ANGIZIA - 39 Jahre für den Leierkastenmann (Medium Theater) - 07/05/2002 @ 09h42
Je suis désolé. Encore une fois je vais sûrement squatter la rubrique " nos sélections du mois " avec un disque que 250 pélerins vont écouter et une trentaine à tout casser vraiment apprécier. Mais qu'est-ce que j'y peux, hein ? Pour moi qui escorte la discographie d'Angizia depuis les temps immémoriaux du split pittoresque avec Amestigon, cet album est à la fois une mine d'or et la consécration d'une carrière... A peine débarqué de Napalm Records car ne correspondant plus à la politique artistique du label (ce qui conjugué avec l'acabit des signatures récentes en dit long sur ladite politique), Engelke se débarrasse de son pseudonyme pour redevenir Michael Haas et monte sa propre structure, Medium Theater, avec laquelle il ne tarde pas à s'attaquer à la réalisation de ce quatrième opus. Sous la houlette de Haas, Angizia devient un collectif dédié à un projet commun qui dépasse le simple cadre musical puisque, en plus de l'engagement de Krzysztof Dobrek, Bernhard Seibt et Roland Bentz (respectivement accordéoniste, clarinettiste et violoniste professionnels et reconnus), la peintre Gabrielle Böck prête son concours exclusif à Angizia pour concevoir les magnifiques dessins qui enflamment l'artwork du digipack - véritable pièce de collection. En outre le corps de vocalistes a accueilli, aux côtés de Haas, de la soprano Irene Denner et de Rainer Guggenberger aux basses, la présence de Jochen Stock, pas vraiment un inconnu puisqu'il s'agit d'Eviga de Dornenreich, dont le chant dérangeant avait choqué pas mal de monde à la sortie de l'album référence " Her von welken Nächten ". Son apport est, on le verra, considérable pour la richesse émotionnelle du narratif. Mais posons la question, pour ceux que ça intéresse : à quoi sert Angizia dans le paysage metal ? Réponse : à rien. Parce qu'Angizia n'a strictement (plus) rien à voir avec les ficelles de la scène metal, et n'est en aucune façon à considérer en rapprochement avec elle - une erreur qui entraînerait quasi automatiquement le dénigrement du groupe (cf. les préjugés handicapants dont a été victime, à titre d'exemple, le groupe Elend). Pas davantage n'appartient Angizia à une mouvance purement symphonique. Non, on peut plutôt parler de la volonté d'aboutir, avec les instruments et les formes de chant appropriés au contexte, à l'incarnation musicale idéale (mais pas idéaliste) d'une histoire. En l'occurrence il s'agit d'une fable initiatico-philosophique diffusant son lot de critique acide envers la société à travers le récit tour à tour tragique voire morbide, naïf, lucide ou comique de la vie tourmentée d'Elias Hohlberg. Ce gamin juif du ghetto de Lemberg (aujourd'hui L'viv, Ukraine) tombe un beau jour de 1911 amoureux d'un vieil orgue de barbarie trouvé dans le grenier de son grand-père et en fait l'échappatoire de la grise réalité qui l'entoure. Et ainsi au cours des années, alors que monte puis éclate en Europe le fléau nazi, Elias enfant, adolescent ou adulte continue à se réfugier au gré des rencontres et des exodes dans son univers, un cirque imaginaire où il anime une marionnette au gré de sa musique et entretient ainsi l'illusion d'améliorer le monde et de se gausser de sa barbarie. Ce n'est qu'une synthèse approximative, mais elle montre que l'on a pas vraiment à faire au champ d'investigation conceptuel commun d'un groupe de metal... D'ailleurs l'emprise des éléments " metal " sur le son (guitare et basse électrique) est fort réduite et ne voit le jour que lors des passages les plus agités afin de servir d'appoint à la farandole déchaînée des autres instruments qui se taillent la part du lion, tels le violon qui se paye le culot des solos endiablés habituellement l'apanage de la guitare - pour un résultat véritablement saisissant à l'oreille. Angizia, c'est un ouragan de créativité débridée mais intelligente et plus délibérément dirigée que l'on croit. Extrêmement difficile à décrire, le style va de la ballade déchirante au piano à la valse sautillante et bon-enfant menée par l'accordéon, en passant par les pleurs de violons tziganes ou encore d'invraisemblables cavalcades " rockisantes " joliment rythmées où tous les instruments