- STEVEN WILSON par TONTON - 1782 lectures
Le 26 octobre 2011 à Paris (Bataclan)









C'est la première fois que Steven Wilson, éminent leader de PORCUPINE TREE vient étrenner ses compositions solo sur les scènes d'Europe. Le hasard du calendrier a voulu que ce concert parisien coïncide avec la date de sortie de « Grace for drowning », second volet d'une discographie que l'on rêve déjà prolixe. C'est une jolie salle que le Bataclan pour planter le décors d'un concert s'annonçant déjà comme « spécial » et pas uniquement pour des raisons musicales.

La salle est loin d'être comble mais qu'importe. Durant la première partie, une projection a été diffusée en boucle sur un voile séparant la scène du public. Ce film cyclique aux ambiances aériennes présentant l'autre projet ambiant du sieur Wilson dont le nom m'échappe pour l'heure.

Les lumières s'éteignent, et c'est avec simplicité que les musiciens font, un à un leur entrée en scène Théo Travis (saxophone, clarinette, flûte traversière et piano), Aziz Ibrahim (guitare), Marco Minneman (batterie), Adam Holzman (synthé), le fameux Nick Beggs (basse et stick) pour finir par Wilson lui-même, avec ses airs d'ado geek ayant grandi trop vite. Son tee-shirt s'orne d'une maxime désarmante de simplicité « Art is True »



Le voile n'a pas bougé de place lorsque les premiers accords d'« Index » remplissent la salle. Des vidéos et images continuent d'être projetées sur cet écran mouvant et lorsqu'ils s'arrêtent, la lumière des lights lui donne des reflets moirés rendant presque irréel le groupe qui joue derrière.

L'ambiance est studieuse, chacun semble hypnotisé par la formation qui déroule un set aérien et délicieusement musicale. Une sorte de pupitre en bois au premier plan dissimule un piano, Wilson s'y installe pour échanger quelques mots avec ses fans. Peu expansif et avare de ses mots, Wilson semble un peu ailleurs, dans son propre univers fait d'envolées progressives, jazz pour ne pas dire lyriques. Bien vite et au fur et à mesure que la setlist s'égraine devant une assistance toujours aussi attentive, Steven Wilson se fait chef d'orchestre, conduisant ses comparses dans des directions qu'il semble choisir au gré de son humeur. Pourtant, on a le sentiment marquant et intime que derrière ces vrais faux airs d'improvisation se cache une méticulosité d'orfèvre, une obsessionnelle perfection. Le voilage finit par tomber au cinquième titre, révélant une vision de la scène plus classique. Les projections de photos de Lasse Hoile et de vidéos reprennent, plus torturées, plus sombres.

Le stick de Beggs confère aux accords du groupe des harmoniques et des polyrythmies magiques. La flûte de Travis papillonne lorsqu'il ne la troque pas contre une clarinette flirtant avec une hystérie jazz calculée ou la sérénité de son sax. Aziz Ibrahim et sa guitare futuriste dont le manche s'illumine au rythme des accords qu'il plaque, incarne, quant à lui, sobriété et virtuosité. Et que dire du tentaculaire Marco Minneman aussi bien connu pour son jeu de batterie spectaculaire, pour ses talents de jazzman et pour ses frasques métal où, comme il le dit lui-même, il peut « faire le fou ». En cette soirée pas comme les autres, tous ces talents conjugués se retrouvent sertis dans l'écrin du prog selon Wilson. Les nouvelles compositions trouvent naturellement leur place au milieu de celles d'« Insurgentes ». L'enchaînement d'« Harmony Korine » et « Abandonner » est juste sublime. L'arrière-scène présente des visions de poupées cassées, souillées de boue pointant vers nous leurs regards éternellement fixes de jouets abandonnés.



Lors d'une de ses dernières interventions de la soirée, Wilson marque une pause. « We've finished the easy part. It's time for us to try the hard one. So please be quiet ». L'audience est particulièrement calme. Il règne dans la salle un silence de cathédrale alors que débute « Raider II » tiré du nouvel album. L'intro est lente ponctuée de blancs soigneusement calculés. Aucun son, aucun toussotement, aucune voix ne vient ternir ces instants de vide qu'on peut néanmoins attribuer à Steven Wilson. Tout le monde retient son souffle et le morceau reprend. L'opération se reproduit plusieurs fois pour déboucher sur une joute mêlant jazz, rock et prog aux confins de la perfection ; vingt minutes d'immersion totale pendant laquelle les musiciens, au sommet de leur concentration, vont oublier leur public. Les accords aériens flottent dans l'air. Les incartades jazzy deviennent folles, les passages rock radicaux et laissent à penser que la fréquentation de Mickael Akerfeldt a eu une incidence sur le style Wilson. Le spectateur devient alors voyeur, témoin d'un instant de grâce entre musiciens. La beauté, le talent sont sous nos yeux et il n'y a rien d'autre à faire que de les écouter et de les savourer dans cette intimité absolue que nous offre le groupe.

Après un ultime rappel pendant lequel Aziz Ibrahim nous dévoilera des mitaines futuristes lançant des lasers au rythme de ses accords et un final lors duquel Wilson chaussera son masque à gaz d'« Insurgentes », les six musiciens viennent saluer leur fans. Pas un mot ne viendra accompagner l'ovation du public. Le nom des musiciens apparaît sobrement projeté sur l'arrière-scène. C'est un peu comme s'il rebutait à Wilson de conclure la perfection du spectacle qui vient de se terminer par de simples mots, comme si la magie allait se briser sur un simple « thank you ».

Mais lorsque les six complices quittent la scène laissant tourner en boucle une vidéo aux nappes sonores lancinantes, le public du Bataclan ne l'entend pas de cet oreille. Les applaudissements continuent de plus bel et durent... durent... durent... quelques minutes s'écoulent sans que leur intensité ne diminue. C'est finalement au bout de cinq bonnes minutes qu'un Steven Wilson, visiblement touché par ce plébiscite, revient en scène remercier ses fans et leur annoncer benoîtement qu'il n'a plus de morceaux à leur offrir ce soir après les 1h45 de set qui viennent de s'écouler. C'est donc à regret que le public s'égraine vers la sortie, bien conscient d'avoir passer un moment hors norme, un instant hors du temps...


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