FOREST OF SHADOWS - Where Dreams Turn to Dust (Rage of Achilles/Firedoom) - 17/05/2015 @ 00h26
Après des années passées à arpenter les sentiers broussailleux de l'underground, on est certes un peu écorché mais on a surtout acquis une inestimable expérience. Des quasi-majors (Roadrunner, Nuclear Blast, Century Media...) aux plus modestes distros, nombre d'entre elles ont contribué à forger notre parcours musical. Certaines structures ont su tenir la distance, résistant à de nombreuses embûches, dont la révolution internet. Du rachat (de la structure ou des stocks) à la banqueroute en passant par les motifs personnels, d'autres n'ont pas eu cette chance. Les premières références qui me viennent à l'esprit? Velvet Music International, Sacral Productions, Serenades/Last Episode, Misanthropy records ou encore Rage of Achilles. Les habitués ont déjà eu l'occasion de croiser les productions du dernier cité dans les Remembers (Chastisement, Darkflight) et la partie Kroniks (inventaire ICI). Actif de 1998 à 2004, ce label britannique a eu le nez creux en signant des groupes tels que (liste non-exhaustive): Abdullah, Amoral, Anaal Nathrakh, Apocryphal Voice, Cult of Luna, Elenium, Facebreaker, Fall of the Leafe, Kiuas, Manitou, Omnium Gatherum, The Axis of Perdition, While Heaven Wept, Witch Mountain et Wolf. Aujourd'hui, coup de projecteur sur l'un des poulains de ce label oublié.

A l'automne 1997, Niclas Frohagen donne naissance à Forest of Shadows. Composant à l'aide d'une guitare acoustique et d'un ordinateur, ce Suédois autodidacte recherche des musiciens susceptibles de l'aider à concrétiser ses visions musicales. Une section rythmique est testée mais le courant ne passe pas. Du coup Niclas Frohagen se ravise et tente l'aventure en solo. Ses premiers titres figurent sur une rehearsal nommée Under the Dying Sun. Auditeur de la première heure, Stéphane Peudupin se montre intéressé par le doom/death atmosphérique du Suédois, à tel point que les 2 complices entament une collaboration sous le patronyme de Ningizzia. Pour l'anecdote, le Français a depuis étoffé son CV avec Lethian Dreams, Inborn Suffering et Fractal Gates. Mais revenons à Forest of Shadows. Au printemps, un guitariste se montre intéressé, mais l'essai n'est pas concluant. C'est sans importance. Ayant fait l'acquisition d'un matériel plus performant, Niclas Frohagen réarrange ses morceaux. Satisfait du résultat, il le publie en mai 1998. Il s'agit de sa première Demo officielle: The Silent Cry.
Au programme, 38 minutes de doom/death atmosphérique influencé par les débuts de My Dying Bride et Katatonia. Les curieux peuvent la découvrir en streaming/téléchargement libre sur son site officiel.

La réputation de Forest of Shadows grandit chez les fans de doom/death et l'un d'eux ne tarde pas à le contacter. Multi-instrumentiste inspiré ayant lui aussi des notions derrière la console, Micce Andersson fait forte impression à Niclas Frohagen qui le considère dès lors comme son égal. Ils se partagent l'écriture et la production, de même que les guitares, claviers et programmation. Si Niclas Frohagen assume l'intégralité des vocaux, Micce Andersson prend en charge les parties de basse et de violon. Le premier témoignage discographique du tandem est un promo à destination des labels. Au programme une nouvelle version du morceau The Silent Cry (avec supplément piano/violon) et Rainroom, une reprise de Katatonia (tirée de Brave Murder Day) qui réapparaitra quelques années plus tard sur un tribute double CD: December Songs. 1999-2000 est une période laborieuse pour Forest of Shadows qui ne parvient ni à retenir l'attention des labels ni à compléter son line-up. Un chapitre de leur bio consacré aux répétitions/concerts fait état de leurs galères, avec une consommation de bassistes façon Donjon de Naheulbeuk et un batteur décrit comme une feignasse à la limite de l'imposture. Le site US mp3.com apporte à Forest of Shadows un bonus de visibilité appréciable, même si les Suédois méritent mieux, beaucoup mieux.

Le tandem Frohagen/Andersson entame le nouveau millénaire avec un autre remake, le titre Under the Dying Sun bénéficiant d'un superbe enrobage symphonico-folk (voir ICI). L'équivalent d'un tour de chauffe avant la sortie d'un enregistrement qui bouleverse radicalement la donne: Where Dreams Turn to Dust. Enième tentative promotionnelle aux allures de quitte ou double, ce 3 titres est au départ uniquement disponible en téléchargement libre sur le net. Mais entre temps la situation a changé. Forest of Shadows fait le buzz sur mp3.com, entrainant des réactions de plus en plus nombreuses de la part de médias et des webzines en particulier (voir doom-metal.com). Une petite structure, Molded Skull Productions, les contacte pour represser Where Dreams Turn to Dust au format CD. Le deal tourne court, mais heureusement pour les Suédois le label suivant est plus fiable. C'est Rage of Achilles. Histoire de mettre la charrue avant les boeufs, annonçons la couleur. Cet enregistrement est un classique du doom/death mélodique, un incontournable qui mérite sa place au panthéon du genre. Signe qui ne trompe pas, Where Dreams Turn to Dust a plus d'une fois été réédité via différentes structures: autoprod en 2000, Rage of Achilles en 2001, Firedoom Music en 2005 et 2009. Mais trêve de blabla, venons en aux faits.

