Dans sa chronique de la compilation The Nightmare Remains... DaleNixon nous parlait de la naissance de l'asso française Overcome, s'intéressant au hardcore.
Aujourd'hui on remet ça, cette fois avec le gothic metal.

10 ans après l'avènement des pionniers (Type O Negative, le trio de Peaceville...), le genre est au sommet de sa popularité. Succès critique et commercial à l'échelle mondiale, chefs de file n'hésitant pas à expérimenter (Host & co), seconds couteaux méritants, sang neuf amenant le renouvellement nécessaire (voir les scènes finlandaise et australienne)... c'est une affaire qui roule. Côté français, la première génération apparait tardivement, vers 1996/1997. Entre rodage et mutation de l'underground (le support magnétique cédant le terrain au numérique), 2 années passent avant que ne débarquent les premiers albums complets, le No Love Lost de Lycosia étant autoproduit alors que le Emanate de Penumbra sort chez les Allemands de Serenades (sous-division gothic doom de Last Episode). En Ile de France, 6 groupes se concertent et fondent l'asso Epsilon en juin 2000. Il s'agit d'Anthemon, Damage to Property, Dying Tears, Liturgy of Decay, Synoptia et The Old Dead Tree. Mais 3 mois après, Synoptia splitte prématurément. De ses cendres vont émerger 3 projets, 2 d'entre eux rejoignant Epsilon sur le champs: Lux Incerta et The Silent Agony. Soutenue par Adipocere records et le déjà fameux Kata Bar (ouvert en 1999, fermé depuis 2010), l'association va pouvoir concrétiser son premier objectif: réaliser une compilation.

Sur les 8 groupes concernés, 2 ne pourront participer à l'aventure, étant hors-délais. Un mot pour chacun.
Damage to Property évoluait au carrefour du néo, du goth et du trip-hop. Il s'agissait d'un projet solo de Stephan May. Basé à Nancy, ce dernier officiait dans Stenval (groupe de celtic black comprenant des membres de Scarve mais dont l'album ne verra jamais le jour). Hormis les prods Epsilon, on le retrouvera également aux manettes pour Mortuary, Taliándörögd, The Last Embrace, Zubrowska... Quant à Lux Incerta, le groupe aura toutes les peines du monde à se développer en raison de leurs engagements individuels (Penumbra, The Old Dead Tree). Retour à la compilation sortie en février 2001. 2 soirées promotionnelles se sont tenues au Kata Bar (forcément) et au Piano Vache. Le magazine Elegy s'est aussi fendu d'un article de 2 pages sur Epsilon. Pour l'anecdote, je fais parti des 50 lecteurs à avoir reçu la compil. Habitué du mag, j'ai d'ailleurs gagné 2 des 4 concours proposés par le n°14 (à défaut de Miroirs et Fumée de Neil Gaiman, j'ai obtenu Les Contes de la Tisseuse de Léa Silhol). Pressée à plus de 3 000 exemplaires et distribuée gratuitement (prix maximum conseillé 5 francs, dixit la pochette carton), la compil Epsilon était disponible auprès des catalogues VPC Adipocere et Holy records, des disquaires parisiens (Master of Rock, Dysphorie, l'Enklave, Rock n' Roll Voltage...), ainsi qu'en concert.

Rentrons maintenant dans le vif du sujet. 6 morceaux, 1 par groupe, pour 37 minutes de gothic metal.

1/ SYNOPTIA - The Dirge (inédit 2000)

Dernière composition du groupe avant son split. Certains connaissent ce titre car il figure aussi sur le sampler fourni avec le n° 20 de Metallian. Au programme, un gothic doom aux mélodies crépusculaires surplombé d'un chant clair de qualité et d'une discrète choriste. Le dernier morceau de Synoptia est aussi leur meilleur. J'encourage les curieux à lire ma chronique de l'EP Shades of Ancient Memories et écouter The Dirge via le lien en fin de chronique. Quant au split de Synoptia, la section rythmique (Agone et Anhydre) a fondé Lux Incerta, les guitaristes (Ezechiel et Syd) The Silent Agony, et la choriste (Ambre) Obsessive Dolls.