précités s'unissent pour s'adonner à des festivals d'harmonies (ou de disharmonies), de solos et de canons. Là-dessus les vocalistes se partagent la tâche de véhiculer un sens et de modérer ou au contraire encore accentuer au besoin les passions, rires, angoisses et chagrins engendrés par la musique. Bien entendu on a plus tendance à s'extasier à l'écoute du chant suave mais souverain d'Irene Demmer qui réserve quelques complaintes à arracher des larmes. Mais l'importance des chanteurs est également primordiale, et notamment la bataille acharnée entre Michael Haas (voix d'Elias) et Jochen Stock (narrateur de l'histoire). Le premier avec sa voix éraillée parfois crispante dans le passé livre la performance la plus théâtrale et zélée, variant les couleurs et les octaves suivant les étapes du scénario et portant à merveille sur ses épaules la complexité du personnage d'Elias. Le second demeure fidèle à son expression-type, ce mélange à fleur de peau de cri effarouché et de chuchotement qui fait la marque de fabrique de Dornenreich et s'adapte ici à la perfection à Angizia. Si bien même que, comme me l'a fait très justement remarquer un ami, il est parfois difficile de distinguer les vocaux de Haas de ceux de Stock / Eviga. L'album se compose de trois actes découpés de manière temporelle, de 1911 et la découverte de l'orgue de barbarie à 1941 et la fin dans la misère d'Elias, mort de froid aux côtés de sa marionnette dans un jardin-labyrinthe russe. Si chaque morceau développe ses atours et son charme propres dans une continuité ostentatoire, je ne peux m'empêcher de faire ressortir quelques titres, un par acte. En particulier la seconde plage " Mein Jahr in Lemberg, 1911 ", tout simplement une des plus belles chansons qu'il m'ait été donné d'entendre avec tout ce qui fait la gloire de la musique, des parties instrumentales léchées et vivantes, des mélodies pénétrantes et surtout en point d'orgue un bouquet de prouesses vocales absolument bouleversantes de tous les protagonistes. Egalement magistral, " Judenkinder oder die Komödie vom Krieg " est un morceau rapide et entraînant qui donne lieu aux feux d'artifices les plus virtuoses de la part des violonistes, je vous laisse imaginer l'intensité de la chose. Et puis comment ne pas offrir une médaille à cet " Ithzak Kaufmann und das Bindfadencello ", une chanson d'une tristesse éprouvante comme on n'en fait plus, une sorte d'oraison funèbre croisée avec une comptine éplorée de boîte à musique passée sur le mode léthargie, le tout avec une partie vocale poignante d'un Eviga que l'on croirait sincèrement au bord de l'agonie, précédant la plus angélique - mais terriblement sombre - partition de violon de l'album. La musique je vous dis, oui la musique comme le testament des hommes, de leur folie et de leur fragilité dans toute sa splendeur. " 39 Jahre für den Leierkastenmann " installe le nom d'Angizia dans l'éternité, et libère la bande à Haas de toutes les critiques éculées qui avaient pu accueillir des albums précédents encore en recherche d'identité et de maturité - j'ai déjà entendu " black-musette " ou même " une version metal de Bérurier Noir " pour qualifier le groupe. Toutes ces bêtises n'ont désormais plus aucune raison d'être, détruites par la puissance des images et des odeurs qui défilent au gré des notes et des mélodies qui se glissent sous la peau, des images et des odeurs, en vrac, de chambre d'enfant et de renfermé, de cabaret et de pralines grillées, de clowns tristes sous un châpiteau et de sciure, de ghettos juifs et de sang versé, et aussi des visions en noir et blanc de " La Liste de Schindler " (dont certains passages de " 39 Jahre für den Leierkastenmann " ne sont pas sans rappeler l'émouvante B.O.), de campagnes nues recouvertes de neige, de marche mortuaire... Pour faire simple, voici messieurs-dames un formidable pied de nez à l'industrie musicale génératrice des clones insignifiants dont s'abreuve un troupeau aveugle ou trop préoccupé par ailleurs pour prendre le temps - ou l'envie - d'une réflexion critique sur ce qu'on lui sert. Cet album est... comment le dire sans se laisser aller à une petite vulgarité ? Oh et puis zut, on est pas des anges après tout : un putain de putain d'album !!!


