STABBING WESTWARD - Ungod (Columbia) - 04/01/2014 @ 23h32
L'histoire de la musique industrielle est riche et complexe. Au cours des années 80s, le genre connait une explosion démographique sans précédent s'accompagnant d'une volonté d'expérimenter plus affirmée que jamais. La radicalisation des sons conduit à une hybridation avec le rock indé et le metal. Cette évolution sera la clé du succès rencontré des années plus tard par des groupes comme Ministry et Nine Inch Nails. Pour vous donner une idée plus concrète de ce baby boom, voici quelques actes de naissance:

1979: Fondation de Killing Joke
1980: Fondation de Die Krupps, Laibach
1981: Fondation de Ministry
1982: Fondation de Swans, Voivod
1984: Fondation de KMFDM
1985: Fondation de Stabbing Westward, The Young Gods, White Zombie
1986: Fondation de Prong, Treponem Pal
1988: Fondation de Godflesh, Nine Inch Nails, Proton Burst
1989: Fondation de Marilyn Manson, Oomph!, Pitchshifter

Apprécié de la critique, Stabbing Westward n'en fut pas moins souvent victime de l'adversité et des apparences. Par exemple à la sortie d'Ungod au printemps 1994, beaucoup considéraient ce groupe comme étant opportuniste, tant la filiation avec le Pretty Hate Machine de Nine Inch Nails semble évidente. Et effectivement après écoute, difficile de contredire les mauvaises langues. Pourtant ce premier effort de Stabbing Westward concrétise des années de frustrations et de travail acharné. Mieux, un coup d'oeil à la chronologie ci-dessus nous confirme que Stabbing Westward n'est pas né de la dernière pluie, sa fondation remontant à 1985 (avant NIN donc). Le frontman Christopher Hall nous résume cet interminable (et parfois invraisemblable) chemin de croix de 9 années. "Walter Flakus et moi avons formé Stabbing Westward car nous recherchions quelque chose de différent. Nous avons tout 2 joué en parallèle dans des groupes qui n'en valaient pas la peine. (...) Lorsque nous essayions de leur proposer nos morceaux, ils trouvaient ça trop étrange. (...) Nous avions un véritable besoin de changement, mais il nous fallait continuer à jouer dans un groupe en attendant mieux car cela nous permettait de progresser tout en ramenant un peu d'argent. (...) Ce que nous souhaitions jouer était peut-être un peu trop heavy pour les petits clubs dans lesquels nous nous produisions. C'est pourquoi nous avions souvent tendance à parodier un style de musique que nous aurions en réalité souhaité jouer." (dans le n°23 de juillet 1994 de Hard Force mag)

Le duo Hall/Flakus sort de son impasse en déménageant à Chicago, l'un des hauts lieux du rock industriel US.
Mais avant d'aller plus loin, un mot sur ce patronyme: Stabbing Westward. Contraints de trouver un nom pour se produire sur scène, le duo va tomber sur un extrait de discours d'Eisenhower (prédécesseur de Kennedy) traitant du communisme et utilisant l'expression 'coup de poignard à l'ouest'. Nous voila renseignés. L'entrée dans les 90s voit donc leur situation se débloquer, leurs compositions trouvant enfin des oreilles attentives et intéressés. Le guitariste Jim Clanin et le bassiste Jim Sellers rallient Stabbing Westward, bientôt suivis par une recrue de choix: Chris Vrenna (batteur originel de NIN et futur Marilyn Manson). Rencontré à un concert de Die Warzau, ce dernier devient leur batteur attitré. Il enregistre notamment avec eux un EP nommé Iwo Jimma qui leur permet de signer chez Columbia. Mais rappelé entre temps par Trent Reznor, Chris Vrenna doit céder sa place derrière le kit. C'est David Suycott (ex-Spies Who Surf), ami d'enfance de Walter Flakus, qui le remplace. A la même époque Stuart Zechman devient le nouveau guitariste de Stabbing Westward. Enfin doté des moyens de ses ambitions grâce à Columbia et d'un line-up à peu près stable, le quintet s'envole pour l'Angleterre afin d'enregistrer son 1er album Ungod sous la houlette du renommé John Fryer, membre de This Mortal Coil et producteur à l'impressionnant pedigree (voir wikipedia) déjà à l'oeuvre sur un certain... Pretty Hate Machine (on y est).

