AEROSMITH - Nine Lives (Columbia) - 19/10/2013 @ 22h23
Vendus à plus de 20 millions d'exemplaires, "Get A grip" avait placé la barre très haut pour AEROSMITH. Contenant des hits tels que "Cryin'", "Livin' on the Edge", "Amazing", "Crazy" ou "Eat The rich", cet album avait vu bon nombre de ses singles monter au plus haut des charts internationaux.
Commercialement parlant, "Get a Grip" reste (pour l'instant... mais je ne pense pas que cela va changer) la plus grande réussite du groupe... et même si "artistiquement" parlant, AEROSMITH a largement fait mieux dans le passé, prendre la suite d'un tel char d'assaut n'était pas aisé. Quoi qu'il en soit, le groupe était à nouveau très populaire et le passage des Nineties, fatal à plusieurs autres combo, était désormais assuré pour ces vieux matous du rock n'roll. Plus en confiance que jamais, le groupe ne se doutait pas qu'a l'aube du début de la composition de leur douzième album, ils s’apprêtaient à vivre parmi les moments les plus difficiles de leur carrière.

Si les sessions studios ont toujours été difficile pour AEROSMITH, "Nine Lives", en plus des bonnes vielles tensions immémoriales entre les musiciens, cumulait les problématiques. Tous clean depuis des années (à part Whitford qui carburait encore au pinard) Steven, Joe, Tom, Brad et Joey commencèrent tranquillement les sessions de composition et d'enregistrement de ce nouvel album, avec les prises de bec habituelles...ni plus, ni moins.
La grosse embrouille ne viendra pas cette fois d'une dispute entre Tyler et le groupe mais de Tim Collins, manager du groupe de 1984 à 1996, tout fraichement remercié par AEROSMITH à l'aube de ce nouvel album.
A la base, Tim Collins était un collaborateur de Joe Perry quand celui ci a quitté le groupe au début des années 80's. En réunissant et reformant le groupe original, l’opiniâtre gestionnaire réussit peu à peu l'exploit de désintoxiquer un à un les Aeros et de gagner ainsi sa place et ses galons bien mérités de Manager du plus grand groupe de rock 'n roll Américain.
La lente et difficile désintoxication de Tyler ne se serait pas faite aussi efficacement sans Collins, et une fois le plus atteint rangé des voitures, le reste de l'aventure relevait de la promenade de santé. C'est lui qui aurait convaincu le groupe de jouer avec RUN DMC sur la cover de "Walk This Way" et qui aurait efficacement orchestré le délicat processus de composition et d'enregistrement sur le brulot "Permanent Vacation". Il continuera ainsi jusqu’à la consécration "Get a Grip" qui verra AEROSMITH effectuer une tournée triomphale avant de prendre un temps de repos bien mérité.

Ne voulant pas coller aux demandes de Collins qui demandait a Tyler et Perry d'écourter leur vacances, les "Toxic Twins" commenceront à travailler avec le producteur Glenn Ballard et prendront peu à peu leurs distances avec Collins. Nul ne sait vraiment ce qui a motivé AEROSMITH pour qu'ils virent Collins (le groupe affirmait à l'époque vouloir travailler de manière plus indépendante) mais juste après son licenciement, visiblement vexé, l'ex-manager lança la rumeur selon laquelle les musiciens (et en particulier Tyler) n'étaient certainement plus très "sobres".
Pas à une mise à l'écart prés, les Twins vireront ensuite Ballard pour engager Kevin Shirley afin que ce dernier booste un peu les guitares de Perry... mais toujours sous la coupelle de Ballard et de ses techniciens, les sessions s'étalèrent et des pans entiers de l'album durent être entièrement réenregistrés... ce qui plongea Joey dans la dépression et le groupe au bord de l'implosion. L'exacte opposition à la photo décontracté qu'affiche le groupe au verso de l'album en somme.

Dans son livre "Est ce que ce bruit dans ma tête te dérange ?", Tyler ne cache pas tout le ressentiment qu'il a pour Collins, le taxant de menteur et répétant une fois encore qu'il était sobre comme un chameau au moment où l'album a été enregistré (le groupe aurait tout de même envoyé une lettre recommandée au chanteur le sommant de s'expliquer... c'est vous dire l'ambiance !).
Il raconte aussi combien le processus d'enregistrement a été compliqué et livre quelques anecdotes de studios sur les chansons de "Nine Lives", mais nous aurons l'occasion d'en reparler un peu plus bas.
Comme depuis plusieurs albums, le groupe fait appel à des compositeurs extérieurs pour les aider dans leur travail (ils se feront d'ailleurs critiquer à ce sujet). On retrouve cependant dans ce "Nine Lives" cette patte du AEROSMITH des 90's et une atmosphère assez particulière et singulière.
Moins orienté guitares (à cause des problèmes de production dont nous parlions plus haut) que son prédécesseur, chaque instrument semble avoir été pensé pour rendre service aux chansons... et non l'inverse. Si on retrouve bien sur de gros hits "tête de gondole" (avec "Falling in love", "Pink" et "Hole in my Soul") il se niche aussi dans cet album une poignée de morceaux véritablement excellents et pour certains assez audacieux pour le groupe.
"Taste of India" par exemple, est un véritable petit bijou. Énergique, envoutante et remarquablement interprétée, cette chanson comporte une introduction "THX" dont Tyler nous révèle le secret dans sa bio :
"Joe a acheté une guitare qui s'accordait toute seule (une Les Paul informatisée ?). Après l'avoir complétement désaccordée, je lui ai demandé de la mettre dans la partie gauche du studio. Quand il a appuyé sur le bouton, elle a fait "Woooow" en cherchant à se ré accorder et s'est calée sur l'accord qui ouvre "Taste of India"(...) nous avons répété la manip à droite et une fois les deux canaux mélangés nous avons obtenu ce son incroyable qui fait penser à la pub THX, mais en mieux !".