Rédigé par : Uriel | 19/20 | Nb de lectures : 8063




Auteur
Commentaire
lol166
Invité
Posté le: 08/05/2002 à 20h24 - (761)
chronique extraite du livre
de 200 pages :

"ma chronique a moi"


:-))))

Darkanar (Boris)
Invité
Posté le: 10/05/2002 à 11h54 - (765)
Voilà les chroniques comme je les aime. Belles, profondes, (longues(!)), quasi-poétiques....et surtout qui laisse l'émotion guider la plume....car la musique EST émotion et il est important de faire part dans une chronique des émotions (et du bonheur !) ressenti à l'écoute de l'album chroniqué. C'est cet aspect de la musique qui fait d'elle une drogue pour moi; tout comme la littérature, la poésie et le cinéma. A travers ces arts, les "émotions" que le spectateur ressent sont, je le crois, d'ordre extatique et définitivement indicibles. Ainsi "l'extase" devant le Beau peut rapprocher du Bonheur avec un geand B si tant est que celui existe... Les artistes étant des "donneurs de bonheur", les spectateurs des hommes (parfois malheureux...) souhaitant, le temps du spectacle (car l'écoute privée d'un disque peut, il me semble, être associée à un spectacle), rejoindre l'état heureux qui leur est en temps normal interdit.

Ce long discours hors-sujet a sans doute pu vous paraître totalement déplacé dans le cadre de ce site musical qui n'est pas le lieu de "délires philosophiques" de mauvaise qualité mais le but de celui-ci était avant tout de dire qu'il n'est pas facile de retranscrire en quelque mots ce que l'on ressent à l'écoute de certains chef-d'oeuvres musicaux. Car c'est tout simplement impossible ; les mots sont la rationnalité, pas l'indicible. Mais il y a certains aspects que l'on peut transmettre, certaines informations que le chroniqueur juge importantes que l'on veut communiquer....et la longueur du texte est parfois la seule possibilité....

Ceci dit, je ne connais pas ce groupe, ce n'est pour cela que j'ai écrit. Mais bon, peut-être vais-je m'acheter l'album à la lecture de cette chronique...
Et pour revenir à un autre débat, je trouve la démarche d'Uriel intéressante. Il est important d'informer le public metal des chef-d'oeuvres qui peuvent sortir en marge de ce style. Si ces talentueux artistes étaient médiatisés, il n'y aurait pas lieu de le faire mais, tout comme le metal (et parfois même bien plus!), il sont tenus à l'écart du grand public. Il est donc nécessaire et même indispensable de parler de rock progressif, d'artistes géniaux comme Elend, Empyrium ou Tenhi sur des sites comme celui-ci même s'ils sont,à l'origine, exclusivement dédiés aux musiques "violentes".

P.S. Si la poésie vous intéresse, je m'occupe d'un bien modeste site pas encore bien fini: http://poetrymag.online.fr . Le principe est de publier à intervalles réguliers (normalement...) une "newsletter" comportant des poèmes d'internautes et de moi-même. Le site ne sert en fait que d'archive.

Darkanar (Boris)
Invité
Posté le: 10/05/2002 à 11h54 - (766)
Voilà les chroniques comme je les aime. Belles, profondes, (longues(!)), quasi-poétiques....et surtout qui laisse l'émotion guider la plume....car la musique EST émotion et il est important de faire part dans une chronique des émotions (et du bonheur !) ressenti à l'écoute de l'album chroniqué. C'est cet aspect de la musique qui fait d'elle une drogue pour moi; tout comme la littérature, la poésie et le cinéma. A travers ces arts, les "émotions" que le spectateur ressent sont, je le crois, d'ordre extatique et définitivement indicibles. Ainsi "l'extase" devant le Beau peut rapprocher du Bonheur avec un geand B si tant est que celui existe... Les artistes étant des "donneurs de bonheur", les spectateurs des hommes (parfois malheureux...) souhaitant, le temps du spectacle (car l'écoute privée d'un disque peut, il me semble, être associée à un spectacle), rejoindre l'état heureux qui leur est en temps normal interdit.

Ce long discours hors-sujet a sans doute pu vous paraître totalement déplacé dans le cadre de ce site musical qui n'est pas le lieu de "délires philosophiques" de mauvaise qualité mais le but de celui-ci était avant tout de dire qu'il n'est pas facile de retranscrire en quelque mots ce que l'on ressent à l'écoute de certains chef-d'oeuvres musicaux. Car c'est tout simplement impossible ; les mots sont la rationnalité, pas l'indicible. Mais il y a certains aspects que l'on peut transmettre, certaines informations que le chroniqueur juge importantes que l'on veut communiquer....et la longueur du texte est parfois la seule possibilité....

