"Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes." Snake Plissken
(réplique inspirée du romancier et journaliste français Alphonse Karr)
Ce qui a changé? Notre rapport à la musique depuis l'arrivée du Net et des nouvelles technologies. Ce qui ne bougera pas?
Le fait d'être conditionné par nos moyens, nos choix et notre rapport au temps.
En parlant de choix, vous vous souvenez de ça?
"Acheter 2 K7 ou un CD? Bah j'en veux toujours plus et je tiens pas en place de toute façon... // Magazines ou CD? Hmmm c'est galère de concilier les 2, j'espère que les samplers sont à la hauteur. // J'ai une looongue liste d'indispensables à récupérer, mais ça me gave d'être à la remorque des autres, faire ses propres découvertes c'est bien aussi. // La sécurité (groupe signé) ou l'aventure (Demo)? Qui sait y a peut-être moyen de dénicher le groupe qui tue, un futur grand."
Voilà vous y êtes. Mon choix du jour? Chroniquer un second couteau méconnu et depuis longtemps disparu, qui plus est sans avoir d'extraits audio/vidéo à vous proposer.
Suis-je le seul Français à avoir acheté cette Demo et à lui avoir trouvé des qualités? Etonnez-moi.
Habitué à dégoter d'excellents trucs via la VPC d'Holy records, j'ai donc misé sur "I" premier enregistrement des Suédois d'Ad Infinitum. Pourquoi ce groupe plutôt qu'un autre? 2 raisons: la mention 'Epic Doom' et 'Gnome' de leurs compatriotes d'Evercry [une merveille du genre (chronique à venir)]. Acheter à l'aveugle nous a valu de ratisser quelques merdes, mais aussi de dénicher quelques perles. 15 ans plus tard, certains ont gravi les échelons, d'autres ont rendu les armes, c'est le jeu. Toujours est-il qu'à moins d'écrire directement aux membres d'Ad Infinitum (en l'occurrence le batteur ou le vocaliste au choix), impossible pour un Français en 1998 de creuser la bio d'un groupe perdu au coeur de l'underground. Quelques années plus tard la donne a changé, l'exercice de la chronique devenant possible. Pour information, des homonymes ont existé. metal-archives référence 3 groupes ayant portés ce nom, notre combo suédois étant le 1er en activité. Ad Infinitum est un terme latin se rapportant à une preuve mathématique mais désigne l'absence de limites dans le cadre du groupe. Voyons maintenant qui se cache derrière le patronyme.
L'histoire démarre à l'hiver 1994/1995 lorsque 3 ex-membres de Deformity, éphémère groupe de death metal basé à Stockholm, se relocalisent et choisissent d'aborder une nouvelle voie. Il s'agit des guitaristes Micke Jakobsson (également ex-Internal Decay) et Kenny Lundstedt, ainsi que du batteur Mikke Nyholm. Le premier cité n'attend pas que le line-up soit complété et entame seul le processus de composition. Quant à Kenny Lundstedt, il prend en charge l'écriture des textes. Le bassiste Janne de Sade (un pseudo?) les rejoint à l'été 1995, avant que le vocaliste Peter Andersson ne cimente le tout en mai 1996. Leurs premiers morceaux étant déjà prêts, quelques mois suffisent aux Suédois pour se roder avant de passer à l'étape de l'enregistrement. En octobre, le quintet investit le studio Subsonic de Stefan Olsson (dont le principal fait d'arme sera le 1er album de Kaamos en 2002). Le résultat "I" mettra plus d'un an avant d'être distribué en France. Au programme une K7 pro en cristal orange (beurk) et un livret sobre avec paroles mais sans visuel ni photo. Ne pas se fier aux apparences...
