INTERVIEW
avec Dirk VERBEUREN (batteur de SCARVE / MORTUARY / HEADLINE)
A - Scarve
VS Greg : Vous venez de sortir votre premier album, Presentez vous rapidement, votre
parcours, vos influences, les membres du line up. etc
Dirk V: SCARVE existe depuis début 1994, formé par Patrick Martin (guitare rythmique) et
moi-même. Nous sommes aujourd'hui les seuls membres fondateurs toujours présents dans le
groupe. Les autres musiciens sont Alain Germonville au chant extrême, Guillaume Bideau au
chant mélodique, Sylvain Coudret à la guitare solo et Philippe Elter à la basse. SCARVE
a sorti une K7 démo éponyme en 1994, puis un CD autoproduit 'Six Tears of Sorrow' en
1996, avant d'être signé courant 1999 par Furtive Records, qui a sorti notre premier
véritable album 'Translucence' le 25 février dernier.
VS Greg : Quelles sont les réactions autour de vous (presse, public, étranger etc) suite
à sa sortie ?
Dirk V: Pour l'instant elles sont très positives, aussi bien au niveau des chroniques que
du public... Nous venons d'effectuer quelques dates dans le nord, et les réactions des
fans nous ont pour le moins surpris ! Il y a eu un véritable échange d'énergie qui nous
a tous impressioné... A Amiens, certains fans connaissaient même les paroles des
morceaux ! Bref, un expérience que nous espérons bien renouveller rapidement. En ce qui
concerne l'étranger, 'Translucence' sort début avril en Europe chez War Music, et les
premiers echos semblent plutôt prometteurs.
VS Greg : Comment ca s'est passé pour un groupe comme SCARVE de passer du cap du groupe
qui sort des démos à la réalistaion d'un véritable album. Quel a été votre
démarche, quelles ont été les etapes les plus dures ?
Dirk V: Après 'Six Tears...', nous avons assez rapidement commencé à travailler de
nouveaux titres, et le moment semblait opportun de réaliser un premier album. Nous avons
enregistré pas mal de démos avec notre propre matériel, ce qui nous a permis d'affiner
les arrangements des morceaux, etc. C'est après avoir écouté une de ces démos que
Furtive a donné à SCARVE les moyens nécessaires pour aboutir ce projet, qui a
quand-même fini par prendre près de trois ans. Le moment le plus dur a sans doute été
le départ simultané de notre bassiste et de notre premier chanteur fin 1998, mais nous
avons décidé de ne pas baisser les bras, et nous sommes aujourd'hui plus soudés et
déterminés que jamais !
VS Greg : Votre style Death-Thrash technique est assez dur d'approche, quel public
espérez vous toucher avec votre music ?
Dirk V: Le métal extrême en général s'adresse plutôt à un public d'initiés, et nous
sommes bien conscients de ce facteur limitant. De toute façon, nous faisons la musique
tel que nous la concevons, sans penser aux ventes d'albums (c'est plutôt le boulot des
labels !) et par conséquent, sans nous préoccuper du public que nous pourrions toucher
ou ne pas toucher. Je pense que notre musique a pas mal de points d'accroche, notamment
grâce à certains refrains mélodiques ; toutefois ce n'est pas le succès commercial qui
me motive le plus, mais plutôt la réussite artistique, qui est forcément égoïste.
VS Greg : Quel est l'objectif du groupe à cours et moyen terme ?
Dirk V: A court terme : faire un maximum de concerts en France et à l'étranger, parce
que nous adorons la scène, qui représente un véritable challenge à chaque fois.
Ensuite, nous travaillons déjà au prochain album qui devrait sortir au printemps 2001 et
qui représente notre objectif premier pour l'année à venir.
VS Greg : Que signifie SCARVE ?
Dirk V: C'est une contraction de deux mots ('scar' et 'to carve') et nous lui avons donné
la définition de 'psycatrice' (c'est à dire 'cicatrice psychologique'). Le mot SCARVE
est le point de départ de tous nos textes, et ce depuis la première démo.
VS Greg : L'album est il un concept album .? peut tu un peu expliquer les themes des
paroles...