Ceci dit, je ne connais pas ce groupe, ce n'est pour cela que j'ai écrit. Mais bon, peut-être vais-je m'acheter l'album à la lecture de cette chronique...
Et pour revenir à un autre débat, je trouve la démarche d'Uriel intéressante. Il est important d'informer le public metal des chef-d'oeuvres qui peuvent sortir en marge de ce style. Si ces talentueux artistes étaient médiatisés, il n'y aurait pas lieu de le faire mais, tout comme le metal (et parfois même bien plus!), il sont tenus à l'écart du grand public. Il est donc nécessaire et même indispensable de parler de rock progressif, d'artistes géniaux comme Elend, Empyrium ou Tenhi sur des sites comme celui-ci même s'ils sont,à l'origine, exclusivement dédiés aux musiques "violentes".

P.S. Si la poésie vous intéresse, je m'occupe d'un bien modeste site pas encore bien fini: http://poetrymag.online.fr . Le principe est de publier à intervalles réguliers (normalement...) une "newsletter" comportant des poèmes d'internautes et de moi-même. Le site ne sert en fait que d'archive.

Darkanar (tjrs lui)
Invité
Posté le: 10/05/2002 à 11h57 - (767)
désolé d'avoir envoyé 2x mon message.

|0rD_6iF
Invité
Posté le: 30/06/2002 à 07h29 - (853)
Magnifique critique pour un groupe magnifique, dommage que cet album soit si mal distribué en france!

Cela ne m'a pas empéché de me le procurer et je trouve cette album tous comme les autres à savoir SUBLIME! Enfin un groupe qui sais faire preuve d'originalité et de romantisme...

J'espere que ce groupe ne seras jamais connu, même si il le mérite emplement mais ce qu'ils font est tellement beau qu'on a qu'une envie à savoir le garder pour sois afin qu'il ne soit jamais souillé par l'argent.

Ce qui me rassure c'est qu'il faut etre vraiment ouvert pour écouter ce groupe et que les metalleux ne le sont générallement pas et préférent se tourner vers l'extreme!

Alors restez dans votre ignorance et laisser ce groupe aux personnes sensibles à la beautée et a la sensibilitée musicale!

Faites que ce groupe ne devienne pas comme Tristania ou penumbra dont la technique et la qualitée du son a laissée la place a la sensibilitée.

Et si malgrés tout vous aimez ce groupe alors penchez vous aussi sur Hagaard qui pratique un style novateur et sensible!




tilo
Invité
Posté le: 19/08/2002 à 01h34 - (995)
Tout simplement le meilleur album de cette année 2002, rien à rajouter la critique est magnifique et décrit bien l'atmosphère de cette album qui est incroyable par l'ambiance qu'il dégage ainsi que sa créativité une merveille.

solarfall
Membre enregistré
Posté le: 13/04/2005 à 15h03 - (14932)
Un album purement fabuleux !
J'irai bien de mon petit mot, mais je m'aperçois que tout ce que je veux dire est déjà dit (en mieux, Uriel je t'aime) dans la chronique.




Devin
Membre enregistré
Posté le: 22/06/2005 à 19h05 - (16609)
Un album fabuleux.. mais un approfondissement du concept en Anglais would be awesome , puisque je ne parle pas encore Allemand :)

Ptit conseil perso : ne pas commencer par cet album si possible , il a tendence a éclipser les autres et c'est dommage...

doyen des orties
Invité
Posté le: 11/09/2005 à 16h02 - (18792)
*snif* bien belle chronique...T'as bien réussi à faire passer en quoi ça tue.

Ca fait toujours bizarre de voir des accros à Angizia tellement j'me croyais tout seul. >;)

Perso, je suis aussi fan de leur début gothique-opéra-baroque que de la suite folklo-tragicomique...

nepenthes
Invité
Posté le: 05/02/2007 à 21h58 - (38170)
Cet album est une véritable petite perle...
Dès que je retombe dessus, c'est le même bonheur, la même émotion, la même jouissance...
Angizia est un groupe vraiment hallucinant, absolument unique...
Putain, j'adooooore ce groupe !!!



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