Il est toujours étrange de voir comment la renommée s'abat sur ses victimes, pas si innocentes que ça. Acteur de la seconde génération du black metal norvégien, Gaahl aura dû attendre les années 2000 pour définitivement se faire un nom sur la scène internationale. Avant d'être le sociopathe violent qui déchaîne les passions dans nos news par ses fréquents séjours en geôle, n'oublions pas que le Norvégien est surtout un vocaliste hors pair qui illumine les albums de Gorgoroth depuis "Incipit Satan". Un des rares hurleurs qui peut incarner Satan en personne le temps d'un concert blasphématoire. Mais le nombre de reportages consacrés ces derniers temps à l'individu démontre aussi que l'intérêt que les media lui portent dépasse le cadre de ses vocalises. Gaahl est devenu une icône moderne du black metal, alors que Vargounet joue toujours du synthé en prison et que les autres protagonistes sont morts ou assagis. La place était à prendre et, comme dit Megadeth, "The world needs a hero".

Il n'en fallait pas plus pour que de nombreux regards se portent sur ce nouvel album de Trelldom. D'abord, celui doux et rassurant de Regain Records qui flaire encore ici une bonne affaire (quel catalogue). Et puis ceux des amateurs de black, dont seule une minorité possède effectivement les albums du combo norvégien à la maison. Mais heureusement tonton internet est là et notamment son petit cousin myspace, pour se faire une idée en deux clics. Rassurez-vous, je ne crache pas sur ces outils modernes et bien pratiques dont j'use souvent, ni sur l'attitude d'un groupe qui a bien raison de se faire de la promo. Non, je bave juste un peu sur ceux qui se sont faits une idée en deux minutes sur ce projet et qui viennent jouer les connaisseurs pointus sur les forums comme s'ils pratiquaient Trelldom depuis ses prémices. Pas facile de prendre le train en route dans une scène de virtual posers.

Et pourtant, je le prends. Ne connaissant pas les premiers assauts de Gaahl, j'ai donc téléchargé les deux albums. Après diverses écoutes, j'en conclus qu'ils portent incontestablement la marque du black norvégien des années 90. Rien à redire même s'ils sont déjà très standards pour l'époque. Pour être précis, le projet remonte même à 1992. Une démo a vu le jour en 1994, suivi de "Til Evighet…" l'année suivante (qui en reprend quatre titres). "Til Et Annet…" voit le jour en 1998, avec déjà le line-up qui va enregistrer "Til Minne…" neuf ans plus tard. Seul le batteur a changé, puisque Mutt (qu'on retrouve sur le second album de Taake) est remplacé par un certain Are (que je trouve fort moins bon et incisif, au passage). Et voilà "Til Minne…" qui débarque, huit titres pour près de quarante minutes de musique classique.

Car Trelldom donne bien dans le classicisme, respectant les canons du black norvégien à la lettre. Si la production s'est arrondie et qu'ils ne vont plus chez ce vieux trend de Pytten, le temps semble avoir peu de prise sur ces mélancoliques de la grande épopée norvégienne. Trelddom s'inscrit donc au nombre des formations participant au revival old school en Norvège, conservant un black plus épuré comme on en trouvait à la pelle au milieu des années 90. Tout cela me remémore soudain l'infâme Secht auquel participait justement Gaahl il y a peu. Heureusement Trelldom n'est pas aussi mauvais. Revenons à nos moutons impies.

Les titres de "Til Minne…" sont littéralement montés sur trois riffs, jouant sur le côté lancinant et incantatoire de son black assez répétitif. La magie de la tradition n'opère pas vraiment dans un album qui manque singulièrement d'agressivité. Le son étouffé et moelleux de l'opus n'est sûrement pas étranger à ce sentiment de… faiblesse. Il faut attendre "By My Will" pour découvrir un pont central aux sonorités plus épiques qui accroche un peu. Mais les titres restent assez courts et ne se développent pas réellement. Seuls deux morceaux sortent réellement du lot des 4-5 minutes vite pliées. Tout d'abord l'outro "Eg Reiste i Minnet…", empruntée au répertoire folklorique norvégien. Le jeu de hardanger y est un peu maladroit, mais c'est surtout la facilité de ce titre qui frappe. Comme un cheveu dans la soupe. Quant aux longues dix minutes de "Steg", elles sont assez symptomatiques de cet album. C'est sympathique et ça s'écoute mais elles sont assez dispensables et il ne se passe pas grand-chose.

"Til Minne…" comprend beaucoup (et donc trop) de remplissage pour être percutant et se limite à du ronronnant malgré les bonnes parties vocales de Gaahl. Et cette sortie serait probablement passée inaperçue sans sa présence dans les rangs. Effet de la notoriété oblige, pour s'assurer une écoute, il faut désormais attraper la gale… Comme le disait Tina, "we don't need another hero".


Rédigé par : Prince de Lu | 10,5/20 | Nb de lectures : 12193