- NESSERIA JAPAN TOUR 08 par BENOîT GAUCHER - 2090 lectures




D'abord, comment le projet s'est monté. Le plus simplement possible : pas de tractations serrées avec un gang de yaks. SMD records (Osaka), nous contacte via myspace, et nous parle de l'éventualité d'un split avec deux de ses groupes. Nous avons justement besoin d'enregistrer quelques titres en préproduction de l'album. Ce projet, c'est l'occase de faire quelque chose de ce matériel, donc on retrouve Neb Xort au Drudenhauss Studio début janvier. Il faudra défendre Son, c'est le nom de ce split, avec Cyberne (Osaka) et Mu Neujohn (Osaka) sur une tournée de 10 jours là-bas. Bref, on se ruine dans un billet sur une compagnie russe. Aeroflot, direct à la flotte.
On part tôt pour embarquer aux alentours des 10h, et négocier pour éviter que les éléments fragiles partent en soute, où ils seront inévitablement broyés. Ça passe, on vole jusqu'à Moscou, déjà le temps de s'emmerder ferme. A Moscou, on peut fumer dans l'aéroport, et constater que le soviétisme a laissé des traces. On y rencontre une certaine Megumi, de retour après un séjour en France où elle faisait des sculptures pour un hôpital. Une nana sympa, avec du talent, ce qui ne gâche rien. Surtout pas pour Adrien, un pote parti avec nous, sur les 10 ou 11 heures de vol restantes. On dort peu, mal ou pas du tout. De temps à autre, on nous sert du vomi compacté dans des barquettes. Voilà.
On arrive enfin à Tokyo, il fait jour. Narita, le quartier de l'aéroport, c'est immense. On est accueillis sur place par des gars de Cyberne et de Mu Neujohn, on sent direct que ce sont des gars bien. Remarque, ils viennent de se taper Osaka/Tokyo pour nous ramasser, pas besoin de confirmation. On bouffe dans un restau à sushis sur l'aéroport. On apprend l'essentiel du vocabulaire japonais dont on aura besoin, à savoir « kampai », à la tienne. On circule dans deux vans, demain ce sera dans trois, quand les autres nous auront rejoints. On part direct pour Shizuoka, où se tient le premier concert. On débarque chez l'orga pour y passer la nuit. La soirée se passe dans un bar à la japonaise (grillades, bière, tempuras). On s'y retrouve comme des poules qui ont trouvé un rasoir, ça fait marrer nos hôtes. On nous explique qu'on doit enlever ses groles, les mettre dans un casier… Rapidement, ça vire à la soulerie, on nous sert des pichets de 2 litres par paquets de 3. Une quinzaine comme ça, et on a compris à qui on a affaire. « Ikki », « ikkê », un truc dans le genre, c'est « cul sec ». Le concours de Ikki durera toute la tournée. On se rentre, raides.



12/04, Iwata FM Stage, Shizuoka.
Le lendemain, on traverse la ville pour se rendre à l'Iwata FM Stage. Là, on retrouve les derniers gars avec qui on va tourner. De belles dégaines de cinglés. Et des gars excellents. La salle est entourée de locaux de répétition, y'a des minots qui passent avec leur première guitare. Dans l'après-midi, on découvre les Convinis (de petits magasins ouverts 24h/24, où on peut bouffer pour quasiment rien).
L'orga a décidé de réorganiser la salle pour faire un floor show. Tant mieux, tous les groupes vont se retrouver avec les gens tout autour d'eux. C'est High Tension Sex Girl qui ouvre, et déjà deux constatations : un volume sonore abusif, un matériel de taré, et des groupes qui charcutent. Suivront, dans le désordre, Cyberne, chaos alambiqué à la japonaise, Mu Neu John, rock psyché et progressif ; les potes. Et encore un groupe de grindcore ultra-violent dont j'ai perdu le nom, un groupe screamo à la Envy (Suitable worker), enfin Goes (everywhere), l'excellent duo machines/batterie de l'orga. Les affiches sont chargées chaque soir, et mélangent sans problème des styles bien distincts. Cette ouverture d'esprit (je dirais presque cette unité, à la Rick ta life®) nous surprend et nous botte dès le départ. Notre set, c'est aussi une belle surprise : un public très enthousiaste, vivant… C'est vite fait le gros bordel là-dedans. A la sortie, une gamine de 5/7 ans vient nous voir avec un cadeau, un plateau plein de bouffe du coin. On n'en revient pas, et elle est rouge de timidité. On n'en finit pas d'être surpris par la sympathie des gens. L'after se fait sur place, avec tous les groupes, à s'imbiber en parlant un mauvais anglais. Celui des Japonais est très approximatif, mais tout le monde s'en branle. Un type se ballade à poil au milieu des concours de Ikki. On retourne au convini dans la nuit avec Benny, l'orga. C'est un type marrant, fils de Yakusa par ailleurs. On finit par se vautrer sur le sol, dans une salle répétition. Le réveil est violent.

