Récemment, le sieur Bras Cassé nous proposait un Top 5 consacré aux groupes originaires de petits pays. Dans le même ordre d'idées, que savez-vous de la Bulgarie? Pour les fans de foot, ça se résume à un mauvais souvenir. Il y a un peu plus de 20 ans, leur équipe (celle des Stoitchkov, Kostadinov, Ivanov) arrachait sa qualification pour la coupe du monde au détriment de la génération Papin/Cantona. C'est parti pour un point culture. Au niveau géographique, la Bulgarie se situe dans les Balkans. Bordé par la Mer Noire à l'est, cet Etat partage des frontières avec la Grèce et la Turquie au sud, la Macédoine et la Serbie à l'ouest, ainsi que la Roumanie au Nord. Historiquement la Bulgarie est le plus ancien pays slave. Empire puissant au Moyen-Age (du VIIème au XIVème siècle), celui-ci se fragmente en multiples principautés qui sont toutes absorbées par l'Empire Ottoman. La Bulgarie récupère son indépendance en 1908. Allié de l'Allemagne, le pays subit l'influence soviétique de 1946 jusqu'en 1990. Les années qui suivent correspondent à une période de transition, la Bulgarie n'atteignant son objectif de rejoindre l'Union Européenne qu'en 2007. Au rayon des personnalités, on peut retenir (ou pas) Sylvie Vartan et surtout le physicien et ingénieur Djon Atanasov (ou John Vincent Atanasoff), concepteur du premier ordinateur, l'ABC. Ceci étant dit, passons à la musique.

A moins d'un intérêt particulier pour cette région du monde, dégoter un groupe de metal bulgare au cours des années 90s relevait de l'investigation et de la prise de risque (achat à l'aveugle). A l'époque j'ai envisagé de tester des formations comme Korozy ou Nightsky Bequest, mais sans franchir le pas. C'est un fait, on ne croisait que rarement des représentants de ce pays au détour des pages de nos catalogues VPC. Jetez un oeil à l'inventaire des groupes de metal bulgare sur metal-archives, vous comprendrez très vite pourquoi. A peine 300 groupes, dont la moitié n'existent plus. En comparaison, leur voisin grec en compte 1600. Pas de figure de proue, de personnalité marquante (même expatriée) ou de structure suffisamment développée. Le constat est simple: en Bulgarie, le metal est clairement anecdotique. En ce qui me concerne, il aura fallu attendre la signature de Darkflight sur Rage of Achilles pour débloquer un peu les choses. Dynamique malgré son existence éphémère (6 années d'activité, de 1999 à 2004), ce petit label anglais a révélé des groupes aussi divers qu'Amoral, Chastisement, Cult of Luna, Forest of Shadows, Omnium Gatherum, The Axis of Perdition ou Witch Mountain. Beau CV n'est ce pas? C'est grâce à cette signature sur Rage of Achilles que Darkflight a pu sortir son 1er album et placer un titre sur un sampler Metallian (n°32 du 3ème trimestre 2003). Voyons maintenant qui se cache derrière ce groupe.

Darkflight est un projet solo initié par Ivo Iliev. Ce guitariste fait ses débuts dans la scène metal en 1991 avec le groupe de doom/death Cryptophobism qui splitte en 1998 après 2 Demos. Ivo Iliev change ensuite radicalement d'orientation avec Dreamflight, une formation de doom/rock très atmosphérique avec chant féminin. Mais très vite le Bulgare ressent 2 besoins impérieux: composer une musique plus sombre et tout gérer lui même. Ivo Iliev tente dans un premier temps de concilier ses projets, avant de se résoudre à splitter Dreamflight en 2003. Pour les curieux, voir les pages MA et myspace. Quant à Darkflight, la Demo Obscure parue en 2002 lui a ouvert les portes de Rage of Achilles. Qui dit label, dit album complet et distribution à large échelle. Compositeur, parolier, multi-instrumentiste, vocaliste et producteur, Ivo Iliev s'est chargé de tout ou presque. Tatiana Teneva, chanteuse originelle de Dreamflight, intervient cependant tout au long de l'album (qui comprend 8 morceaux oscillants entre 4 et 6 minutes). Quant au visuel, le Bulgare fait preuve de goût en sollicitant Christophe Vacher, un artiste-peintre et illustrateur français ayant fait carrière dans l'animation américaine. Pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus, cliquez ici. Under the Shadow of Fear bénéficie donc d'un superbe visuel d'heroic fantasy illustrant comme il se doit des morceaux construits sur ce thème.

Imaginez un Protector bulgare qui synthétiserait ses différentes aspirations au sein d'un projet à la Avrigus et vous cernerez Ilo Iliev. Darkflight développe un black doom archi-dominé par les claviers. Sa palette sonore est intéressante, allant de la darkwave (l'intro de Moonlight Battle fait penser à Ice Ages) aux habituels plans épiques estampillés Summoning (A Call for the Dragons ou le morceau-titre), en passant par les parties de piano ainsi que des sons de violon et de flute. La BAR est honnête mais se révèle pénible dans les parties rapides (final de The Eclipse of Life ou partie centrale de Occult Rituals) en raison de son caractère basique. Faire appel à un batteur aurait été plus judicieux. Ivo Iliev corrigera la chose en recrutant Dean Todorov (ex-Dreamflight) en 2005. Concernant les guitares, avis mitigé. L'utilisation d'arpèges et de leads est bonne (Black Spirit, Alone Somewhere Beyond), de même que l'acoustique sur A Call for the Dragons. Côté rythmique par contre c'est la misère.
Au départ je pensais les guitares absentes, avant de réaliser qu'elles étaient sous-mixées. A l'écoute des rares passages mettant les rythmiques en avant, il est clair qu'Ilo Iliev n'est pas Jon Schaffer. Un effort aurait du être fait, on n'est plus en 1996 que diable. Les vocaux black étant assez clairsemés et monocordes, les interventions de Tatiana Teneva sur 5 des 8 morceaux sont bienvenues, renforçant la comparaison avec Avrigus. Notez qu'on la retrouve seule au chant sur la ballade nocturne To Die in Your Arms.

Ce premier album aurait du permettre à Darkflight d'aller de l'avant, mais la banqueroute de Rage of Achilles va entrainer Ilo Iliev dans sa chute. Ce dernier repart de zéro et son retour à l'artisanat se concrétise par la diffusion d'inédits et de Demo/Promo sur son (ancien) site officiel. Ce n'est que 5 ans plus tard, à la faveur d'une signature avec le label américain Ars Magna Recordings que la situation connaitra une embellie, avec la sortie du 2ème album Perfectly Calm en 2008. Mais ceci est une autre histoire...

Under the Shadow of Fear est un album authentique réalisé par un musicien esseulé. L'ensemble est perfectible mais le potentiel est là. En dépit d'une certaine linéarité, le feeling est bien présent. Tour à tour épiques, mélancoliques ou plus dark, les compositions de Darkflight sauront convaincre les fans du genre. Si vous aimez Summoning et les side-projects de Protector, ou encore les groupes issus de la scène doom orchestrale australienne comme Avrigus, ça peut vous plaire. Les autres, vous aurez découvert un groupe de metal bulgare.

The Eclipse of Life: https://www.youtube.com/watch?v=13HQSNqqfS4
Black Spirit: https://www.youtube.com/watch?v=DVaFIn2Weec


Rédigé par : forlorn | 2003 | Nb de lectures : 1979