ABIGAIL - Sonnets (Bestial) - 25/01/2014 @ 22h07
"Ceux qui espèrent une bafouille sur le groupe de black/thrash japonais vont en être pour leurs frais, car il est ici question du groupe de gothic/doom roumain."

L'apparition de Metallian et le développement de nos distros ont permis à nombre d'entre nous de nous plonger dans l'underground. En véritables explorateurs de l'extrême, nous prenions un pied d'enfer à découvrir différentes saveurs grâce à des formations originaires de tous les coins du monde. Attendez... De partout, vraiment? La réponse est non. Les pays d'Europe de l'Est ont toujours eu à souffrir d'un manque flagrant de considération de notre part. De la suprématie des groupes scandinaves au blocus politico-économique d'avant internet, il y aurait largement matière à débattre. Toujours est-il qu'hormis l'exception polonaise, seuls quelques rares élus sont parvenus à attirer notre attention, à l'instar des Hongrois de Sear Bliss ou des Roumains de Negura Bunget. Mais plutôt que d'attendre qu'on nous mâche le travail, il est parfois bon de s'investir et de prendre des risques. Passionné par le Dracula de Bram Stocker et ses multiples adaptations cinématographiques, je notais avec intérêt les travaux de Marduk sur la question avec leur album Nightwing (1998). Ajoutez les contacts de plus en plus réguliers des Grecs d'On Thorns I Lay avec la scène roumaine et me voila décidé à partir à l'aventure.

Après avoir récemment évoqué Lenti Chiriac, personnage emblématique incontournable de cette partie de l'Europe, cette fois c'est le tour de Bestial records, découvert par le biais d'Holy records. Fondée 2 ans plus tôt à Timisoara (dans l'ouest du pays), cette jeune structure va offrir un important soutien aux groupes locaux, servant des intérêts aussi divers que ceux de Magica (Power Metal) ou Negură Bunget (Folk Black).
Ignorant tout du metal roumain, je choisissais de miser sur les Demos de groupes réunis sous la bannière gothic doom: Abigail, Interitus Dei puis GOD (dont plusieurs membres seront absorbés par OTIL). On le sait le trio de Peaceville (Paradise Lost, Anathema, My Dying Bride) a été d'une influence considérable sur la 'génération 90s'.
Il est bon de rappeler que cette emprise a déferlé sur le monde metallique sans tenir compte des frontières.
Gros plan donc sur Abigail, fer de lance du genre en Roumanie, avec un rapide point biographique.

1991: Fondation de Punct Mortal par Razvan "R" Alexandru (guitars) et George Angel "G" Tudor (drums).
1992: Influences musicales allant de Black Sabbath à Metallica.
1993: Punct Mortal se renomme Abigail en hommage à King Diamond.
Découvertes du doom/death anglais qui détermine leur orientation musicale.
1994: Enregistrement de la Demo These Are the Ruins of Mine avec l'aide de membres de Cronos.
1995: Abigail fait le buzz sur les radios locales qui leur dégotent des plans concerts.
1996: Arrivée du bassiste Vlad Busca et du claviériste Dragos Halmagi. R reprend les vocaux à son compte.
Enregistrement d'une 2ème Demo: Together and More.
Abigail apparait sur plusieurs compilations, tourne un clip et obtient plusieurs passages TV.
1997: Arrivée du guitariste Felix Fuerea (surnommé BB Hanemman). Abigail raffine son style, plus gothique.
Leur 3ème Demo Bitter Tears fait grand bruit et leur permet de signer chez Bestial records.

Considéré comme un EP, Sonnets reprend les 4 titres de la Demo Bitter Tears (enregistrée en septembre 1997) auxquels les Roumains ont ajouté un instrumental: Insight (mis en boite en mars 1998). Le technicien à l'oeuvre, Cristi Solomon, est un collaborateur régulier de Negura Bunget qu'on retrouvera sur le Future Narcotic d'On Thorns I Lay. Le leader d'Abigail Razvan "R" Alexandru a composé toute la musique et choisi le visuel. Précision utile, Sonnets est une K7 pro. Son livret couleur comprend paroles, photo et crédits. Côté textes justement, ceux du morceau Desire sont signés Paul Grigoriu (de Rising Shadow) et ceux de CXLII sont empruntés à William Shakespeare. On le constate, le format K7 n'est pas nécessairement synonyme d'amateurisme ou de groupe né de la dernière pluie. Mieux, cette 12ème production de Bestial records, depuis longtemps sold-out, est l'une de leurs meilleures ventes. Je n'ai jamais su si Sonnets était sorti sur un autre support, mais j'admets que le format K7 casse un peu les couilles dans le cadre d'une chronique à réaliser. Ceci dit c'est pour la bonne cause, alors on fait avec. Et on aurait tort de se priver car Sonnets mérite sa réputation.


