DØDHEIMSGARD - A Umbra Omega (Peaceville) - 11/05/2015 @ 07h42
Dans l’histoire du BM norvégien, il y a bien sûr eu le Black pur et dur (forcément), il y a eu le Black progressif, avant-gardiste et décadent de ARCTURUS, VED BUENS ENDE et consorts. Il y a aussi quelques détraqués du bulbe qui ont enfanté le Black-Indus, MYSTICUM et THORNS notamment. Il y aussi eu des formations qui ont su jouer sur les 3 tableaux. DØDHEIMSGARD, formé en 1994, fait partie des rares formations qui ont su combiner tous les éléments du Black -au sens large- Metal norvégien. Après des débuts « classiques » pour Kronet Til Konge (1995), le groupe s’est engagé vers la voie d’un BM plus bizarroïde et imprévisible dès Monumental Possession (1996), mais ce sont surtout l’EP Satanic Art (1998) et leur 3ème opus 666 International (1999) qui ont fait exploser le potentiel de DØDHEIMSGARD, prenant des éléments de BM traditionnel, de BM avant-gardiste et de BM Indus pour faire sa tambouille, unique en son genre et déjà maîtrisée, surtout que le groupe se dote d’un visuel pour le moins… original avec ses membres peinturlurés de toutes les couleurs. Le temps passe et 666 International est devenu culte, surtout que par la suite le groupe s’est fait désirer. Supervillain Outcast n’arrivera que 8 ans plus tard, pour un album différent, moins fouillé et plus accrocheur, bénéficiant de l’apport des vocaux de Kvohst (CODE, VOID), et l’accueil en fût mitigé (Sheb lui colla ici-même un 08/20…) mais globalement positif parce que DØDHEIMSGARD (qui se fait aussi appeler DHG), c’est quand même quelque chose, un OMNI dans les petits mondes du Metal norvégien et du Metal avant-gardiste.

DHG n’a pas pour autant eu un regain d’activité, et entre soucis de line-up (Kvohst qui abandonne tous ses groupes d’un coup, équipe qui a du mal à se stabiliser autour de l’indéboulonnable Vicotnik) et belles promesses qui auront mis du temps à être honorées… 8 ans (à nouveau) après Supervillain Outcast, DØDHEIMSGARD est de retour avec A Umbra Omega, 5ème album censé être la première partie d’un diptyque qui devrait (j’ai bien dit devrait) être complété assez vite. De retour avec son chanteur d’origine Aldrahn (qui s’éclatait par ailleurs avec THE DEATHTRIP), ce qui a fait frémir certains fans. Logiquement, on peut directement penser à un retour aux sources, à un retour à 666 International au moins. Hé ben pas du tout. Enfin pas dans ce sens si facile. A Umbra Omega est bien éloigné de Supervillain Outcast, ce qui ravira les détracteurs de ce dernier, mais DØDHEIMSGARD continue à évoluer, à proposer de nouvelles choses, à triturer le tryptique Black/avant-garde/Indus, tout en utilisant la plupart de ses particularités depuis Monumental Possession, mais en se réinventant tout du moins en partie, même si l’on sent parfois revenir la vibe de l’EP Satanic Art là-dedans. Pochette inhabituelle déjà, et schéma d’album assez inhabituel aussi : Passée l’intro "The Love Divine", DHG nous propose cinq compositions qui vont de 11 à 15 minutes. On croirait presque avoir affaire à un disque de Funeral Doom ou de DARKSPACE quand on lit le détail de la longueur des pistes de cet album. Certes 666 International avait déjà des morceaux longs comme "Shiva-Interfere" ou "Regno Potiri", mais ici, on se trouve à un autre niveau, une science d’arrangement bien différente. A Umbra Omega est un maelström de choses, de sons, de bidouillages, d’ambiances, de riffs, de plein de trucs très DØDHEIMSGARDesques finalement, ce qui n’est pas facile à aborder, même pour un amateur aguerri des facéties de Vicotnik et Aldrahn…