13/O4, Koiwa eM Seven, Tokyo
Le lendemain matin, le patron du FM Stage nous offre des fringues tradi, qu'il vend dans sa boutique à côté. On part pour Tokyo. La ville est colossale, on y roule comme des cons. On n'en finit pas de traverser un paysage d'immeubles trop hauts. C'est écrasant. Je crois qu'il faut avoir vu cette ville pour réaliser à quel point c'est massif. Comme ça à perte de vue, sur des heures. On finit enfin par arriver sur le quartier de Koiwa, où se trouve l'eM Seven. C'est un bon club avec un bar. Quelques-uns d'entre nous partent pour une douche. En fait de douches, se sont des bains publics dans un immeuble. On se lave assis, puis on va cuire dans une flotte brûlante. Y'a des vieux Japonais qui marinent, puis se posent sur des canapés devant des jeux télévisés débiles. On retourne sur place pour assister au concert. Ça commence sur At Sense, duo guitare/batterie à la Locust, complètement barré. Puis jouent The John Smithee Mad Universe, deux batteries, une guitare et une basse 6 cordes. Ensuite, Songs From A Thousand Downfalls, qui font un post rock (trop) massif. Encore, le volume est ahurissant, et tout le monde s'en branle. Puis Maniaorgan, un duo basse-guitare qui fout une branlée monstre, avec le batteur de Melt Banana. On découvre un peu plus les sets de Cyberne et Mu Neujohn. On finit la soirée, on kiffe bien, les gens autant. Ça moshe, ça gueule, bon moment pour tout le monde… On retourne aux bains publics. Les chambres sont à l'étage au-dessus. Pas exactement des chambres, mais des capsules. Des trous dans le mur, une sorte de dortoir de sous-marin. Juste de quoi glisser un bonhomme. L'expérience est aussi claustrophobique que reposante. Un peu des deux…



14/04, Tsurumai Daytrip, Aichi, Nagoya
On part pour Aichi, et on y arrive assez tôt. On part pour un centre commercial, où on se tape des takoyaki, ou un truc comme ça. C'est des boules de pâte avec du poulpe. Un type en fait aussi dans la salle de concert. Entretemps, on lit l'avenir des séries de manga. Un peu rats ici, on doit raquer si on veut boire. La soirée commence sur un groupe d'ados qui font du punk rock mélodique. Ensuite, trois branleurs qui font un show à base de provocations éculées, du genre je jette ma guitare par terre. Un vieux type leur jette sa clope allumée, ils niquent tout leur matériel et c'est plié. Notre plateau finit la soirée devant un public plus clairsemé et un peu moins motivé que ces derniers jours. Après ça, on se fait un petite after bar et on décolle. On va rouler une bonne partie de la nuit. Road Warrior again. On arrive chez Tanaka, il habite une grande maison un peu tradi, où il s'est ménagé une pièce où il empile ses trucs de geek. Il collectionne les figurines de films d'horreur dans leurs emballages d'origine. Il a un gosse, une femme très cool, un gros clebs à moitié con et des chiottes automatisées qui font le bruit des oiseaux, et te lavent le cul.

15/04, Day off, Kyoto.
La veille, Tanaka nous avait prévenus que son clebs était un peu à cran. Dans la nuit, il a tué un autre chien qui était rentré dans leur jardin. Yumiko, sa femme, est sous le choc. On ne la reverra plus beaucoup. Le clebs est enfermé, le clebs mort est nettoyé. Aujourd'hui, on part avec Miya, Doi, Takuya et Nakaken pour aller visiter, en gros touristes jouisseurs, le centre historique de Kyoto. On prend le métro puis on marche un peu à travers une belle cité, vers la montagne où se tient le temple de Kiyomizu. C'est vaste et beau, quoique surpeuplé. On croise des geishas, qui dégagent un parfum terrible. Les divers temples, bouddhistes et Shintô, sont au cœur d'un massif montagneux couvert de végétation dense. On tire des présages au temple, une baguette de bois qui donne un bout de papier correspondant. Les mauvais présages sont pliés et noués sur des cordes. On continue dans les petites rues anciennes pleines de magasins, où tout est prétexte à prendre une photo. On est des putains de touristes aujourd'hui. Ça va durer jusqu'au soir, et on gardera le sentiment de ne pas en avoir vu la moitié. De retour chez Tanaka, on mange ce que nous cuisinent les potes. Et on reçoit la visite du boss Shibata, proprio de SMD. Excellent type, avec un rire de maniaque et un air de gangsta jap'. C'est également le bassiste de Birushanah. Fin de soirée pépère après son départ, on se couche sur ce qu'on peut.