Ungod est difficile à appréhender car c'est le genre d'album qui dépend grandement de l'état de nos connaissances et du contexte dans lequel on le découvre. Je m'explique. Si je vous dis que Stabbing Westward développe un
rock industriel pesant, torturé et hypnotique porté sur des ambiances dark et un mixage avantageux de la basse, les plus avertis me répondront que cette définition vaut aussi pour les débuts de Filter. Et bien justement parlons-en. On connait tous le fameux Hey Man Nice Shot issu de l'album Short Bus paru en 1995. Sachez donc que le riff utilisé par Richard Patrick & cie est issu du refrain d'Ungod, le morceau-titre de Stabbing Westward! Pour être honnête un album comme Ungod parait facilement anecdotique ou dispensable de nos jours en comparaison de références multiplatinées (et de surcroit toujours en activité), mais il n'en a pas moins marqué son époque. Des preuves? Le nombre de morceaux utilisés pour diverses BO comme Bad Boys, Johnny Mnemonic, Mortal Kombat ou encore Clerks (j'adore ce film de Kevin Smith). Dans le même ordre d'idées, Stabbing Westward a passé l'année 1994 sur la route, ouvrant successivement pour Depeche Mode (promo de l'album Songs of Faith and Devotion) puis Killing Joke (promo de l'album Pandemonium). La classe non? Maintenant que nous voila affranchis, voyons un peu ce que ce Ungod a dans les tripes.

Après des années de galères et de préparation, le budget alloué par Columbia a placé les Américains dans les meilleures dispositions. Enregistrer à l'étranger permet de casser la routine, de se soustraire à nombre de distractions. S'agissant d'un genre tel que le rock industriel, la question de la production était cruciale. Plus qu'une preuve de goût, solliciter John Fryer c'est la garantie d'un travail de qualité. Le contrat est rempli, avec une production claire et puissante, ainsi qu'une attention particulière apportée aux détails (le mixage). Quant au processus d'écriture, la lecture des crédits nous apprend qu'il est collégial, avec un Stuart Zechman très investi.
A l'écoute de ce bloc homogène de compositions, on découvre un groupe particulièrement doué dans la création d'ambiances sombres et tendues, avec un potentiel mélodique qu'on devine proche de la pop notamment grâce au chant de Christopher Hall. Ce potentiel ne tardera d'ailleurs pas à être exploité dès leur excellent 2ème album: Wither, Blister, Burn & Peel (et son fameux single What Do I Have to Do? aperçu sur les Best of Trash de M6).
Plus que les titres nerveux tels que Control ou Nothing, j'avoue avoir un faible pour les compos plus dépouillées et atmosphériques, en particulier l'hypnotisant Can't Happen Here, morceau de bravoure de plus de 8 minutes avec percussions tribales, mélodies éparses et crescendo émotionnel.

Conciliant un passé difficile et des promesses d'avenir (promesses tenues!) ce 1er album de Stabbing Westward a fait son chemin. Apprécié aux USA, le groupe de Christopher Hall et Walter Flakus passera plutôt inaperçu en Europe en dépit du soutien des médias (amené à se renouveler), les amateurs de rock industriel, submergés de nouveautés, plaçant leur mise ailleurs. A mon sens Stabbing Westward ne mérite pas d'être oublié. Maintenant la balle est dans votre camp.




Rédigé par : forlorn | 1994 | Nb de lectures : 2292


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Commentaire
cidoulefou
IP:91.69.218.198
Invité
Posté le: 05/01/2014 à 12h27 - (30366)
Je valide tout dans la chronique ! les deux premiers albums sont des classiques à ranger aux cotés des premiers filter et NIN en particulier. On y revient souvent et avec plaisir !Sinon, Le troisieme album a quelques bons morceaux, le reste est à oublier.

hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 05/01/2014 à 22h24 - (30385)
Je suis en train de l'écouter sur Deezer. Ha oui, çà sonne pas mal NIN en plus organique peut-être, je pense aussi au Killing Joke période metal, à Tool et à Fear Factory fin 90's. Une petite préférence pour Wither, Blister, Burn & Peel que je viens de dénicher pour 0,01 € sur la masaune. Une fois de plus, mon portefeuille ne te dit pas merci forlorn :)



forlorn
Membre enregistré
Posté le: 06/01/2014 à 15h09 - (30393)
Merci hammer de t'être penché sur la question.

Wither, Blister, Burn & Peel fait l'unanimité, tout le monde s'accorde à dire que c'est leur meilleur album.

Pour ma part j'apprécie leurs 4 albums, y compris le dernier beaucoup plus pop.

away.alive
Membre enregistré
Posté le: 09/01/2014 à 22h37 - (30398)
Excellente chronique, qui me donne envie de le réécouter, ainsi que les deux albums suivants. Stabbing Westward est vraiment un groupe trop méconnu.



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