2/ DYING TEARS - Melusine (or the Well of Thursty Gladness) - extrait de l'album Amnesia (2001)

Après Lovely Nightmares, une Demo comprenant la participation de Steeve Petit (frontman de No Return), Dying Tears a signé pour 2 albums chez Thundering records. Composé de 8 membres, dont 2 chanteurs et une violoncelliste, le groupe bénéficie d'une certaine exposition dans la presse. Le nécessaire a été fait pour ça: compositions à la hauteur, Alexis Phélipot aux manettes (ex-batteur de Misanthrope reconverti producteur), distribution correcte. Influencé par les premiers Theatre of Tragedy, parfois comparé à Therion et Nightwish, Dying Tears semblait avoir une bonne carte à jouer, mais ils ne se relèveront pas du départ de leurs chanteurs quelques mois plus tard, leur 2ème album étant aussi le dernier. La chanteuse Rose Vignat a ensuite été journaliste free-lance (Hard Rock, Elegy, mais aussi Vice en Suède) avant de rejoindre le label Season of Mist en tant que responsable de la distribution et de la promotion. Certains ex-Dying Tears évoluent désormais dans Interria.

3/ ANTHEMON - Withered Smile - extrait de l'EP Talvi (2000)

Après Nocturnal Contemplations, une Demo déjà bien reçue, Anthemon semble être "the next big thing". Leur doom gothique fait mouche grâce à leur qualité de composition (et une production signée Stéphane May). Si le chant reste le point à travailler, le groupe est conscient de cette faiblesse et choisira d'abandonner le chant féminin en 2003, au grand damn de certains fans. En dépit de leur identité musicale, leurs 3 albums, également sortis chez Thundering, ne connaitront pas le succès escomptés. Le guitariste Sylvain Bégot continue sa route avec Monolithe, groupe qu'il a fondé en 2001. Les autres membres se sont éparpillés dans diverses formations comme Evolvent, Hot Hell Room, Markize.

4/ THE OLD DEAD TREE - It's the Same for Everyone - extrait de la Demo The Blossom (1999)

Morceau d'ouverture de leur Demo (réenregistré en 2003 pour leur 1er album The Nameless Disease) et déjà tout est là. Un feeling énorme, débordant de chaque note, de chaque instrument, amplifié par le meilleur chanteur français dans le genre: Manuel Munoz (devant Agone et Christi Scythe de Lycosia). Notez qu'il s'agit de l'unique enregistrement réalisé avec le batteur Frédéric Guillemot qui a mis fin à ses jours à l'âge de 22 ans. Le groupe connaitra d'ailleurs une instabilité chronique à ce poste (3 batteurs en 10 ans). Signé chez Season of Mist, The Old Dead Tree sortira 3 albums appréciés (la chronique de The Perpetual Motion a reçu 118 commentaires) avant de splitter en 2009. Leur éphémère retour en 2013 a enthousiasmé les fans, à juste titre. Certains membres sont toujours actifs dans Arkan, Interria, Lux Incerta et surtout Ommatidia.

5/ LITURGY OF DECAY - Tristiana - extrait de l'album Psalms of Agony and Revolt (2002)

Moins connue que ses camarades, cette formation est aussi la moins metal du lot, leur gothic rock synthétique s'inspirant visiblement des productions allemande et polonaise. Plutôt discret, ce groupe doté de 3 guitaristes est délaissé au profit d'une formation plus avant-gardiste: Öxxö xööx. Le leader Laurent Lunoir (aka monsieur Öxxö xööx) ne manque pas de projets (Igorrr, Rïcïnn, ex-GaïdjinN, ex-Whourkr).

6/ THE SILENT AGONY - Resentment (version Demo 2001)

Fondé par les frères Bibault (aka les guitaristes Ezechiel de Lioncourt et Syd, ce dernier récupérant le chant), The Silent Agony développe pour l'heure la facette la plus éthérée de Synoptia, avant un revirement nettement plus dynamique et lourd sur l'album. En tentant une comparaison avec le travail de The Old Dead Tree, le pauvre Loufi avait été pris à parti par des die-hard fans dans les commentaires. Allez comprendre...
Un one-shot oublié mais de bonne qualité.

Pour finir, mes titres préférés sont ceux de Synoptia, The Old Dead Tree et The Silent Agony. Cette compilation de l'asso Epsilon témoigne d'une époque où la bonne volonté et la complémentarité des différents acteurs de la scène française faisaient merveilles. Quand on va tous dans le même sens c'est de suite plus facile...

Edit du 04/01/2016: (Re)découvrez cette compilation en la récupérant via dropbox


Rédigé par : forlorn | 2001 | Nb de lectures : 1682