16/O4, King Bee, Fukuoka.
On passe sur l'île du sud, Kyushu, par un interminable pont. On se tape pas mal de route ce jour-là. Fukuoka est une ville de taille moyenne, c'est déjà gros selon nos standards. On se fait une expédition au Mandarake, une boutique de manga sur quatre étages, dont deux réservés aux trucs porno. Quelques hentai manifestement pédophiles, au passage. De toute façon, l'endroit est malsain, avec sa musique hystéro-merdique à fond et ses figurines ridicules. On met un point d'honneur à battre les potes japonais à la salle d'arcade. Street Fighter uber alles. La soirée commence sur deux groupes débutants, dont la seule idée est de compter au moins deux membres féminins. L'endroit est particulièrement petit, et un peu roots. C'est pas mal de voir des lieux un peu moins « classes ». Pendant qu'on joue, un type se fout à poil, une nana fait à peu près la même chose, jusqu'à ce que le type décide de se coucher sur scène et de monter son trou du cul. Sur cette ambiance d'asile, on fait un set dégueulasse et agressif, ça botte les crust de la salle. La soirée se finit sur Accidents In A Too Large Field, qui pète tout (plafond compris) en faisant un set bruitiste et punk as fuck, du moins dans l'esprit. Le tout dure à peine un quart d'heure. C'était le dernier concert du groupe.
Après ça, sachant qu'on est fauchés, les gars nous emmènent directement à l'hôtel, un « Entertainment hotel ». Eux vont passer la nuit dans les bars. Ces gars ne dorment jamais, même sans drogue. De dehors, ça ressemble à une salle de jeu. Nakaken nous explique que c'est un délire typiquement japonais. En fait c'est un endroit dédié à la branlette. On prend une chambre, on peut chopper jusqu'à 5 DVD (95% de pornos pixellisés) et une sorte de boîte rose. C'est une putain de vaginette, on est censé carrer sa bite là-dedans. Je grille une vidéo pseudo pédophile dans un rayon. On m'explique que c'est une mise en scène avec majeures déguisées en fillettes. Ça me file la gerbe. Les chambres sont de minuscules cabines équipées d'un ordi, d'une télé et d'un lecteur de DVD et de l'indispensable boîte de mouchoirs. C'est sordide ou marrant, selon les points de vue. En tous cas, c'est vaguement inquiétant quant à la vie sexuelle des Japonais. Deux des potes se pointent, fin saouls, sur les coups de 6h du mat.

17/04, Day off, île de Kyushu.
On arrive sur une région étrange du sud, où le volcanisme est pour le moins actif. Au point qu'un peu partout, des vapeurs chaudes et de l'eau bouillante jaillissent du sol. Le paysage est splendide, très montagneux. Partout, de petits massifs couverts de végétation dense (bambous, conifères) se succèdent en rangs serrés. On fait un premier arrêt sur Umi-Jigoku (la mer infernale), un parc naturel dédié à ce phénomène. On se crame encore dans de l'eau bouillante, le sport national. On part pour une ville qui crache de la vapeur d'un peu partout. On loge dans un ryokan, un hôtel tradi, du genre portes coulissantes, etc. On nous remet des kimonos et des vestes à l'intérieur, on se sent déguisés. On profite des bains d'eau chaude naturelle… Dans l'après-midi, on traîne dans ce bled où les nuages sortent du sol, on grimpe en haut d'un mont sur lequel on trouve un château, dédié au serpent. Dans le temple, ils ont même poussé le vice jusqu'à en conserver un énorme dans du formol. On redescend pour la soirée, les potes on préparé un chirashi sushi géant, des yakisobas… Et encore des litres à boire. Résultat des courses, ça vire encore à la beuverie. Vomis qui bouchent les éviers et pisse sur les tatamis, plus bains de minuit. Surtout Goku, le type bizarre, avec qui on traîne depuis hier. Qui a d'ailleurs passé la soirée à poil, avant de s'endormir dans son urine. L'art de vivre à la japonaise, c'est pas exactement ce à quoi on s'attendait. Le lendemain, les bonnes femmes en kimono font un peu la gueule, bref.