La rigueur rythmique que l'on trouve sur ce morceau est apparemment aussi à attribuer au management de Tyler puisque c'est lui qui a convaincu Tom Hamilton d'utiliser une Fretless sur "Hole in my Soul" et qui a aidé à peaufiner les parties rythmiques du groupe, Tyler étant lui même batteur. On se rappelle d'ailleurs dans le "makin of" de Pump combien les tensions entre Tyler et Joey Kramer étaient exacerbées à cause de cela, mais au vu du résultat explosif de la batterie sur "Nine Lives", on ne peut que saluer le travail des deux hommes (cela n'enlève rien au talent de Kramer qui reste un batteur solide et percutant).
Si la facette Hard rock du groupe peine à se frayer un chemin dans ce disque (cela n’empêche pas le groupe d'avoir enregistré avec le morceau titre "Nine lives" un des titres les plus agressifs de leur carrière) on retrouve des excursions réussies dans le blues inquiétant (la magnifique et venimeuse "The Farm"), un "Full Circle" dont la mélodie aurait trés bien pu être composée par Lynyrd Skynyrd et le Jazzy "Ain't that Bitch". Je n'oublie pas évidement l'incroyable "Fallen Angels" (un titre à rallonge comme seul AEROSMITH sait en composer) et les diablement efficaces "Falling in Love (is Hard on the Knees)", le génial "Pink" et l’inoubliable "Hole in my Soul".
Semblant très à l'aise, Tyler chante super bien sur la plupart des titres et se permet même de petites architectures étonnantes qui rajoutent encore plus de jus à sa gouaille habituelle.

Un peu à l'image de l'incroyable artwork et du superbe livret (le groupe n'a jamais fait mieux à mon gout), AEROSMITH nous propose avec cet album une œuvre énigmatique, certainement plus intéressante et profonde que ne le laisse transparaitre les premières écoutes. La qualité d'interprétation de cet album est sans faille et si on sait à présent que la composition n'a pas vraiment été une partie de plaisir pour le groupe, il restera cet album que je trouve personnellement unique dans la carrière du groupe et qui à un petit quelque chose de magique. Un album rare.

Big up à mon cous' qui doit encore avoir le T shirt de "Nine lives" dans son armoire et gros Obrigado au Forl' !"




Rédigé par : Pamalach | 1997 | Nb de lectures : 1889


Auteur
Commentaire
CaptainIgloo
Membre enregistré
Posté le: 20/10/2013 à 09h34 - (30026)
Bonne chronique, merci.

Dernier album transcendant d'Aerosmith.





pute
IP:77.205.69.173
Invité
Posté le: 20/10/2013 à 12h58 - (30032)
Merci pour cette chronique, je partage vos avis. Me rappelle encore de leur passage NPA pour la sortie de l'album. Sacré époque. Sniff.

GabinEastwood
Membre enregistré
Posté le: 20/10/2013 à 15h09 - (30035)
Un excellent d'album d'Aerosmith (bien meilleur que Get a grip, trop surfait et surproduit)

Le dernier classique sorti par le groupe

Falling in love, Pink, Hole in my soul ... sont excellents



sid
IP:80.215.8.170
Invité
Posté le: 30/10/2013 à 19h58 - (30074)
C'est touchant cette nostalgie de pute.

goldbeurk
IP:195.244.180.59
Invité
Posté le: 08/11/2013 à 16h31 - (30115)
On est bien loin de ce qu'ils ont fait après ... un groupe qui aurait du stopper au lieu de sortir les 2-3 derniers albums.

