BORGNE - Règne des Morts (Those Opposed) - 07/09/2015 @ 07h14
Revoilà le suisse Bornyhake qui, pour continuer à pondre des albums aussi nocturnes et sinistres, ne doit pas fermer l’œil de la nuit (oui bon, c’est la première et dernière expression à base d’œil de cette chronique, promis). Règne des Morts, 7ème véritable full-length de BORGNE, va ainsi clôturer une trilogie entamée par Entraves de l’Âme (2010) suivi de Royaume des Ombres (2012). Et si le projet du Vaud avait à ses débuts adopté un concept DARKSPACien (albums en chiffres romains jusqu’à IV (2009), noms des morceaux façon comptage de chapitres jusqu’à III (2007)), il l’avait abandonné pour une trame plus classique mais n’a donc pas perdu cette volonté de lier ses albums. Cette trilogie est également liée stylistiquement, vu qu’après IV qui sonnait surtout comme un héritage de MYSTICUM, BORGNE était redevenu le groupe de Black atmosphérico-ambiant qu’il était à ses débuts, en moins raw et avec des ambiances plus forestières et dépressives que cosmiques. Le très bon Entraves de l’Âme, chroniqué en ces pages, avait été suivi de Royaume des Ombres qui sans surprise était dans la stricte lignée de son prédécesseur, faisant un peu penser à une redite mais avec le recul, je le trouve finalement un peu plus abouti qu’Entraves de l’Âme, au moins équivalent en qualité quoi qu’il en soit. Passé du label québécois Sepulchral à Those Opposed Records, qui s’était d’ailleurs chargé plus tôt cette année de ressortir les albums/démos/inédits I, II, III et 3.5 sous forme d’une compil partiellement réenregistrée (Return To The Past), BORGNE a donc bien l’intention d’enfoncer le clou avec l’ambitieux Règne des Morts.

Pour clôturer sa trilogie, BORGNE ne va donc pas réinventer ni révolutionner le style qu’il adopte depuis 5 ans, et se placer encore une fois dans la lignée de Entraves de l’Âme et Royaume des Ombres. Soit un Black-Metal assez décharné, dépressif sans tomber le pur suicidal mal produit, raw sans être non plus hyper saturé et rébarbatif, résolument atmosphérique et pétri d’ambiances bien noires et sinistres. Tout au plus retrouvera-t-on plus de moments très DARKSPACiens, notamment des synthés très sidérants, mais le registre demeure toujours plus forestier que cosmique. Mais quoi qu’il en soit, l’influence des compatriotes de Bornyhake est toujours bien prégnante (elle l’est depuis le début de sa carrière), ne serait-ce que pour le côté tranchant de certaines rythmiques, le grain des leads et l’aspect Black underground sans concessions. D’ailleurs, on peut même dire qu’à certains égards, le BORGNE post-IV serait une sorte de version plus clean et moins purement ambiante de PAYSAGE D’HIVER. Le paysage est donc posé depuis deux albums et au-delà des réminiscences DARKSPACE un peu plus voyantes, Règne des Morts est un album qui semble avoir la volonté de clôturer en beauté la trilogie Entraves/Royaume/Règne. BORGNE va donc au bout de son sujet et choisit ici d’étaler au max ses compositions : Règne des Morts dure pas moins de 78 minutes avec 7 morceaux durant de 8 à plus de 15 minutes ! Il faut se farcir tout ceci et BORGNE revient donc aux standards du Black ambiant qu’il avait utilisés pour III (4 morceaux de 8 à presque 22 minutes), pour le meilleur et pour le pire.

Pour le meilleur car il est clair qu’au niveau des ambiances sinistres et désenchantées développées depuis Entraves de l’Âme, BORGNE est ici au paroxysme de son art, avec une atmosphère dans l’ensemble assez monumentalement noire. Le chant, plus éraillé, est aussi plus travaillé que par le passé, et Bornyhake ose également avec un morceau chanté en grec ("Αιώνιοι Φόβοι") et un autre chanté en français ("L’Odeur de la Mort"), pour la première fois de l’histoire du projet, même si Bornyhake est (je suppose) francophone. Notons aussi l’intervention remarquée de Spellgoth de HORNA, invité à tenir le chant sur "Abysmal Existence" pour une prestation particulièrement hallucinée. BORGNE (Bornyhake et des contributeurs différents selon les morceaux) est également inspiré au niveau des guitares, capable de pondre des rythmiques tranchantes bien pesantes ("Void Miasma" après 6 minutes, le début compact de "Abysmal Existence") et des trémolos/leads bien épiques (le grand départ de "Void Miasma", "Everything Is A Fallacy", "Abysmal Existence", "Fear"). Et si l’ambiance générale fait mouche, elle fonctionne aussi grâce à quelques synthés plus remarquables (la belle intro apocalyptique de "Void Miasma", le sublime break stellaire de "Abysmal Existence") ou encore des effets bien mystiques ("Fear", le côté psyché de "When Swans Are Choking", celui plus inquiétant de "Everything Is A Fallacy" ainsi que son final très triste). Le tableau en vaut la chandelle et BORGNE fait encore une fois montre de ses qualités en termes de BM atmo/ambiant assez prenant dans l’ensemble.

Mais il est un peu dommage que Règne des Morts rate le coche et s’avère un peu trop inégal sur le fond et sur la forme pour largement dépasser les deux précédents opus. Certains morceaux sont finalement peu originaux, un peu trop marqués du sceau de DARKSPACE par moments : "Αιώνιοι Φόβοι" (aux leads trop répétitifs), "When Swans Are Choking" (malgré sa seconde partie plus excitante), "Everything Is A Fallacy" (même si d’étonnants growls se font remarquer en milieu de course), ainsi que "L’Odeur de la Mort" qui, s’il reste tout de même appréciable, laisse apparaître quelques longueurs du haut de ses 15 minutes. C’est aussi l’autre souci de Règne des Morts, les morceaux sont un poil trop longs bien que tout à fait cohérents, c’est l’apanage du style Black ambiant mais ça ne fonctionne pas comme chez un… DARKSPACE. Ceci dit, "Void Miasma", "Abysmal Existence" et "Fear" sont en revanche excellents de bout en bout, et compensent les petits défauts du reste. Le côté hétérogène et trop long de Règne des Morts l’empêche donc de dépasser Entraves de l’Âme et Royaume des Ombres, mais il montre néanmoins l’aboutissement de ce que BORGNE a accompli pour cette trilogie, allant au bout de ses idées notamment au niveau des atmosphères. Au final, les 3 albums se tiennent dans un mouchoir de poche au niveau de la qualité, faisant que la trilogie est presque à considérer comme un tout. Après l’industriel IV, BORGNE a donc su développer une autre facette de sa personnalité et l’a étalée sur 3 bons albums, dommage que le dernier effort soit un peu trop ambitieux finalement et penche parfois de trop vers son influence DARKSPACienne en y perdant en originalité, mais le son actuel de BORGNE mis en avant par cette trilogie vaut quand même le coup d’œi… pardon le coup d’oreille, et le projet de Bornyhake est une formation de Black atmosphérico-ambiant de qualité, un peu mésestimée d’ailleurs…




Rédigé par : ZeSnake | 15/20 | Nb de lectures : 9551




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