Une petite intro électronique et "Aphelion Void" démarre A Umbra Omega dans un déluge de trémolos typiques sur fond de batterie au son bien dépouillé, sans être synthétique. On pense de suite à NIDINGR, mais n’est-ce pas dû au fait que justement, NIDINGR ressemble pas mal à DHG ? Une petite minute et de suite se pointe un break au piano accompagné de cuivres, avant que des arpèges de guitare bien sombres ne viennent mener la danse avec la basse bien audible. Voilà donc grossièrement la base de A Umbra Omega : du Black-Metal effréné et blastant évoquant NIDINGR voire MAYHEM (flagrant sur certains passages bien salvateurs) et bien sûr tout ce que le groupe a fait depuis Monumental Possession d’un point de vue strictement Black-metallique, qui s’alterne avec de nombreux breaks, de nombreuses respirations qui œuvrent entre ambiances noires propres au BM (avec le combo arpèges + basse donc) et les 666 velléités avant-gardistes et industrielles qu’ont choisi Vicotnik et ses comparses maléfiques pour A Umbra Omega. Il sera donc difficile d’être exhaustif, mais pour les 5 morceaux proposés on retrouve pêle-mêle : de nombreux passages psychédéliques (à leur manière), des moments plus dépouillés, des claviers divers et variés, des instrumentations acoustiques à foison, des guitares ou autres sonorités prog’, d’autres plus bruitistes, de l’éléctro un peu vintage, des grattes façon jazz saturé et un brin déglingué, des passages ambiants plus ou moins sombres, des assauts clairement Black-Indus, des cuivres jazzy, un final d’obédience mélodique pour "God Protocol Axiom", de subtils snares et autres percussions électroniques, du piano tristounet mais enjoué, du piano plus glacial et épique, du sympho bizarroïde et grandiloquent, du sympho « montées en fond pour ambiance majestueuse », des trémolos un peu chelou, des trémolos plus classiques, des atmosphères apocalyptiques, etc etc, et la plupart de tout ça une seule fois au cours de tout l’album et pendant très peu de temps.

Et on a donc fait le tour de cet album assez riche qui tient ses promesses, à savoir un DØDHEIMSGARD qui expérimente encore sur ses propres bases et qui réussit avec brio à jouer sur les tableaux du Black norvégien, du Black avant-gardiste et du Black industriel avec un certain talent pour coordonner le tout, très fouillé en termes de bizarreries en tout genre, un chaos contrôlé plutôt passionnant et parfois même efficace, bien que difficile d’accès voire repoussant pour ceux qui ne connaîtraient pas le potentiel chtarbé de DHG. A Umbra Omega est il faut aussi bien le dire porté par la performance assez exceptionnelle d’Aldrahn, souvent théâtral, parfois agressif, son timbre possédé transforme l’album en messe noire de l’espace (le meilleur se situant au milieu de "Blue Moon Duel"), et pour ajouter des incongruités à la longue liste on ajoutera que ses vocaux sont souvent traficotés, il s’autorise aussi du chant clair presque post-shoegaze sur "Architect of Darkness", et il est accompagné çà et là de chœurs apocalyptiques du plus bel effet. Voilà pour ce qui est positif concernant A Umbra Omega, sur cette base je sais que la plupart crient déjà à l’« album of the year » comme disait FAITH NO MORE mais en ce qui me concerne, c’est non. Non pas que je trouve cet album mauvais, mais la raison est simple : 666 International, qui pour moi reste tout de même un cran au-dessus. A Umbra Omega est une performance à saluer, c’est indéniable, mais je pense que 666 International était plus révolutionnaire en son temps, ici DØDHEIMSGARD triture son « Metal » mais fait surtout une démonstration de son inventivité, sur des bases BM plutôt convenues en définitive. Si les longs morceaux sont malgré tout cohérents et intenses, un aspect collage se fait souvent ressentir, avec des enchaînements trucs avant-gardistes/Black-Metal parfois rudes ("The Unlocking", "Blue Moon Duel"), et lesdites parties BM sont légèrement redondantes et répétitives sur la durée. Aucun morceau en particulier ne se distingue vraiment (même si j’ai une préférence pour le plus aéré "Blue Moon Duel"), quelques moments forts sont présents (les débuts mordants de "The Unlocking" et "Blue Moon Duel"), mais les bonnes idées sont hélas diluées dans cet ensemble assez étouffe-chrétien, possédant quelques longueurs ("Aphelion Void" est interminable), mais qui est assurément à prendre comme un tout vu le schéma de la tracklist, incompatible avec une quelconque notion d'accessibilité et d'écoute « à la fraîche ». Si A Umbra Omega coince donc sur la forme (je trouve aussi la prod un peu trop maigrelette), il est sûr qu’il a de grand arguments sur le fond, car jamais DØDHEIMSGARD n’avait été aussi créatif, même si un 666 International était pour moi plus homogène. Une œuvre donc déconcertante, nécessitant une attention particulière pour bien saisir tout ce qui se passe, qui peut tout autant être considérée comme un chef-d’œuvre en puissance qu’un ratage assez foutraque et abscons, et mon avis se situerait presque entre les deux. DHG reste DHG et DHG ose, est-ce que c’est suffisant pour faire de cet album une grande réussite, à vous de voir, si vous avez le courage de vous plonger dans cette œuvre venue d’un autre univers.




