VOIVOD Hard Force n°13/Mai 1996.
Rencontre avec Michel L'angevin par Chriss Lee.
Voivod est un cas atypique dans le mode du métal. Le groupe originaire du Québec, responsable de huit albums en douze ans, est à la fois culte chez ses pairs, nouvellement reconnu dans les charts américains, caractéristique pour son concept précurseur, même si celui ci n'a pas été compris pendant longtemps par le public. Avant d'arpenter la scène du Dynamo Open Air, la tête pensante du groupe Michel L'angevin, évoquait récemment avec notre correspondant canadien la position du groupe au sein du métal actuel et ses projets.
C.L : Rentrons tout de suite dans le vif du sujet. Voivod et Metallica, quel et le rapport ?
M.L.: Eh bien, ce qui m'est arrivé est assez étrange. Jason Newsted m'a appelé chez moi, me demandant ce que je faisais au moi de mars. Je lui ai répondu que j'étais libre et même si je ne l'avais pas été, je me serais libéré pour lui ! Jason m'a dit avoir travaillé sur des projets avec SEPULTURA et FAITH NO MORE et que son souhait serait de collaborer une semaine avec VOIVOD. Il m'a invité une semaine à San Francisco, dans son studio, pour enregistrer son projet solo. Jason chante et joue de la basse. je suis à la batterie et Denis D'Amour à la guitare.
C.L. : Il y longtemps que vous vous connaissez ?
M.L. : Oui depuis un bon moment. A chaque fois que VOIVOD a joué à San Francisco, les gars de METALLICA étaient dans la salle. Nous sommes restés en contact. Jason est un drôle d'organisateur. En 1988 ou 1989, il avait monté une partie de foot et un barbecue lors de notre tournée Dimensions Hatröss!
C.L. : Le dernier album en date de VOIVOD à l'air de bien se porter...
M.L. : Oui, il s'est bien vendu ! Il a été dans le top 5 des classements radio métal aux USA et la tournée européenne s'est avérée un franc succès. Nous avons également travaillé sur un mini-album "Live in Berlin" qui comprend le single Nanoman.
C.L. : Vous avez enregistré le concert en novembre 1995 ?
M.L. : Oui, mais c'est surtout de nouveau titres ou des versions inédite : Nuclear War, Astronomy Domine, Cosmic Conspiracy et Project X.Nous allons peut-être inclure un remix techno de Insects, mais ce n'est pas encore sur... Il y aura également une piste CD-ROM qui figure déjà sur le CD américain de Negatron. Elle comporte le vidéo-clip, les paroles, une bio, plusieurs dessins personels et un extrait d'une répétition du groupe dans son local.
C.L. : Impressionnant ! et ca sort quand ?
M.L. : Cet été , je n'ai pas encore de dates précise.
C.L. : On commence à saisir ton univers personnel, le concept autour de tes dessins (un thème qui remonte à ses 12/13ans). Et surtout l'ambition est davantage flagrante depuis quelques temps .
M.L. : Je trouve que VOIVOD est plus professionnel. C'est ça l'expérience... Depuis Nothingface, à mon avis. C'est aussi une question de moyens. Et encore ... si nous avions davantage, je n'hésiterais pas à concevoir nos shows comme PINK FLOYD ! Cependant, ma vision se précise grâce à Softimage (compagnie d'animation et effets spéciaux pour le cinéma et la télé, responsable, entre autres de Jurassic Park réalisé par Spielberg). J'avais le choix : j'ai failli réorienter ma carrière vers l'animation sur ordinateur puis, suite à une étude de marché pour le dernier album, je me sui rendu compte que je pouvais combiner les deux. VOIVOD étant respecté par l'industrie, nous avons pu obtenir des offres assez intéressantes.Il faut pourtant se dire quelle style super heavy de VOIVOD rendait difficile l'approche marketing. Nous avons donc travaillé avec les compagnies indépendantes orientée Heavy.
C.L. : Quelle émotion. Je repense à vous lorsque je vous ai vus pour la première fois en 1985. Groupe de garage, musique extrême. Surtout lorsque l'on suit votre progression vers ces sonorités uniques...
