C'est l'histoire de 2 metalleux français découvrant une scène underground en pleine ébullition. Enthousiasmés par les débuts de Morbid Angel et Paradise Lost, ils fondent en mars 1992 une structure associative qui va lentement mais surement gravir les échelons, au point de devenir (pendant un temps) l'un des principaux moteurs de l'underground européen. Reconnu pour son professionnalisme et son flair, grand pourvoyeur de groupes créatifs et originaux, ce label a profondément marqué les témoins de son âge d'or (1995-1999). Vous savez déjà de qui je parle, Séverine et Philippe d'Holy records. Découverts grâce au tape-trading et à des compilations, des titres tels que Maudit sois-tu Soleil, Le Roman Noir et Iris (And the Burning Aureole)... m'ont conduit à devenir Holy maniac. L'apparition de Metallian m'a encouragé à me tourner vers leur service VPC, en particulier grâce à l'ajout d'un sampler dès la rentrée 1996. Ma première commande passée chez Holy records comprenait cette fameuse Holy Bible, une compilation qui mérite l'hommage d'une chronique.

L'utilisation d'internet a bouleversé nos habitudes de façon irréversible, à tel point que la plupart des compilations sont aujourd'hui considérées inutiles. Mais il y a 20 ans, en l'absence du web et des samplers, ces enregistrements représentaient une opportunité, une mine de découvertes à moindre frais. Il n'était d'ailleurs pas rare que des compilations squattent (à raison) les premières places des charts, comme la fameuse BO du film Last Action Hero sorti en 1993 ou Nativity in Black, le tribute à Black Sabbath paru en 1994. En ce qui me concerne, la Holy Bible de Séverine et Philippe est du même acabit. Manuel Rabasse vous la présente: "On connait le soin quasi-maniaque que Holy Records accorde à chacune de ses sorties, préférant concentrer toutes ses forces sur une ou 2 parutions trimestrielles plutôt que de disperser son énergie sur une multitude d'éditions bâclées. (...) Cette compilation ne renferme que des titres inédits enregistrés pour l'occasion et qui reflètent cette diversité dans l'extrême si caractéristique." extraits de sa chronique dans le n°26 de Hard n' Heavy (été 1996)

En 1996 le catalogue Holy records se composait de 10 groupes de provenances et de styles divers, mais tous marqués du sceau du label. Notez qu'à l'exception de Misanthrope et Septic Flesh, tous ont débuté leur carrière chez eux. Je le remarquerais quelques années plus tard, mais la plupart des groupes quittant Holy Records connaitront d'importants déboires ou un split prématuré. Enfin toujours est-il que le roster de l'époque avait de la gueule et beaucoup à offrir. Une fois de plus vous n'échapperez pas à un track by track de circonstance.

1/ YEARNING (Finlande) - Autumn Funeral: voir ICI
Holy Records lance les hostilités de façon audacieuse avec sa nouvelle signature dont la discographie se résume alors à une unique Demo enregistrée sous un autre patronyme (Flegeton). Inconnus, les Finlandais de Yearning ne le resteront pas, ce morceau faisant sensation, au point de voler la vedette aux poids lourds du label. Leur doom épique, remarquablement construit et arrangé (guitare acoustique, claviers, flute), surplombé par un Juhani Palömaki alternant chant clair et growls, m'a impressionné. Un morceau qui a tourné en boucle en attendant leur magnifique 1er album With Tragedies Adorned paru 6 mois plus tard (janvier 1997). Cette Holy Bible commence très fort.

2/ NIGHTFALL (Grèce) - Black Leather Cult: voir ICI
Pourtant très client du groupe, cet inédit m'a fait l'effet d'une Demo mal dégrossie. De surcroît enregistré en 2 temps (juin 95 puis avril 96), ce morceau est bizarrement produit avec en plus l'ajout d'une ambiance live en début et fin de plage. Black Leather Cult est le dernier morceau de leur période 'epic war metal'. C'est aussi le premier avec Jim Agelopoulos qui remplace leur guitariste originel Chris Adamou. Loin d'imaginer leurs errements stylistiques à venir, beaucoup s'attendaient à mieux. La fin d'une époque.

3/ SERENITY (Angleterre) - Skin of the Soul: voir ICI
Auteur d'un premier album crédité de la mention 'peut mieux faire', ces ex-Solstice et amis d'enfance d'Aaron Aedy (guitariste rythmique de Paradise Lost) vous présentent à l'occasion de ce titre leur nouveau bassiste. Pour la petite histoire, c'est le morceau The Way I Bleed qui était prévu. Conscient de son potentiel le groupe se ravisera en offrant ce Skin of the Soul, à mi-chemin entre l'école doom trad. 80s et celle plus gothique du trio de Peaceville. Malgré ses progrès, le chanteur Daniel Savage divisait toujours l'opinion.

4/ ORPHANED LAND (Israel) - Disciples of the Sacred Oath: voir ICI
En comparaison des morceaux figurants sur leur somptueux 2ème album, cet inédit est plus agressif et compact, ce qui n'empêche pas leur doom/death d'être riche en changements de rythmes et en arrangements discrets mais judicieux (vocoder, percus, claviers, violons). Du gros boulot avec également des passages de chant en arabe extraits du Coran pour Kobi Farhi (appelé Kobi Jacob en page centrale du livret). Ce titre est désormais inclus en bonus de la réédition 2006 du fameux El Norra Alila. L'un des temps forts de la compil.