Rédigé par : ZeSnake | 15/20 | Nb de lectures : 11148




Auteur
Commentaire
grrr
Membre enregistré
Posté le: 11/05/2015 à 08h33 - (116667)
Tout à fait d'accord avec ZeSnake! L'album est plus déroutant que transcendantal, mais il envois encore une fois DHG loin devant ce qu'on peut trouver de plus pointu en matière de black metal.
Pour ma part, immersion faite, son charme me laisse sur le carreau la tête en sang et un sourire au lèvres.

grrr
Membre enregistré
Posté le: 11/05/2015 à 08h35 - (116668)
*envoie*
*aux*


uruz a.
Membre enregistré
Posté le: 11/05/2015 à 09h07 - (116670)
Cet album fait partie des trucs qui tournent beaucoup chez moi en ce moment. Je trouve la performance d'Aldrahn hallucinante, un côte schizophrène qui se marie trèèès bien avec les plans toujours zarb de Vicotnik. Après, c'est sûr il faut pas mal d'écoutes pour rentrer dedans, mais après un Supervillain qui avait tendance a vite m'agacer, ce Umbra Omega est juste parfait.



Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 11/05/2015 à 11h01 - (116671)
A la première écoute, j'ai eu l'impression que c'était une sorte de "Supervillain Outcast" avec des bouts de "666 international" dedans (arpèges, basse fretless, etc...) et plus je l'écoute plus je ne peux me débarrasser de cette impression.
Oui, un groupe comme DHG est bien seul dans son univers et ça reste du haut vol mais là j'ai du mal à accrocher complétement pour le moment. Peut être la longueur des morceaux y est pour quelque chose.

Sydz
IP:212.234.218.48
Invité
Posté le: 11/05/2015 à 12h19 - (116672)
Si cet album se tape un 15/20, je pense qu'il faudrait revoir à la baisse de 3 points toutes les autres chroniques du site.
Je trouve ca franchement abusé (même si ok la note ne fait pas la chronique) de mettre une note si faible à un album si classe et original, qui arrive à être poignant malgré le coté barré de la construction des morceaux et des vocaux.
Bref pour moi c'est un tour de force et j'arrête pas de chopper des frissons en l'écoutant malgré les températures estivales qui arrivent.

noohmsul
Membre enregistré
Posté le: 11/05/2015 à 13h58 - (116673)
N'ayant jamais compris l’engouement pour ce groupe (à part les 2 premiers albums bien cools), je ne le comprends toujours pas aujourd'hui... Je vois des éloges partout pour cet album, alors que je n'entends qu'un assemblage de riffs convenus mêlés à du repompage de leurs albums passés. Suis-je en train de passer à côté de quelquechose? En tous cas l'écoute de cet album me laisse complétement de marbre, alors que je suis à la base très client de tout ce qui est black avant-gardiste (les derniers Solefald me transportent largement plus par exemple !).



grozeil
Membre enregistré
Posté le: 11/05/2015 à 19h23 - (116674)
Pareil que Noohmsul. Je l'ai acheté (c'est mon premier DHG) et j'ai rien compris et très vite agacé. Faut que je me refasse xxxx écoutes, mais pour l'instant, ça me plait pas du tout, et je ne vois pas du tout le rapport avec un Arcturus qui est un nom de groupe qu'on voit souvent apparaitre dans les chroniques de ce DHG.

