Quoi de mieux que la fraicheur et les couleurs de l’automne pour écouter un album de « folk metal » ? La saison propice pour rendre hommage à un précurseur d'un genre qui n'en était encore qu'à ses balbutiements. Formation allemande originaire de Neuss, ADORNED BROOD nous propose dès son premier album un folk métal alors frais et novateur. Sorti le 1 mars 1996 chez Folter Record, « Hiltia » succède à 3 Démos méconnues et désormais introuvables. Dès le départ, les Allemands s'attachent à développer leur propre son, à savoir un subtil mélange de metal extrême et d’éléments folk en particulier la flûte. Faute de promo et n’ayant pas lu d'articles chez Metallian et consorts, c’est donc par hasard qu’un ami me prête une cassette où ce premier album apparait. (Oui, le temps des cassettes audio, c’est dire si l’album a pris quelques rides.) Assez étonné je lui demande à quel groupe ADORNED BROOD peut être comparé et ce dernier me répond « à du folk black metal, un peu à la FALKENBACH voir à ENSLAVED ». Essayez d'imaginer la combinaison de rythmiques primitives et brutes à des arrangements élaborés et raffinés, le tout évoquant la nature personnifiée. Commençons par les présentations. Markus 'Teutobot' Frost au chant et à la basse, Nermin "Oberon" Hadžovic et Mirko "Pagan" Klier aux guitares, Mike "Ariovist" Engelmann est installé derrière les fûts et pour finir Anna au chant féminin et à la flute. Bien qu'inexpérimentés, les Allemands ont su tirer leur épingle du jeu en proposant un album assez novateur et respecté à une époque dominée par les groupes norvégiens (ULVER, ENSLAVED, EINHERJER et bien d'autres). Pourtant les choses commencent mal avec une pochette qui a de quoi en rebuter plus d’un. Ceux qui ont su dépasser cet obstacle ont alors découvert un premier album détonnant. Et c’est cette richesse qui m’a permis d’accrocher au concept d’ADORNED BROOD.

Enregistré au studio 109 durant les mois d’été de l’année 1995, « Hiltia » possède une production moyenne pour l’époque manquant de relief et de médium. L'intro donne le ton avec un passage folk, mêlant guitare acoustique et flute. La mélodie fait mouche et nous permet d'entrer dans l’univers d'ADORNED BROOD. « For Honour and Land » démarre brutalement, avec une entame typiquement black métal dans sa première minute. Le tempo ralentit ensuite à la faveur de breaks riches en passages acoustiques présidés par les guitares folk et les mélodies de la flute d’Anne. Le leader Markus alterne vocaux black et chant clair. Poésie guerrière et religions sont au programme de textes alternant allemand et anglais, fidèles au style pagan. La suite de l’album sera dans la même trame, un savant mélange de racines folk alternant avec des guitares rythmiques et du chant black. Le chant rugueux de Markus colle à l'ambiance guerrière et nous rassure, en dépit de parties de batterie un peu trop basiques et mixées en retrait. Penchons-nous plutôt sur l’instrument clé de l’album et du groupe, celui qui en fit sourire certains (de plaisir ou de dédain). Sans déborder sur la rythmique guitare, la flute reste le point fort du groupe, qui est un élément constitutif de leur identité sonore. Ce parti-pris encore peu courant à l'époque garantissait aux Allemands un statut de curiosité. Les parties « lead » de la flute font plaisir à entendre, de même que des arrangements judicieux contribuant à polir leur style. Tendon d’Achille pour certains, point fort pour d'autres, l'usage abondant de la flute ne laissait pas indifférent, à l'image de l’intro de « Furor Teutonicus » mêlant simplicité et charme, qui restera dans les annales. D’autres titres sortent du lot comme l'abouti « Die Rede des Erhabenen », à l'atmosphère à la fois mystique et oppressante. Cette ballade perd peu à peu en sérénité, la rythmique apportant une dimension orageuse atténuée par l'apparition de la flute.

Les 50 minutes d' « Hiltia » passent donc sans susciter d’ennui, la magie opère tout le long pour qui se montre réceptif à ces ambiances et senteurs boisées. Certes les Allemands étaient encore loin de pleinement maitriser leur style, certains enchainements et transitions manquant encore de finesse. Les carences de la production atténuent l'impact des atmosphères, les empêchant de parfaitement remplir leur office. Quelques ajustements leur auraient permis de nous offrir un premier album plus efficace et convainquant. Ces faiblesses ont sans doute coûté à ADORNED BROOD une place de choix sur le drakkar des précurseurs du genre. Résultat « Hiltia » demeure un album sous-estimé voire oublié (surtout de ce côté ci du Rhin), même si paradoxalement les 1500 copies du pressage originel sont parties assez vite. Ce 1er album a le mérite d'avoir mis le pied à l'étrier de certains metalleux pour qui le folk et autre pagan metal étaient des curiosités à découvrir. Cette nouvelle tribu ne manquera pas de faire de nombreux adeptes (à l'image de BLACK MESSIAH qui accompagnera ADORNED BROOD à bien des festivals). « Hiltia » a contribué à nous ouvrir les portes d'un nouveau genre, c'est une oeuvre dont le charme désuet saura séduire les amateurs de pagan/folk ainsi que peut-être les plus nostalgiques d’entre nous.

Hiltia en écoute intégrale: https://www.youtube.com/watch?v=2Soq9-G4ioc


Rédigé par : Strat | 1996 | Nb de lectures : 2211