- FANTOMAS + FLAT EARTH SOCIETY par BLACKSUN - 2356 lectures
à Paris (Elysée-Montmartre) le 28/05/04



Je sentais que la soirée allait être spéciale avec la bande à Patton en live. Mais à ce point...

Interrogation en arrivant: C'est bien à l'Elysée que ça se passe ? Car ce que je vis sur scène en arrivant avait de quoi dérouter : Une quinzaine de zicos, allant de la vingtaine à la quarantaine, s'adonnant à un jazz dit " festif ", à force de cuivres, accordéon, cordes, claviers, etc. Pleins d'instruments et des chants souvent déjantés dans la musique de FLAT EARTH SOCIETY, qui, je l'appris plus tard, viennent de Belgique et ont signé sur Ipecac. Décidément, il a pas peur le Patton ! En plus de se diversifier vers l'électronique, voilà maintenant que son label lorgne sur le jazz. Un free entraînant, intégrant des côtés yiddish et tziganes, à coups d'alto et de trombones impulsifs, qui puise allègrement dans les recettes de John Zorn dans MASADA ou BAR-KOKHBA. Pas de guitares, mais un bon moment tout de même, une fois la surprise passée.

Dure tâche de décrire un concert de FANTOMAS. Visuellement, tout semble paradoxalement conformiste pour une formation aussi incongrue musicalement : Pas de décors, d'éclairages ou de look exubérants (à part la touffe légendaire de Buzz Osborne, ou la crête de Trevor Dunn).

Tout se passe dans l'ambiance générée par les musiciens seuls avec leurs instruments. Ouvrant par " Delirium cordia " et de vrais chants angéliques, on sait déjà que FANTOMAS ne trichera pas par l'abus de samples et de machines: Tout est interprété, recréé, puis éventuellement traité par les nombreux effets (distortions, délays, sirène, etc) disposés sur une table devant Patton.

Le set, d'environ une heure, s'articule sous la forme d'une pièce en plusieurs mouvements, au sein d'une même folie, sombre, joyeuse, énervée. Précisément orchestrées par des regards et gestes entre Patton et Lombardo, ces ambiances contrastées s'enchaînent, sous la forme de sous-genres identifiables, mais suffisamment brefs pour ne pas privilégier un style unique.

Chant mélodique de crooner, grognements de gorges bouddhistes, ou cris hystériques, Mike Patton est décidément un grand vocaliste. Il doit beaucoup aux Japonais hystériques comme Yamatsuka Eye ou Keiji Haino (présent dans la salle, avant sa performance du lendemain aux Instants Chavirés). Sans oublier l'influence de la fausse destructure propre à Zorn (encore lui) dans PAINKILLER et NAKED CITY: Emballements punk, hardcore, grind, où Lombardo retrouve son jeu basique de thrasheur ; calmes méditatifs, souvent dark, enjolivés par des bruitages d'insectes sortis de la bouche de Patton. La LesPaul de King Buzzo est lourde et tellurique, revenant des premiers MELVINS, plus rarement bruitiste et frénétique. La basse de Trevor Dunn vibre dans les infras. Rejointe par les graves de Buzzo et les sons gutturaux de Patton, elle nous engloutit dans un drone assourdissant de plusieurs minutes, faisant ressurgir des profondeurs de l'Elysée-Montmartre le spectre d'un EARTH oublié. Autre complicité, les triples chants Patton/Dunn/Osborne, démontrant que FANTOMAS est véritablement un groupe à fortes personnalités qui se fondent dans un même délire, et non pas trois exécutants de luxe dirigés par un compositeur égocentrique.

Pour en revenir au cas Lombardo, puisqu'il incarne le côté " métal " de FANTOMAS cher à la majorité de nos lecteurs, l'homme respire le musicien accompli, à l'aise dans les percus afro-caribéennes, archer sur cymbales, et autres expérimentations extra-rock. Quant aux cavalcades double pédale et roulements, bien que disséminés çà et là, ils restent mineurs ; son jeu est bien plus ouvert et riche qu'on ne pourrait le croire. Et on se plaît à supposer que son départ de SLAYER, il y a une dizaine d'années, n'était pas une éviction, mais sûrement la volonté d'un artiste intelligent et sous-employé, réalisant qu'il y avait bien d'autres voies à explorer après ses contributions historiques à " Reign in blood " et " South of heaven ".

Un concert de FANTOMAS ne se décompose pas en titres mis bout à bout, il se vit et se ressent dans son ensemble. Si le très ambient " Delirium cordia " en a déçu beaucoup (pas moi en tout cas...), sa combinaison en live avec des titres anciens plus dynamiques a donné un spectacle intense, varié et jamais prévisible. Cette date parisienne, complète à mon grand étonnement, montre qu'il y a une mobilisation conséquente pour les musiques sorties de l'asile. Les vecteurs, eux, sont bien de notre monde, daignant nous remercier et accorder un rappel. Plus que sur disque, FANTOMAS en live ballade l'auditeur et le fait perdre dans son expérience de la folie sonore. Seules les images qui vont avec nous appartiennent.

Blacksun.


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