Dirk V: Les paroles de 'Translucence' forment un ensemble cohérent : ils sont composés
des réflexions d'un personnage qui fait des rêves pour le moins étranges et
intriguants, et qui décide de partir à la recherche de ses origines pour tenter de
comprendre lesdites visions. Au cours de ses recherches, il rencontre d'autres personnes
qui sont dans le même cas que lui, et petit à petit ses soupçons se confirment... Il
fait des découvertes de plus en plus inattendues, qui finissent par le dépasser
complètement, et par remettre en cause l'humanité toute entière ! A nos yeux, il ne
s'agit pas d'un concept album, pour plusieurs raisons : 1) La musique a été conçue de
façon relativement indépendante des textes ; 2) La notion de 'concept album' est
utilisé à tort et à travers, alors qu'à notre avis peu d'albums méritent vraiment
cette appelation (le dernier que j'ai apprécié est le Fear Factory, 'Obsolete', qui est
génial quand on lit les textes en l'écoutant) ; 3) Les textes, écrits de façon assez
imagée, recherchent avant tout de créer une ambiance sombre appropriée à notre
musique, et ils sont interprétables de pleins de façons ; c'est aussi pour cette raison
que nous ne les racontons pas trop en détail (ce que j'ai dit plus haut n'est vraiment
que la pointe de l'iceberg !) ; 4) Depuis toujours, nos textes suivent une seule et même
ligne directrice, basée sur un mélange de fiction et de nos visions sur le monde ; il
nous semble donc plus judicieux de parler du concept 'SCARVE' dans son ensemble, ce qui va
bien au-delà d'un concept album. A noter que si j'ai effectivement écrit la
quasi-totalité des textes, Patrick et notre ancien chanteur Fred Bartolomucci ont
largement contribué au développement de cette ligne directrice.
VS Greg : Etre francais n'est il pas une barrière énorme pour percer à l'étranger, Ne
vaudrait il pas mieux être Suedois ou Allemand ?
Dirk V: A partir du moment où la musique est de qualité, quelle importance ? Il est vrai
qu'aucun groupe de métal français n'a réussi à percer à l'étranger, mais notre
scène compte aujourd'hui plus que jamais des groupes très prometteurs et de haut niveau.
Si l'un d'eux a une personnalité assez forte pour ouvrir la brêche, l'acceptation
internationale s'ensuivra sans nul doute.
VS Greg : De quels groupes vous sentez vous les plus proches ?
Dirk V: En règle générale, nous admirons les artistes intègres qui affirment leur
personnalité... Ca peut aller de Slayer à Emperor en passant par Devin Townsend,
jusqu'à John Zorn, Symphony X, Björk, Hint, Steve Vai, Dan Swanö, Yes, S.U.P, ou encore
Morbid Angel et Meshuggah ! Dans SCARVE, les influences sont très variées...
VS Greg : Que pensez vous de la scène metal française ?
Dirk V: Il y a beaucoup de bonnes choses qui se passent en ce moment, des groupes qui se
font signer un peu partout et le niveau qui se relève par rapport à il y a 3-4 ans. Il
est toujours assez difficile de tourner en France, mais les albums deviennent de meilleure
qualité. Je pense à S.U.P, Division Alpha, Carnival In Coal, Anorexia Nervosa, et pleins
d'autres que je connais moins mais que j'espère découvrir. Bref, je crois que le
potentiel est là, reste à espérer que l'ascension continue !
B - Dirk Verbeuren
VS Greg : Tu as été membre d'un des groupes les plus prommetteur du métal francais
ARTSONIC, pourquoi les as tu quitté ? Es tu en bon contact avec eux? Ou en sont ils ?
Quel etait ton rôle dans le groupe ?
Dirk V: J'ai quitté Artsonic essentiellement pour des raisons d'emploi du temps, car le
groupe tournait beaucoup, ce qui a fini par empiéter sur mes autres activités. De plus,
dans la période où 'Translucence' sortait, ils avaient moins de trois mois pour écrire
et enregistrer leur nouvel album... Il aurait été impossible pour moi d'en faire autant,
car j'avais énormément de boulot pour SCARVE et Furtive. De plus, nous avons des visions
assez différentes sur pas mal de choses, ce qui était parfois difficile. Mais je suis
toujours en contact avec eux, on se respecte mutuellement et je suis fier de ce qu'on a
fait ensemble ! Surtout sur 'Fake' qui était un travail d'équipe, j'ai participé à
l'écriture de plusieurs morceaux, de quelques textes, et on a fait la plupart des
arrangements ensemble. Mais SCARVE me tient très à coeur, et il a fallu trancher...