M.L. : Cela fait des années que nous exprimons un message dans notre musique , notamment les dangers de la science, mais celui-i passe souvent au-dessus de la tête des gens. Nous sommes conscients qu'il puisse s'agir d'un obstacle, mais nous notons que de plus en plus de groupe abordent ces sujets. FEAR FACTORY, par exemple. Notre popularité grimpe, donc le public prend conscience avec le temps.
C.L. : Mariant le son et le visuel, VOIVOD est-il artistiquement complet ?
M.L. : Oui et pas le choix. La musique est inspirée de mes dessins. Elle est composée sur la base des illustrations que je réalise. Et le dessin c'est de l'art pur...
C.L. : Quels sont les courants qui t'ont marqués ?
M.L. : J'aime beaucoup l'expressionnisme et l'art déco également. D'ailleurs le bassiste des Cro-Mags avait surnommé la musique de Voivod du déco-métal ! Ca m'a beaucoup plus, c'est original.
C.L. : On parle surtout de vous en terme de space opéra...
M.L. : La culture québécoise nous a fais baigner dans King Crimson et Van der Graaf Generator. Ca transparaît évidement dans notre style.
C.L. : Toutes les compositions de Voivod, partent elle d'un dessin ?
M.L. : Ce n'est pas absolument systématique. Nous faisons des jams que nous enregistrons, puis je dessine ce qu'elles m'inspirent. Je montre ensuite mes dessins au groupe et nous construisons quelque chose de définitif à partir de là. C'est un échange unique entre le visuel et le son. Pour le disque Dimension Hatross, chaque personnage possédait son thème qui réapparaissait souvent dans les titres sous plusieurs variantes. Cet album avait été un enfer; les tensions internes sont d'ailleurs parties de là. Il était de plus en plus dur pour moi de demander aux autres de mettre en musique ce que je faisais. Chacun avait ses propres idées et se dirigeait vers quelque chose de différent. On a encore été capable de sortir Nothingface et Angel Rat avant la séparation.
C.L. : A quand remonte cette passion pour le dessin ?
M.L. : Mon cousin (Richard L'angevin, le mari de Diane Dufresne ndlr) m'a initié au dessin quand j'avais 5 ans. J'ai appris il y a 2 ans qu'il dirigeait l'école de graphisme de Softimage. Je me suis empressé de reprendre contact avec lui et lui ai donné un exemplaire de l'album The Outer Limits. J'ai donc suivi un cours dans cette école. C'est un peu pour le remercier de m'avoir fait découvrir cette vocation qu'Atomas figure sur la pochette.
C.L. : Vous revenez en Europe. Quelles relations entretenez vous avec le vieux continent ?
M.L. : L'album est d'abord sorti en Europe et nous y avons joué en novembre/décembre Nous savions que nous marchions fort en Allemagne, pas mal en Angleterre et aussi en France, mais à certains endroits, c'est tout bonnement incroyable: en Tchécoslovaquie et en Italie surtout, il y a une Voivod-Mania En Italie, j'ai vu des gens nous courir après ! Les pays de l'est sont peut-être sensible au nom C'est d'origine roumaine (Voivod Vlad Dracula)
C.L. : Après le "Live in Berlin", avez-vous des projets ?
M.L. : Oui, Maîtrisant la programmation sur ordinateur, je veux prolonger l'expérience du CD-ROM et concevoir un jeu sur ce support avec les personnages de la saga Voivod.
C.L. : Le concept du prochain album est déjà avancé ?
M.L. : L'histoire de Voivod s'est achevée sur Nothingface et depuis, il vit dans une sorte de coma profond. J'aimerais le ramener à la vie sur quelques morceaux. Je me méfie énormément des concepts que je lance désormais. Dans le magazine Spin, il y avait un article sur un jeune norvégien qui avait tué un homosexuel dans un parc, et le kid possède un tatouage de Voivod. Je me suis senti très mal. Sur le premier album de Voivod, on remerciait les fans de black métal de la planète... Je me sens plutôt mal à l'aise avec ça car nous avons fait des conneries de gamin de 15/16 ans, mais nous n'avons jamais incité à la violence ou au meurtre.