"I" se compose de 4 longs morceaux (2 par face) aux intitulés on ne peut plus explicites. La solitude, l'isolement, la perte, le chagrin... So sad, so doom. L'entame de So Seemingly Endless dévoile une production de qualité pour un groupe qu'on sent expérimenté et sûr de son fait. La section rythmique impose un tempo lent et pesant, mélodies de grattes finement ouvragées, chant clair medium... le tout évoque au premier abord les Anglais de Solstice (voir ma kro de Lamentations). Ad Infinitum en profite pour nous dévoiler une de ses principales caractéristiques, le dialogue vocal, Peter Andersson croisant régulièrement le fer avec ses guitaristes oeuvrant chacun dans un registre distinct: death ou black. Mais très vite de nombreux changements de rythmes interviennent. Le niveau technique est supérieur et surtout au service d'un feeling parfois à fleur de peau, à l'image du break central avec passage acoustique et solo mélancolique de toute beauté digne d'un Miika Tenkula au meilleur de sa forme. Riche et complexe, la musique d'Ad Infinitum est échafaudée avec soin et totalement progressive dans ses structures. Les guitaristes sont inspirés et généreux, peut-être un peu trop, à l'image du morceau suivant: Ornaments of Grief.
Entre acoustique et riff doom, l'entame de ce second titre nous renvoit au Paradise Lost de Shades of God. On retrouve les fameux échanges vocaux (avec l'apparition du criard), le passage acoustique et toujours de très nombreux changements de rythmes avec une section rythmique solide et très à l'aise. Cependant quelque chose cloche. L'aspect enjoué d'un riff plusieurs fois repris évoque un esprit punk incongru, aspect corroboré par les vocaux où les Suédois n'hésitent pas à lâcher des 'hey, yeah, alright' et le faux-final façon Scoobydoo tout en frénésie et larsens. Ce qu'on supposait se voit ici confirmé, Ad Infinitum est un groupe fougueux qui a du mal à canaliser et trier ses idées. S'ils ont beaucoup à dire, ils en font un peu trop. Mais comme s'ils en étaient conscients, ils se sont efforcés de corriger le tir sur la face B. By the Candlelight (I Wept Alone) démarre avec une partie de piano/claviers rafraichissante (mais jouée par qui?), cédant le pas aux riffs doomysant. D'apparence plus homogène au départ, ce morceau développe les points forts et bémols déjà évoqués, avec un bon travail instrumental. Section rythmique volontaire, guitaristes très complets (riffs, leads, harmonies, soli, acoustique), sans oublier la répartition des vocaux (chant clair, growls, criard). Mais les Suédois pèchent encore par excès de bavardages, en incluant trop d'idées, le final n'ayant plus rien à voir avec le corps du morceau.
The Storyteller conclut cette première Demo de la meilleure des façons. Plus aéré dans sa structure, ce morceau m'apparait plus fluide et digeste tout en apportant un certain nombre d'innovations. Omniprésence de l'acoustique, utilisation d'une rythmique hachée, leads en tapping à la Gregor Mackintosh et basse plus active que jamais. Le spectre du Opeth originel n'est pas loin. Le morceau s'achève dans la morosité, surplombé de choeurs plaintifs. En dépit de certains défauts de jeunesse, "I" dévoile un jeune groupe prometteur disposant de nombreux atouts et qui aurait clairement mérité d'être signé. Je n'ai pas eu l'opportunité de suivre leur évolution à l'époque, il semble qu'ils soient parvenus à réfréner leurs ardeurs en évoluant dans un heavy/gothic alors en pleine expansion. Mais faute de deal, les Suédois poursuivront leur carrière séparément. Après avoir oeuvré dans le thrash et le heavy, le guitariste/compositeur Micke Jacobsson a reformé son premier groupe: Internal Decay. Il peut compter sur le soutien de Kenny Lundstedt. Le batteur Mikke Nyholm est toujours à l'oeuvre dans 2 formations, Vörgus (Thrash Death) et Dysangelic (Heavy Metal). Le bassiste Janne de Sade n'est plus actif de même que le chanteur Peter Andersson. Ce dernier serait apparu en tant que guest chez At The Gates, Odyssey et The Project Hate MCMXCIX, mais avec les homonymes on ne peut être sûr de rien. Quoi qu'il en soit, Ad Infinitum en 1996 c'était bien.
Rédigé par : forlorn | 1996 | Nb de lectures : 1470
'tain, je sors d'une écoute conflictuelle et mitigée du "Vermis" d'Ulcerate...et tu sais quoi, ben ta chro me donne bien envie d'écouter cette démo !