VS Greg : Actuellement tu es le batteur de Headline, groupe qui n'a rien à voir avec le
style de SCARVE, que fais tu avec eux ? es tu membres à part entière ?
Dirk V: J'ai rejoint Headline seulement deux semaines avant l'enregistrement de 'Voices of
Presence', car ils avaient besoin d'un remplaçant d'urgence. Je ne comptais pas rester
avec eux, mais on s'est très bien entendu, et ils se sont montrés très compréhensifs
par rapport à mon emploi du temps et mes priorités personnelles. J'ai donc fini par
faire la tournée française de Vanden Plas avec eux, un excellent souvenir d'ailleurs !
Au niveau du style, comme à chaque fois c'est un challenge de s'adapter (surtout que je
ne connais pas grand-chose au prog'), et j'aime les challenge ! Bref, je suis membre à
part entière tant que c'est faisable, de leur côté ils prévoient un remplaçant au cas
où j'aurais des empêchements, et on regroupe les répètes et les concerts de façon à
perdre le moins de temps possible. Par contre, vu les circonstances, il est évident que
je n'ai pas contribué à l'écriture de l'album... j'ai donc plus un rôle d'exécutant
dans Headline, alors que dans SCARVE je suis beaucoup plus impliqué à tous les niveaux.
VS Greg : Tu es un des membres créateur d'un des plus vieux combo de death de l'est
MORTUARY, es tu encore membres du groupe, quels sont tes projets avec Mortuary ?
Dirk V: Oui, je joue toujours avec eux, mais... Mortuary existe depuis 1989 et je suis
avec eux depuis 1999, donc 'membre créateur' est peut-être un peu exagéré !! Pour
résumer, j'ai adoré ce groupe depuis la première fois que je les ai vu sur scène (en
1994), et donc c'est tout naturellement que je leur ai proposé d'essayer une répète
quand leur ancien batteur a jeté l'éponge. Il y a actuellement un album en projet, pour
lequel dix titres sont quasiment terminés. Il s'appellera 'Agony In Red' et devrait
sortir chez Pavement cette année. Inutile de dire que là, ce n'est vraiment pas évident
niveau batterie car c'est très physique, et je suis tout sauf sportif. Mais les montées
d'adrénaline que procurent ce style ultra-rapide sont vraiment impressionnantes !! Vu
qu'ils sont basés sur Nancy comme SCARVE, je peux participer à assez de répètes pour
que les choses ne stagnent pas trop.
VS Greg : Parmis tout tes groupes, quel est ta priorité ?
Dirk V: SCARVE, sans hésitation. C'est mon premier groupe et le projet qui me tient le
plus à coeur humainement et musicalement, sans compter le fait que ça fait plus de six
ans que j'y consacre quasiment tout mon temps libre. J'ai la chance de pouvoir faire
partie d'autres projets, qui m'apportent beaucoup au niveau de l'expérience (tournées,
enregistrements,...) et de mon instrument, et dont j'apprécie bien sûr la musique. Mais
SCARVE passe avant tout, et pour les autres groupes, je fais en sorte que les choses
soient claires dès le départ. De toute façon, chaque groupe a son noyau dur
(généralement composé des fondateurs), ce qui me permet d'y avoir un rôle moins
chargé que dans SCARVE.
VS Greg : Tu es également proffesseur de batterie, comment es tu arrivé à devenir prof
?
Dirk V: SCARVE a été formé lorsque Patrick et moi étions élèves au CMCN, une école
professionnelle basée à Nancy et où l'on fait de la musique moderne pendant une année
non-stop. D'ailleurs, tous les musiciens de SCARVE à l'exception d'Alain ont fait cette
école (qui s'appelle maintenant Music Academy International ou MAI). C'était un pas
logique pour moi de devenir prof au MAI dans la mesure où j'étais le seul à travailler
la technique métal (double grosse caisse, rapidité, force de frappe, etc). C'est
stimulant de donner des cours car je suis obligé de garder un bon niveau, ainsi que de
transmettre mes idées de façon claire, et donc de les analyser en profondeur.
VS Greg : Quels sont tes inflences en tant que batteur ?