5/ ELEND (France/Autriche) - Birds of Dawn: voir ICI
Après 2 albums de dark symphonique luciferien, le duo fondateur d'Elend n'est pas satisfait de sa collaboration avec Holy Records. Voici l'un des derniers morceaux composés chez eux (Weeping Nights étant une compilation). Birds of Dawn présente un néo-classique torturé surplombé de chant lyrique féminin et déclamatoire masculin muant parfois en hurlements démoniaques. Elend? Un groupe ambitieux et respecté. Notez que Birds of Dawn figure en bonus de la réédition 2001 du 2ème album: Les Ténèbres du Dehors.

6/ ON THORNS I LAY (Grèce) - The Higher Color of Mind (Wrong is Right): indisponible
A l'image de son intitulé nawakesque, cet inédit révèle un jeune groupe sans complexe oeuvrant dans la continuité de son 1er album Sounds of Beautiful Experience. Se disant influencés par le Almost a Dance de The Gathering (pourtant enregistré sous la contrainte avec 2 vocalistes parachutés en catastrophe), les Grecs nous offrent un titre répétitif dominé par les piano/claviers et la section rythmique, avec en point d'orgue un super solo de basse slappée tout à fait hors de propos. Ce délire funky est incongru et sans rapport avec le doom/death aquatique à venir de leur excellent 2ème album Orama.

7/ TRISTITIA (Suède) - Prelude of Solitude: indisponible
Fan du Tristitia originel (comprendre les 2 premiers albums avec Thomas Karlsson au chant), je considère cet inédit comme l'un de leurs meilleurs morceaux. Ecarté du tracklisting originel de One with Darkness, il sera intégré à sa réédition en 2005. On retrouve toutes les composantes spécifiques et essentielle du groupe, des sublimes arrangements de guitare (leads, soli, arpèges) de Luis B. Galvez aux vocaux très travaillés de Thomas Karlsson (alternant gobelin et ténor), avec un break de violoncelle. L'un des meilleurs titres de la compil.

8/ MISANTHROPE (France) - Rêve Lézardé: voir ICI
Contemporain du 3ème album 1666 Theatre Bizarre, ce morceau de SAS dévoile l'entité Misanthrope dans sa période progressive et climatique. Instrumentalement dominé par Jean-Jacques Moreac (basse et guitare acoustique 12 cordes), Rêve Lézardé satisfera les aventuriers et autres fans du groupe, même si les parties de batterie, signées Damien Thorns, sonnent plus comme une BAR qu'autre chose (problème également rencontré par Costas Savidis avec Nightfall et Septic Flesh). Notez que Rêve Lézardé ne figure ni sur Recueil d'Écueils ni sur Misanthro-thérapie et reste donc inédit. Pauvre lézard...

9/ GODSEND (Norvège) - Wolf's Den: indisponible
Voici Gunder Audun Dragsten dans sa période doom 70s accompagné par le line-up de son 2ème album, In the Electric Mist. Les plus avisés auront notamment reconnu Tom Wahl (futur Bethzaida et Antidepressive Delivery) ainsi que Tommy Sebastian Halseth (futur Atrox et Manes). Comme pour le Black Leather Cult de Nightfall, ce morceau se voit encadré de samples live qui me laissent dubitatif. D'ailleurs Wolf's Den est probablement la seule offrande de la compil à ne pas être véritablement inédit, puisqu'il s'agit d'une relecture de Slay Dream, morceau figurant sur la Demo de 1992. Pas mauvais mais peut mieux faire Gunder.

10/ SEPTIC FLESH (Grèce) - Woman of the Rings: voir ICI
Accaparé par ses études de musicologie en Angleterre, Chris Antoniou n'était pas encore de retour au bercail. Le line-up de Septic Flesh se résume donc à Spiros et Sotiris, avec Kostas (Costas Savidis de Nightfall) comme batteur de session. Cet inédit leur a permis de tester les possibilités d'un nouveau studio (le Praxis). Musicalement on découvre un groupe en progression, creusant les nuances, développant les contrastes et accordant une attention toute particulière au chant désormais mixé en avant. Remasterisé, Woman of the Rings sera au menu de l'EP The Eldest Cosmonaut en 1998 avant d'apparaitre sur la réédition 2013 d'Esoptron.

En conclusion, si les rééditions et le streaming ont retiré son caractère indispensable à ce premier volume des Holy Bible, personne ne pourra nier son impact et ses conséquences. A l'époque Holy Records avait une identité forte et la plupart de ses productions pouvaient être achetées les yeux fermés. Le simple tracklisting de cette compilation constituait déjà en soi un argument suffisant. Mon podium personnel? Yearning, Septic Flesh et Orphaned Land. Comme le dirait panzerfaust: un label et une époque formidables qui nous ont marqué à vie, qui font partie de nous et sur lesquels on revient très, très souvent. Merci Séverine. Merci Philippe.


Rédigé par : forlorn | 1996 | Nb de lectures : 1961