les hurlements de Loren lorsquelle découvrit ce quelle avait réellement libéré de ce pantalon. Et ça se jetait à présent sur elle, escaladant sa peau nue.
Des cafards.
Des cafards par dizaines, par centaines jaillissaient de la braguette béante et se ruaient sur la jeune fille. Loren devint hystérique lorsquelle sentit la multitude de pattes griffues parcourir son corps. Leurs petits abdomens jaunes luisaient sous la lampe du plafonnier. La voiture ne ralentit pas tandis que Loren sautait partout pour se débarrasser des petites horreurs grouillantes, se frappant les cuisses et le ventre du plat de la main. Elle ne vit pas Lord Cockroach avachi sur la banquette, le regard vitreux, ressemblant à un mannequin de cire jeté négligemment.
Les hurlements de la jeune fille se muèrent en gargouillis lorsquune horde de cafards prit sa bouche dassaut, envahissant sa langue de leur saveur âcre et du picotement de leurs pattes. Elle voulut mordre, vomir, mais dautres lui bouchèrent les narines en y entrant de force. Ses autres orifices furent également violés.
Il était devenu difficile de discerner une forme humaine sous la masse ondoyante formée par les ignobles cancrelats. Le tas seffondra lentement puis simmobilisa après avoir tressauté encore un moment. Alors, peu à peu, les cafards regagnèrent lenveloppe vide de Lord Cockroach.
Les mains crispées sur le volant, le chauffeur ne regarda que la route, et rien que la route.
now I belong Im one of the chosen ones
now I belong Im one of the beautiful ones
Star Fuckers Inc Nine Inch Nails.