Got a link ?
forlorn Membre enregistré
Posté le: 21/09/2013 à 23h35 - (29856)
J'ai réalisé cette kro à l'ancienne, en faisant tourner ma K7 dans une chaine portable. S'il existe un lien audio quelconque, je ne l'ai pas trouvé. Sorry.
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En parlant de choix, vous vous souvenez de ça?
"Acheter 2 K7 ou un CD? Bah j'en veux toujours plus et je tiens pas en place de toute façon... // Magazines ou CD? Hmmm c'est galère de concilier les 2, j'espère que les samplers sont à la hauteur. // J'ai une looongue liste d'indispensables à récupérer, mais ça me gave d'être à la remorque des autres, faire ses propres découvertes c'est bien aussi. // La sécurité (groupe signé) ou l'aventure (Demo)? Qui sait y a peut-être moyen de dénicher le groupe qui tue, un futur grand."
Voilà vous y êtes. Mon choix du jour? Chroniquer un second couteau méconnu et depuis longtemps disparu, qui plus est sans avoir d'extraits audio/vidéo à vous proposer.
Suis-je le seul Français à avoir acheté cette Demo et à lui avoir trouvé des qualités? Etonnez-moi.
Habitué à dégoter d'excellents trucs via la VPC d'Holy records, j'ai donc misé sur "I" premier enregistrement des Suédois d'Ad Infinitum. Pourquoi ce groupe plutôt qu'un autre? 2 raisons: la mention 'Epic Doom' et 'Gnome' de leurs compatriotes d'Evercry [une merveille du genre (chronique à venir)]. Acheter à l'aveugle nous a valu de ratisser quelques merdes, mais aussi de dénicher quelques perles. 15 ans plus tard, certains ont gravi les échelons, d'autres ont rendu les armes, c'est le jeu. Toujours est-il qu'à moins d'écrire directement aux membres d'Ad Infinitum (en l'occurrence le batteur ou le vocaliste au choix), impossible pour un Français en 1998 de creuser la bio d'un groupe perdu au coeur de l'underground. Quelques années plus tard la donne a changé, l'exercice de la chronique devenant possible. Pour information, des homonymes ont existé. metal-archives référence 3 groupes ayant portés ce nom, notre combo suédois étant le 1er en activité. Ad Infinitum est un terme latin se rapportant à une preuve mathématique mais désigne l'absence de limites dans le cadre du groupe. Voyons maintenant qui se cache derrière le patronyme.
L'histoire démarre à l'hiver 1994/1995 lorsque 3 ex-membres de Deformity, éphémère groupe de death metal basé à Stockholm, se relocalisent et choisissent d'aborder une nouvelle voie. Il s'agit des guitaristes Micke Jakobsson (également ex-Internal Decay) et Kenny Lundstedt, ainsi que du batteur Mikke Nyholm. Le premier cité n'attend pas que le line-up soit complété et entame seul le processus de composition. Quant à Kenny Lundstedt, il prend en charge l'écriture des textes. Le bassiste Janne de Sade (un pseudo?) les rejoint à l'été 1995, avant que le vocaliste Peter Andersson ne cimente le tout en mai 1996. Leurs premiers morceaux étant déjà prêts, quelques mois suffisent aux Suédois pour se roder avant de passer à l'étape de l'enregistrement. En octobre, le quintet investit le studio Subsonic de Stefan Olsson (dont le principal fait d'arme sera le 1er album de Kaamos en 2002). Le résultat "I" mettra plus d'un an avant d'être distribué en France. Au programme une K7 pro en cristal orange (beurk) et un livret sobre avec paroles mais sans visuel ni photo. Ne pas se fier aux apparences...