Dès les premières mesures de Bitterness ... Tears on retrouve avec un plaisir coupable ce mélange de puissance rythmique et de mélancolie exacerbée typique de l'école britannique période 1991-1995. L'aspect versatile du chant (plaintif, rocailleux ou déclamatoire) évoque un Anathema juvénile de retour de vacances en Pologne, alors que les parties de batterie et l'omniprésence des leads de gratte renvoient immanquablement aux débuts de Paradise Lost. Dynamique et bien construit, ce titre bénéficie d'une production efficace mais un peu rustique, avec des claviers sous-mixés. Néanmoins Bitterness ... Tears remplit son office en présentant un groupe authentique, maitrisant les codes du genre tout en y ajoutant sa patte (ce feeling proche des écoles slave et italienne, le climax de fin). Structurellement plus simple, le 2nd morceau place la barre plus haut en matière d'intensité. Parfaitement introduit par le trio claviers/basse/batterie, Sonet bénéficie d'un excellent travail des guitaristes, plus complémentaires que jamais. Cerise sur le gâteau, ce titre est le seul qui soit chanté en roumain. A noter que Paul Grigoriu de Rising Shadow se charge des vocaux rocailleux. Je considère Sonet comme un classique du gothic doom. Détail inutile: annoncé sur la Face A par le boitier cristal et le livret, le 3ème titre se trouve en fait sur la Face B.

Enregistré 6 mois après, l'instrumental Insight démarre de façon aérienne via des arabesques pink floydiens. D'abord prometteur, ce titre s'enlise rapidement, la faute à des motifs aussi squelettiques que répétitifs chez l'ensemble des musiciens. Même la production parait plus frêle, on croirait presque entendre un autre groupe. Un ratage étonnant qui nous fait craindre pour la suite. Heureusement Desire reprend le flambeau avec ardeur. Après le coup de mou, voici le titre le plus rapide et bourru de l'EP avec de bonnes harmonies de gratte. Auteur des textes, Paul Grigoriu intervient pour la 2ème fois et se charge de l'intégralité des vocaux dans un registre quasi death. A noter une meilleure intégration des claviers et un break mettant en valeur la section rythmique. CXLII conclut Sonnets comme il convient. Cette outro atmosphérique et dépouillée illustre des textes empruntés à William Shakespeare. Arpèges de guitare enrobés de claviers discrets, le tout surplombé par un chant clair évanescent. Vous l'aurez compris, ma préférence va à la Face A que je trouve plus aboutie et maitrisée. Le verdict? Sonnets présente un groupe en pleine croissance doté d'un vrai potentiel. Avec un peu plus d'expérience et de moyens, Abigail aurait eu sa place dans le cortège des glorieux seconds couteaux de la scène gothic doom.

La suite de l'histoire? De nombreux concerts, passages radio et TV (voir les vidéos ci-dessous) ainsi que plusieurs distinctions pour Abigail dont l'EP se vend jusqu'à épuisement des stocks. On pense les Roumains promis à un bel avenir, jusqu'à ce que des circonstances troubles extérieures au milieu musical ne provoquent le split du groupe. Après quelques années de flottement, Razvan "R" Alexandru reforme Abigail seul, alors que le reste du line-up emmené par BB Hanemman fonde L.O.S.T. un groupe de death mélodique.
Pour avoir redécouvert Abigail en 2011, je peux attester des énormes progrès accomplis.
Désormais le melodic doom/death de R mérite d'être entendu du plus grand nombre (voir bandcamp).
En attendant, retrouvez le line-up de Sonnets avec des vidéos live datant de 1998.




Rédigé par : forlorn | 1998 | Nb de lectures : 1761


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Commentaire
Moshimosher
Membre enregistré
Posté le: 26/01/2014 à 16h37 - (30502)
J'avoue, je me suis fait avoir... Mais bon, à défaut des sujets de l'Empereur Akihito, on a un bon p'tit groupe roumain... Pas mal, pas mal... Et puis, la Roumanie à l'air d'avoir eu de bien bonnes émissions de télévision... :)

Petite question : il dit bien reviens, reviens, reviens, à la fin du second morceau ? :)

forlorn
Membre enregistré
Posté le: 26/01/2014 à 19h41 - (30508)
Il semblerait oui.

Remarque valable pour les émissions comme pour le 'aaah... reviens'.

Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 28/01/2014 à 11h47 - (30513)
Hey mais c'est bon ça !! ça me fait beaucoup penser à Tristitia



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