Composé en collaboration avec le guitariste Martin Claeson, Where Dreams Turn to Dust révèle le talent d'un duo au sommet de son art. Une expérience immersive qui nous embarque dans un monde fantasmé et hors du temps. Plus concrètement on parle de 3 morceaux pour 29 minutes de musique. Bien que techniquement limitée, la section rythmique basse/BAR est efficace car judicieusement employée, au même titre que le riffing épais apportant consistance et profondeur. C'est avant tout la qualité des mélodies et des arrangements qui impressionne.
Les parties de guitares sont excellentes: arpèges, leads, acoustiques... rien ne manque. Niclas Frohagen se montre à la hauteur en alternant vocaux extrêmes et chant clair. Une sorte de chainon manquant entre Aaron Stainthorpe (My Dying Bride) et Markus Stock (Empyrium). Un point de comparaison qui vaut aussi pour les arrangements symbolisés par le violon de Micce Andersson et la flûte d'une invitée, Anna Ekblad, mise en valeur sur le fantastique morceau d'ouverture: Eternal Autumn. On tape vraiment dans le haut du panier, au gré de certains breaks on croirait presque entendre du Estatic Fear, soit ce que le doom symphonique a réalisé de meilleur. De surcroit parfaitement produit, Where Dreams Turn to Dust est vraiment digne d'éloges.


L'édition 2005 de l'EP en écoute intégrale: https://www.youtube.com/watch?v=ZHCNY3OPS6g

Malheureusement, Forest of Shadows n'a pas su tirer les bénéfices de cette éphémère reconnaissance. Les raisons? Un manque de soutien de Rage of Achilles (qui met la clé sous la porte en 2004), une instabilité chronique du line-up les empêchant de tourner et comble du comble, un Niclas Frohagen dispersé. En effet ce dernier ne trouve rien de mieux à faire que d'enchainer des side-projects: Shubend (post-thrash/groove) et Ningizzia sortant chacun un album en 2002 et 2003. Résultat des courses, Micce Andersson lâche l'affaire. Retour à la case départ pour Forest of Shadows qui redevient un one-man-band. Par la suite, Niclas Frohagen aura assez de ressources pour pondre 2 albums complets, mais la magie s'en est allée. Rageant. On se consolera en laissant indéfiniment tourner cet incontournable Where Dreams Turn to Dust. Vous aimez My Dying Bride période Martin Powell? Les débuts d'Empyrium et Katatonia ou encore Yearning et Estatic Fear? Alors ne passez pas plus longtemps à côté.


Niclas Frohagen
1997-2004?: Ningizzia
1997-2009?: Forest of Shadows
1998-2004: Shubend
2004-2007: Genesis of Pain


Rédigé par : forlorn | 2000 | Nb de lectures : 2166


Auteur
Commentaire
Strat
Membre enregistré
Posté le: 17/05/2015 à 10h48 - (31661)
Superbe chronique pour un très grand artiste !
Eternal Autumn n'as rien, vraiment rien à envié à des titres composées par des tenors du genre.

Forlorn à su montrer avec brio que sortir un album, qui plus un un album quelque peu en dehors des carcans habituels du metal, est une quête semée d'embûche.
Quand bien même, l'artiste, puis le duo d'artistes, ont su tirer leurs épingles du jeu et proposer de très beau titres.

Alors oui, la BAR est un poil limite techniquement mais bon, est-ce vraiment important ?
Les arpèges de la guitare folk vous transportent, le violon fini par faire vibrer votre âme alors, que demander de plus ?

La musique est avant tout un moyen de partager des émotions et FOREST OF SHADOWS y arrive avec excellence, sans jamais verser dans un trop plein de mauvais choix, le tout sur seulement trois titres pour 29 minutes d'un très beau voyage en ce dimanche matin.

Merci Forlorn pour cette chronique !




Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 17/05/2015 à 13h54 - (31662)
Dans l'esprit ça me fait penser au 1er album de Saturnus "Paradise Belongs to You", un véritable chef d'oeuvre.

Je ne connaissais que Forest of Shadows de nom, merci pour la découverte



Medrawt
Membre enregistré
Posté le: 18/05/2015 à 20h52 - (31663)
J'avoue être passé a coté de cette chronique mais grâce au MP de Forlorn (merci à toi) l'erreur est réparée. Belle découverte. Pour le moment je n'ai qu'une écoute du EP dans les oreilles mais, effectivement, ça a l'air d'avoir sa place parmi les canons du doom/death mélodique. On y retrouve du Saturnus mais aussi du Yearning par moment je trouve. Bref a approfondir.
Je pense essayer des écoutes des deux albums même si, visiblement, la qualité est moindre.

noohmsul
Membre enregistré
Posté le: 19/05/2015 à 21h45 - (31664)
J'ai dû écouter l'extrait 2 ou 3 fois; c'est carrément bon dans le genre !
Encore un bon groupe que je ne connaissais pas, merci Forlorn pour la découverte et tout ces détails intéressants ! ;)

Sagal
Membre enregistré
Posté le: 24/05/2015 à 19h53 - (31667)
Yes, merci Forlorn !
Par contre, je ne connaissais pas du tout et je suis tombé en premier sur un extrait de l'album suivant qui me donne l'impression que la magie n'a pas dû complètement s'envoler par la suite ;-)
Je vais creuser tout ça.

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