"I" se compose de 4 longs morceaux (2 par face) aux intitulés on ne peut plus explicites. La solitude, l'isolement, la perte, le chagrin... So sad, so doom. L'entame de So Seemingly Endless dévoile une production de qualité pour un groupe qu'on sent expérimenté et sûr de son fait. La section rythmique impose un tempo lent et pesant, mélodies de grattes finement ouvragées, chant clair medium... le tout évoque au premier abord les Anglais de Solstice (voir ma kro de Lamentations). Ad Infinitum en profite pour nous dévoiler une de ses principales caractéristiques, le dialogue vocal, Peter Andersson croisant régulièrement le fer avec ses guitaristes oeuvrant chacun dans un registre distinct: death ou black. Mais très vite de nombreux changements de rythmes interviennent. Le niveau technique est supérieur et surtout au service d'un feeling parfois à fleur de peau, à l'image du break central avec passage acoustique et solo mélancolique de toute beauté digne d'un Miika Tenkula au meilleur de sa forme. Riche et complexe, la musique d'Ad Infinitum est échafaudée avec soin et totalement progressive dans ses structures. Les guitaristes sont inspirés et généreux, peut-être un peu trop, à l'image du morceau suivant: Ornaments of Grief.
Entre acoustique et riff doom, l'entame de ce second titre nous renvoit au Paradise Lost de Shades of God. On retrouve les fameux échanges vocaux (avec l'apparition du criard), le passage acoustique et toujours de très nombreux changements de rythmes avec une section rythmique solide et très à l'aise. Cependant quelque chose cloche. L'aspect enjoué d'un riff plusieurs fois repris évoque un esprit punk incongru, aspect corroboré par les vocaux où les Suédois n'hésitent pas à lâcher des 'hey, yeah, alright' et le faux-final façon Scoobydoo tout en frénésie et larsens. Ce qu'on supposait se voit ici confirmé, Ad Infinitum est un groupe fougueux qui a du mal à canaliser et trier ses idées. S'ils ont beaucoup à dire, ils en font un peu trop. Mais comme s'ils en étaient conscients, ils se sont efforcés de corriger le tir sur la face B. By the Candlelight (I Wept Alone) démarre avec une partie de piano/claviers rafraichissante (mais jouée par qui?), cédant le pas aux riffs doomysant. D'apparence plus homogène au départ, ce morceau développe les points forts et bémols déjà évoqués, avec un bon travail instrumental. Section rythmique volontaire, guitaristes très complets (riffs, leads, harmonies, soli, acoustique), sans oublier la répartition des vocaux (chant clair, growls, criard). Mais les Suédois pèchent encore par excès de bavardages, en incluant trop d'idées, le final n'ayant plus rien à voir avec le corps du morceau.
The Storyteller conclut cette première Demo de la meilleure des façons. Plus aéré dans sa structure, ce morceau m'apparait plus fluide et digeste tout en apportant un certain nombre d'innovations. Omniprésence de l'acoustique, utilisation d'une rythmique hachée, leads en tapping à la Gregor Mackintosh et basse plus active que jamais. Le spectre du Opeth originel n'est pas loin. Le morceau s'achève dans la morosité, surplombé de choeurs plaintifs. En dépit de certains défauts de jeunesse, "I" dévoile un jeune groupe prometteur disposant de nombreux atouts et qui aurait clairement mérité d'être signé. Je n'ai pas eu l'opportunité de suivre leur évolution à l'époque, il semble qu'ils soient parvenus à réfréner leurs ardeurs en évoluant dans un heavy/gothic alors en pleine expansion. Mais faute de deal, les Suédois poursuivront leur carrière séparément. Après avoir oeuvré dans le thrash et le heavy, le guitariste/compositeur Micke Jacobsson a reformé son premier groupe: Internal Decay. Il peut compter sur le soutien de Kenny Lundstedt. Le batteur Mikke Nyholm est toujours à l'oeuvre dans 2 formations, Vörgus (Thrash Death) et Dysangelic (Heavy Metal). Le bassiste Janne de Sade n'est plus actif de même que le chanteur Peter Andersson. Ce dernier serait apparu en tant que guest chez At The Gates, Odyssey et The Project Hate MCMXCIX, mais avec les homonymes on ne peut être sûr de rien. Quoi qu'il en soit, Ad Infinitum en 1996 c'était bien.
Rédigé par : forlorn | 1996 | Nb de lectures : 1470