Dirk V: Tout simplement la musique que j'aime, c'est à dire le métal au sens large du
terme, mais aussi certains artistes de techno (Scorn, Black Lung, Daft Punk, Ulver), de
rock (Björk, Prince, Soundgarden, Tori Amos) ou encore de musique dite expérimentale (Mr
Bungle, Endura, John Zorn, Fantômas)... Je suis friand de nouveautés et j'écoute la
musique par périodes, donc je suis influencé par beaucoup d'artistes différents. Pour
moi, la musique est un ensemble ; je veux dire par là que je peux très bien écouter une
bonne compo avec un batteur naze (ou une boîte à rythme), mais rarement l'inverse !
VS Greg : Peux tu nous donner ton opinion en tant que proffesionnel de la batterie, sur le
niveau et la qualité des batteurs suivants : Dave Lombardo, Gene Hoglan, Igor Cavalera,
Lars Ulrich, Raymond Herrera
Dirk V:
Dave Lombardo : c'est lui qui m'a poussé à jouer, il m'a mis une claque gigantisimme
avec 'Reign In Blood' et puis tous les autres albums de Slayer quand j'avais 13 ans ! Ses
rythmes et breaks sont reconnaissables parmi mille. Il fait beaucoup de choses
différentes maintenant (Fantômas, Taboo & Exile avec John Zorn, Testament, Grip
Inc., et même de la musique classique), ce qui prouve son ouverture d'esprit. C'est un
des précurseurs, et le seul qui sait vraiment faire pulser les rythmes thrash, il n'y a
qu'à écouter le dernier Testament pour s'en convaincre ! Un très, très grand batteur.
Gene Hoglan : il a introduit beaucoup d'éléments nouveaux dans la batterie extrême,
notamment sur 'Individual Thought Patterns' et 'Symbolic' de Death (bien que je trouve le
travail de Sean Reinert sur 'Human' encore plus révolutionnaire). Beaucoup de bonnes
idées (polyrythmes, utilisation de sons inédits), et une exécution souvent exemplaire
en font un batteur incontournable et très intéressant à écouter.
Igor Cavalera : j'ai connu son travail à l'époque de 'Schizophrenia' et 'Beneath The
Remains', et sa vitesse était alors plus qu'impressionnante. Depuis, il s'est
spécialisé dans les rythmes de type 'tribal', ce qui lui donne une personnalité unique
dans le milieu du métal. J'ai par contre été déçu de voir qu'il était grave à la
rue sur scène pendant les passages de double grosse caisse, lors des anciens titres...
Lars Ulrich : techniquement, il n'a jamais été un bon batteur ; il avoue d'ailleurs
volontiers ne jouer qu'en groupe (bosser son instrument ne l'intéresse pas). Par contre,
il est indéniable que sans lui, la batterie métal ne serait pas ce qu'elle est, tout
comme le métal tout court serait différent sans Metallica !
Raymond Herrera : un très grand batteur lui aussi, et qui n'hésite pas à affirmer sa
personnalité, notamment en utilisant des capteurs (qui 'captent' les vrais coups de
batterie et les transfèrent dans un sampler, qui permet d'assigner à ces vrais coups
n'importe quel son). Le nombre de fois où j'ai pu entendre que Fear Factory utilisait une
boîte à rythme... Allez les voir sur scène, bordel !!! Je trouve son jeu très riche et
moderne, très en place et rythmiquement novateur. Et il arrache grave à la double !
VS Greg : Quel est pour toi, le meilleur batteur au monde ?
Dirk V: Je ne suis pas un fanatique de la musique pour musiciens, et mon savoir en la
matière des grands batteurs est assez limitée... J'ai beaucoup apprécié Dennis
Chambers lors d'un masterclass au CMCN, il est vraiment au-delà de tout ce qu'on peut
imaginer techniquement et musicalement. Mais celui qui me fait vraiment tripper, c'est
Pete Sandoval de Morbid Angel ! C'est un fou furieux, avec une frappe monumentale et sans
doute la double grosse caisse la plus rapide et la plus 'groovy' de toute la scène
extrême. A chaque concert il se donne à fond, et à chaque fois je n'en reviens pas ! Il
a son style bien à lui, une rapidité et une puissance qui incarnent à la perfection le
fondement même de ce style de jeu de batterie. Pour moi, c'est Sandoval le plus grand
!!! |