Carpe Diem
Membre enregistré
Posté le: 08/11/2013 à 22h56 - (30116)
Quelle culture aerosmithienne, bravo!
J'adore cet album, il a un je-ne-sais-quoi d'unique. Il représente aussi la fin d'une époque, d'un certain âge d'or musical.
Perso je trippe sur un morceau que personne ne cite, c'est "Kiss Your Past-Goodbye". Aucun mauvais morceau et très varié en plus. C'est accrocheur, ça tue, ce groupe a un goût unique pour la mélodie et quel chanteur!




forlorn
Membre enregistré
Posté le: 09/11/2013 à 01h28 - (30121)
A vrai dire j'ai bien failli chroniquer cet excellent album fin 2012 à la suite de Get a Grip, mais j'ai préféré temporiser. Du coup pamalach a repris le flambeau, avec une belle chronique bien documentée.

Gros fan d'Aerosmith au début des 90s (au point d'acheter presque toute leur disco en quelques mois) j'étais passé à autre chose en 1997 et ça m'a fait un drôle d'effet de renouer avec les Bostoniens. Comme le dit pamalach, artwork/livret sont fantastiques, c'est le must de leur disco.

Concernant la genèse et la conception de Nine Lives, elle a fait couler énormément d'encre, les sources sont abondantes. Voici la chronologie des évènements:
- changement de label (exit Geffen et retour chez Sony/Columbia)
- la dépression du batteur Joey Kramer
- l'embrouille du groupe avec Steven Tyler
- le clash du groupe avec le manager Tim Collins
- changement de lieu et de producteur en cours de route (exit Miami et Glen Balard au profit de New-York et Kevin Shirley).

forlorn
Membre enregistré
Posté le: 09/11/2013 à 01h37 - (30122)
Le changement de label s'est fait à l'amiable simple formalité. Jusqu'ici tout va bien. Par contre pam' permet moi de te reprendre au sujet de Joey Kramer.

Le batteur d'Aerosmith est tombé en dépression AVANT le début des sessions d'enregistrement. Les Bostoniens ont été contraint de faire appel à un musicien de session (Steve Ferrone). Le retour de Joey Kramer est en partie responsable de la refonte de l'album qui a conduit au changement de studio et de producteur.

"Ça a été une période extrêmement difficile pour moi, des problèmes personnels sont remontés à la surface, des problèmes datant de mon enfance, du décès de mon père, tout un tas de trucs douloureux. Une dépression au sens propre du terme. (...) Ça m'est arrivé avant de rentrer en studio et mes partenaires ne pouvaient pas retarder l'enregistrement. Steve Ferrone m'a remplacé le temps que j'aille mieux. Dès le départ on savait que lorsque je serais guéri je referais ses parties. (...) Un mois et demi plus tard je me suis rendu en Floride et on s'est tous rendus compte que ça ne fonctionnait pas. (...) La maison de disque nous a alors conseillé de monter à New-York et de changer, de laisser tomber Glen Balard au profit de Kevin Shirley." Joey Kramer (dans le n°21 de mars 1997 de Hard Rock mag)

forlorn
Membre enregistré
Posté le: 09/11/2013 à 01h56 - (30124)
Pour résumer l'affaire Tim Collins, ce manager n'était plus en phase avec le groupe et il a foutu une belle merde avant de se barrer. Il s'est lui même mis sur la touche en refusant toute discussion, obligeant Aerosmith à le virer. Ce n'est qu'après qu'il a commencé à colporter des rumeurs, ressortir de vieux dossiers adaptés au goût du jour, etc...

Quant à Steven Tyler, il s'est tout simplement trop investi. L'accumulation de problèmes et une situation qui s'enlise lui ont fait péter les plombs mais les Bostoniens ont su surmonter ça pour nous livrer un superbe album (Nine Lives étant le dernier album d'Aerosmith que j'ai écouté/acheté).

forlorn
Membre enregistré
Posté le: 09/11/2013 à 02h15 - (30125)
"Je suis persuadé que la vraie créativité naît de situations conflictuelles." Mille Petrozza de Kreator (dans le n°18 d'octobre 1995 de Hard n' Heavy)

C'est ce qui distingue un Get a Grip conçu dans la facilité à une période où tout leur réussissait, d'un Nine Lives qui s'est nourri de tout ce bordel riche en émotions fortes. Ce 12ème album studio (qui porte parfaitement son titre) renoue avec la richesse et le caractère aventureux de Permanent Vacation et Pump, la modernité et l'agressivité (Crash) en sus. Il repose moins sur les guitares et expose un savoir faire hors norme en matière d'arrangements pour un groupe de (hard) rock.

Avant que j'oublie, certains passages de basse de Tom Hamilton font penser à de la fretless mais en fait il utilise un chapman stick (voir livret). Sinon la ligne de basse que je préfère est sans doute celle du break de Falling Off, digne d'un John McVie (Fleetwood Mac). Je pourrais continuer à gloser longtemps mais mieux vaut abréger. Nine Lives comporte 14 morceaux, voici mes 7 préférés:

Falling in Love (Is Hard on the Knees)
Hole in My Soul
Taste of India
Ain't That a Bitch
Kiss Your Past Good-Bye
Falling Off
Fallen Angels

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