Alors que le dernier Solefald, lui est juste... mmmmhhh... délicieux. Et essentiel.

Will
IP:86.209.57.248
Invité
Posté le: 11/05/2015 à 20h26 - (116675)
Ce disque est un petit chef d'oeuvre. Ce n'est pas de la musique très confortable, on peut en convenir, mais pour le coup c'est une oeuvre.

nok
IP:78.238.189.191
Invité
Posté le: 11/05/2015 à 21h35 - (116676)
Idem que noohmsul... je doit rater quelquechose je pense mais je ne trouve rien d'original.

Je ne connaissais que le précédent album, assez moyen a part quelques titres, mais en tout cas y'avais bien ce coté "barré".

Là je m'ennuie a mourir. Toujours la meme structure dans les morceaux : ça bourre un peu, ça chiale sur deux trois minutes avec une musique plannante, puis ça se réveille vers la fin avant de finir sur une seconde dose de ouin ouin...

J'ai pas réussi à le supporter plus de trois ecoutes :( par contre j'aime bien la pochette

kane
IP:66.249.93.193
Invité
Posté le: 12/05/2015 à 09h05 - (116677)
C'est un album très difficile d'accès. Personnellement j'ai réussi à rentrer dedans assez rapidement mais je conçois que d'autres aient pu passer à côté.

Pour moi il concourt au titre d'album de l'année. Et à voir d'ici quelques années pour le statut de chef d'oeuvre qui pourrait bien lui aller comme un gant.

Nacht
IP:89.2.17.177
Invité
Posté le: 12/05/2015 à 15h56 - (116678)
Alors certes, le dernier Solefald est très bon...du moins je partage cet avis. Mais soyons sérieux : A Umbra Omega est le meilleur album de black de tous les temps. Sur le podium en tout cas, avec l'album éponyme de Thorns et De Mysteriis Dom Sathanas.

Valuk
IP:109.222.97.108
Invité
Posté le: 12/05/2015 à 19h50 - (116683)
Il est bon, certes, mais tu exagères un peu Nacht.

Dphet
IP:86.192.123.149
Invité
Posté le: 13/05/2015 à 21h00 - (116689)
Suivant DHG depuis les débuts je dois dire qu'on ne peut pas accorder le même crédit qu'avec 666 international. A l'époque les critiques pleuvaient et ils étaient considérés comme les clowns du BM. Et pourtant il avaient 10 ans d'avance sur tout le monde. Il suffisait d'écouter l'album hors du contexte de la scène pour se rendre compte du chef d'oeuvre.

Là où 666 avait une cohérence, un vrai talent de composition sur chaque titre, j'ai la furieuse impression d'écouter ici un ensemble de collages sans fil conducteur. Je dis 20 fois oui à de l'avant-garde barré et perché mais non à un album qui se résume à enchainer le même type de plans sans réflexion. Prenez n'importe quelle partie riff BM blast de l'album et collez là dans un autre morceau ça ne change rien.

Alors tout n'est pas à jeter et ça fait plaisir de retrouver DHG, y compris Aldhran, mais incomparable avec la démarche intellectuelle de 666 ni la spontanéïté et le riffing implacable de supervillain outcast.

Clairement le moins bon de la période post 90.

Humungus
Membre enregistré
Posté le: 14/05/2015 à 10h22 - (116691)
Bah un très grand bravo à ZeSnake pour cette superbe chronique car tu as réussi en "tout-plein-de-mots-différents" à dire ce que je pensais de ce groupe et de cet album.
Pour faire plus simple : Je vénère ce groupe pour toutes leurs précédentes réalisations, époques et innovations. Mais là, beaucoup de mal à entrer dans cette dernière mouture bien difficile d'accès. En même temps, à mon humble avis, c'était un peu leur but. Donc ils ont fichtrement bien réussi leur coup les bougres. Bref, un album qui, je pense, ne connaîtra que deux publics : Ceux qui aduleront l'oeuvre et ceux qui trouveront ça trop "branlette-de-musiciens-surdoués-égotiques".

PS : D'ailleurs vu ta critique, je ne m'attendais pas à une note si élevée. Pour ma part, j'aurai mis 10/20 vu ce que je dis juste au dessus (deux camps, 50/50)...

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