En 1999, Chastisement sort un EP, le remarquable ...But Lost we Are. Les labels s'étant penchés sur le cas de ce jeune groupe de death mélodique et groovy, on ne peut que s'interroger sur les raisons de leurs refus. Mais mettons de côté les spéculations et concentrons-nous sur les faits. En multipliant prématurément les side-projects, les Suédois ont sans le savoir hypothéqué les chances de Chastisement, qui aurait du rester leur priorité. Le premier à ouvrir le bal, c'est le guitariste Marcus Edvardsson qui bricole son projet solo dès 1999. Désireux d'exprimer une autre facette de sa musique et de tout contrôler lui-même, il fonde Souldrainer. Musique, textes, production, instrumentation et vocaux, le père Marcus veut se frotter à tous les domaines. Tous? Presque, car lorsqu'on cotoie un batteur aussi talentueux que Nils Fjellström, on s'en sert. Et comme jamais 2 sans 3, le hurleur Johan Klitkou se retrouve à son tour impliqué. A partir de 2000, Souldrainer mobilise donc 3 des 5 membres de Chastisement. Mais si cette dispersion représente un frein à la croissance de chaque projet, ce qui nous intéresse c'est la musique. Que vaut Souldrainer? C'est ce que nous allons découvrir.

En ce début de millénaire, Marcus Edvardsson et Nils Fjellström se livrent à un important exercice de jonglage entre leurs différents engagements, d'où une gestation inhabituellement longue de la première Demo de Souldrainer: enregistrement en août 2000, mixage/mastering l'été suivant pour une sortie à l'aube 2002. Entre temps, le batteur Nils Fjellström a trouvé le moyen d'intégrer 3 groupes supplémentaires: Sanctification, A*Teem et Aeon. Un hyperactif qui donne le tournis. Mais trève de blabla, venons-en aux faits. Avec Souldrainer, Marcus Edvardsson ambitionne de combiner la puissance rythmique et vocale du death à des mélodies poignantes et des arrangements soignés (claviers, choriste féminine). Un nouveau The Project Hate MCMXCIX l'electro en moins? Quoi qu'il en soit, le Suédois a sa patte et sait mettre en valeur les atouts de sa team, ...But Lost we Are l'a prouvé. Allez zou du son.

1/ Daemon II Daemon (Demo 2002)

Cette Demo se compose de 4 morceaux pour un peu plus de 20 minutes de musique. Dès les premières mesures d'Everything Ends on est fixé. Une fois de plus ça sent le gros gibier. Le son est mastoc, le groove et l'inspiration sont toujours là, de même que la cascade de growls ultra gutturaux. Mais il y a du nouveau. Cette fois le tempo est vraiment lent, carrément doom. Marcus Edvardsson alterne riffs accrocheurs et arpèges. La dimension mélodique a été revalorisée avec de nombreux leads 'mackintoshiens' ainsi qu'un bon solo. Le plus surprenant reste le break aux claviers surplombé d'une discrète voix féminine puis d'un passage déclamatoire de Johan Klitkou. A ce propos les Suédois mettent le paquet sur le final, avec un duel vocal entre Klitkou et Edvardsson. Derrière le kit, Nils Fjellström propose une prestation sobre mais carrée. Imaginez Chastisement jouant du Paradise Lost période Shades of God et vous aurez une petite idée de ce que donne Everything Ends. Un super titre. Avec To the Promised Land et Daemon II Daemon, les Suédois poursuivent leur exploration musicale. Leur doom/death mélodique se fait plus concis. Le premier bénéficie d'un judicieux solo de claviers. Le second est illuminé par un splendide solo de guitare mélancolique. Du bel ouvrage. Quant au 4ème morceau, Finally Dead, il évolue dans un registre plus enjoué. Les leads de gratte ne sont d'ailleurs pas sans évoquer In Flames période Clayman.

Avec ce premier effort studio, Souldrainer se montre inspiré et convaincant. Convaincu également, car Marcus Edvardsson décide de transformer son projet en véritable groupe afin de jouer live. En 2003 il recrute 2 membres supplémentaires, le bassiste Jocke Wassberg (The Equinox ov the Gods, ex-Defaced Creation) et le guitariste Daniel Dlimi (Aeon, ex-Divine Desecration, ex-Sanctification, ex-The Equinox ov the Gods). Contrairement à la productivité affichée par Chastisement (1 album studio et 1 live en 1 an), il semble évident qu'à cette époque Marcus Edvardsson privilégie déjà Souldrainer. Une preuve? Le clip tourné pour Everything Ends qui constituait une première pour eux. Evidemment assez cheap (avec un Johan Klitkou parfois ridicule), il n'en demeurait pas moins un atout promotionnel important, même si youtube n'existait pas encore (mise en service en février 2005). Retrouvez le en fin de chronique. Notez qu'en 2003 Marcus Edvardsson rejoint Sanctification alors que l'infatigable Nils Fjellström intègre In Battle. Sur ce on enchaine.


2/ Promo 2004

En février 2004 parait un Promo comprenant 3 nouveaux titres. L'évolution est nette, avec un style plus fluide et des compositions plus travaillées. Cette fois on peut véritablement parler de mariage entre guitares et claviers. Ces derniers ont pris une importance considérable et font partie intégrante de l'identité Souldrainer qu'on peut désormais qualifier de gothic metal symphonique. Niveau guitares, le fameux mur rythmique a disparu au profit de lignes mélodiques subtiles. Une attention particulière a été accordée à la basse qui dispose d'une plus grande exposition et d'un meilleur mixage. Sous-exploité sur la Demo précédente, Nils Fjellström a cette fois la possibilité d'exprimer sa dextérité. Tout bénef pour nous. A l'instar du reste de l'instrumentation, les vocaux s'adaptent à l'affinage général. Les Suédois ont mis le hola sur la course aux growls, et si le registre death metal est toujours de mise, Johan Klitkou nuance plus volontiers. A noter des passages narratif par un enfant sur They All Die. Très homogène, ce Promo donne une image forte de Souldrainer, celle d'un groupe qui n'a pas peur d'évoluer et de prendre des risques. Difficile de citer un morceau plutôt qu'un autre, peut-être le dernier Black Thirteen qui propose le travail le plus abouti au niveau des claviers, avec une dimension orchestrale et de véritables parties de piano. Le travail de Nils Fjellström insuffle dynamique et contraste.

Malgré mes a priori favorables, je dois reconnaitre avoir lâché Souldrainer en cours de route. 2005 a vu la sortie de leur 3ème Demo First Row in Hell et le split de Chastisement. Je soupçonne Marcus Edvardsson de s'être embrouillé avec Nils Fjellström car ils n'ont plus bossé ensemble depuis. La signature inespérée de Souldrainer sur Mascot records fera passer la pilule. Le bien nommé Reborn sort en 2007 et comprend plusieurs titres réenregistrés de la période Demo, à l'exception notable du fameux single Everything Ends. Mais ceci est une autre histoire... Riches en anecdotes et en expérimentations, les premières années du groupe sont dignes d'intérêt et auraient mérité une meilleure visibilité. Passer d'un site exhaustif et généreux (free dl audio et vidéo) à une version pro privilégiant la forme au fond laisse une drôle d'impression, un peu comme si les véritables débuts de Souldrainer avaient été gommés. Autre époque, autres moeurs. Pourtant ils étaient prometteurs ces débuts...


Rédigé par : forlorn | 2004 | Nb de lectures : 1536