18/04, Matsuyama Hoshizora Jett, Ehime.
On prend le ferry vers Shikoku : certains dorment sur le sol, Ben vomit tripes et boyaux. Quelques heures plus tard, on arrive enfin sur Ehime. Cette ville est carrément tassée, et ici c'est le quartier des putes. Le club est assez petit, plein de vieux jouets en vitrine. Les murs sont couverts de guirlandes dorées. Et l'organisateur est une sorte de fou furieux. Il joue avec le type bizarre avec qui on circule depuis hier, et une nana à la batterie. C'est Spacegrinder, et une autre formation invitée. Le résultat, c'est une accumulation de bruits dégueulasses. Après ça, un groupe de brit-jap pop, vite lassant. Puis notre plateau. Mu Neujohn nous gratifie d'un excellent set, on finit de défoncer l'endroit dans la joie et la bonne humeur. On retourne dans un bar, faire des concours de ikki. On part avec le Spacegrinder, bien raide, pour l'endroit où on dort. Et sa gonzesse, une sorte de folle habillée en poupée avec les bras scarifiés. Elle a passé la soirée à tripoter Doi, le guitariste de Mu Neujohn. On traverse à pied une bonne partie du quartier, pour arriver dans une sorte d'école. Il a perdu les clés, ça met des plombes avant qu'il les retrouve. On se retrouve dans un dortoir où on dort à l'arrache sur des tatamis. Merde, ils connaissent les lits ? La poufiasse est montée avec les Japonais à l'étage. Pour rien, apprend-on le lendemain matin. Nakaken nous explique qu'en plus d'être une cinglée, d'avoir son mec qui cuve à l'étage en dessous, les « one night fuck » sont rares, puisque les relations sont quasiment des actes d'engagement marital dans ce pays.

19/04, Ginza Crowbar, Tokushima.
On va prendre un autre bain public, cette fois c'est nettement plus crade. Mais ça lave quand même. L'organisatrice et ses potes sont des gens sympathiques, ouverts… Le lieu est carrément classe, sur-équipé… Notre plateau joue avec deux groupes, un dont les machines un poil vaines. Fragments, et Not Choose From My Page. Quand on monte sur scène, la peau de frappe de la grosse caisse est flinguée, pas moyen de faire un set correct. Le scotch posé vite fait colle les battes de la pédale, la merde totale. On ajoute à ça des cassages de cordes. On reçoit néanmoins un accueil favorable. Tout s'est barré en vrille, shit happends. L'after va se dérouler à la cool, dans un bon bar. On y fait connaissance avec un certain Yoshi, et son frangin… On commence aussi à apprendre l'essentiel des insultes en français aux potes. Incapables de prononcer un « r », ce qui ne simplifie pas la tâche. On est fauchés, alors on évite de partir dans la grosse déchéance. A regret d'ailleurs. De toute façon on se tape la route dans la nuit.

20/04, Shinsaibashi Hokage, Osaka.
On se pointe assez tôt aux locaux SMD, ce qui nous laisse le temps de traîner un peu en ville. C'est nettement plus « européen », et très peuplé. La foule circule par courants, pas passionnant en fait. L'affiche l'est nettement plus. Un type ouvre la soirée sur de la hard tek poussée à un volume à la limite du supportable. Puis Birushanah joue son set, ultra-massif. Boss Shibata nous écrase la tronche avec des basses monstrueuses sorties de sa fretless, de temps en temps il joue de la percu traditionnelle… Un type est enfermé dans une cage, où il frappe avec des marteaux sur divers morceaux de ferraille, plus une guitare et une batterie. C'est clairement le meilleur groupe qu'on ait vu jouer au Japon. Suivront trois autres groupes dont je ne me souviens malheureusement plus du nom, puis Cyberne, et Mu Neujohn. On finit la soirée devant un public accueillant, motivé… Peut-être une des meilleures soirées, mais en tous cas la dernière. Après ça, pas le temps de s'éterniser si on veut capter notre avion. Alors on est repartis sur la route. Insupportable. Les gars installent des couchettes dans les coffres des caisses. Japanese warrior style. Je me réveille, la gueule en vrac, avec une vue sur le mont Fuji, c'est zarb, manque plus que Godzilla. Plus loin, un pneu pète sur la route. 30 minutes de retard supplémentaire.
On arrive défoncés à l'aéroport, avion, re-Moscou… Cette fois, les guitares ne passent pas avec les boîtes, alors on les traîne comme ça. Jérôme devra prendre un autre avion, plus tard. A notre arrivée, on attend les bagages, qui ne viennent pas. On remplit des formulaires de merde. En fait, tout ça finit par arriver trois heures plus tard avec Jérôme. Demi-tour, puis retour à la maison.
Début de la grosse dépression nerveuse.


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