Attendez une nuit orageuse, éteignez les lumières, allumez deux ou trois bougies afin d’obtenir une ambiance sombre et tamisée, munissez-vous de votre robe de blasphémateur préférée et installez-vous pour écouter cet album digne d’une BO de film d’horreur… C’est ce que nous promet Agathon.

Nous sommes en 1998 et la scène Black traditionnelle est en mauvaise posture, fragilisée, les trve hurlent même au scandale. EMPEROR a déjà sorti 2 excellents albums dévoilant une certaine 'prédisposition symphonique' (claviers abondants, violons). Et comme si ce n’était pas assez, la horde anglaise de CRADLE OF FILTH s'impose avec son mémorable « Dusk… and Her Embrance », trop commercial au goût de certains. Ce n’était qu'un début… Quelque part en Finlande un certain « Agathon », fan de VENOM et de BATHORY, se prépare à hurler sa rage et sa haine du christianisme par le biais d’un album qui va en étonner plus d’un... Mais avant toute chose, il est intéressant de noter qu'Agathon a officié dans bon nombre de formations par le passé, généralement en tant que batteur. Les plus anciens se souviennent peut-être de AIRDASH, groupe de speed/trash très populaire en Finlande à la fin des années 80 aux côtés de STONE. Rien que ça. Par la suite Agathon rejoindra notamment THY SERPENT et SOULGRIND avant de se décider à créer son groupe.

GLOOMY GRIM née en 1995 et se limite au départ à des idées exprimées sur PC (ne nous énervons pas) avec le désir de créer quelque chose de nouveau. En effet l’heure n’est plus au heavy ni même au black metal. Désormais il s'agit de développer un univers propre où la priorité est donnée aux claviers. Sortie l'année suivante, sa première démo « Fuck The World, Kill The Jehova!” développe une histoire personnelle, avec des paroles sombres et mystiques. Un style embryonaire et limité mais déjà personnel. L'emblématique « Friendship Is Friendship, War Is War », est lui enregistré avec d'autres musiciens. Désormais introuvable (à tel point qu’Agathon a remercié un fan de l’avoir mise sur le net) cette deuxième démo a convaincu Holy Records de signer GLOOMY GRIM. L'enregistrement de « Blood, Monsters, Darkness » s'effectue en décembre 1997 au MD Studio d'Helsinki. Pour ce premier album Agathon s'est entouré de Whisper Lilith, sa blonde échevelée de l’époque, et quelques potes, Caesar à la basse ainsi que Lord Morgoth et Lord Heikkinen aux guitares. L'album sort le 6 juin 1998, jour du trentième anniversaire d’Agathon. Ce premier opus comporte des versions retravaillées de morceaux issus des démos ainsi que 4 inédits: "Children of the Underworld", "Crucifixion", "The Summoning" et "Ocean of Candle".

Véritable découvreur de talents à l’époque, Holy Records n’hésite pas à investir sur GLOOMY GRIM, qui fait la couverture de leur catalogue VPC du printemps 1998 (en compagnie de SEPTIC FLESH). L'interview nous apprend qu'Agathon joue dans plusieurs groupes, chacun étant dirigé par un unique compositeur, le reste des musiciens n'étant que des « exécutants ». Il en profite également pour nous présenter sa future femme, Whisper Lilith, la voix féminine de l’album. Hormis la communication, on note le soin particulier apporté au packaging par Holy Records. Etui carton, pochette très sombre montrant un pentacle en feu, pentacle qui selon les dires d’Agathon représente l’antithèse de l’homme. Le cd se trouvant sous cet étui a lui aussi un sombre artwork ou l’on peut distinguer un crâne et ce qui semble être entouré de toiles d’araignées. A ce propos Agathon suggère de le regarder la nuit, si possible à la bougie afin d'en découvrir les sombres recoins ! Enfin la boucle est bouclée en voyant l’artwork sur le cd, qui représente un Jesus Christ barré, à la manière d’un panneau d’interdiction. C’est bien joli tout ça mais il vaut quoi ce cd ?

Les hostilités sont lancées avec « War », premier titre de l’album qui débute avec un brillant nappage de claviers mettant en place une ambiance digne d’un film d’horreur, avant l'apparition des vocaux d'Agathon (« Like Pack of Wolves, We hunted our preys at Nights »), souvent comparés à ceux d’Abbath d’IMMORTAL. Les paroles, belliqueuses, malveillantes et ouvertement satanistes surplombent des bruitages d’ambiance et de lourds riffs de guitares, suscitant un sentiment d’horreur. L'association de riffs et de claviers guident l’auditeur dans l’univers de GLOOMY GRIM. Nul besoin de nous en mettre plein la vue avec des accélérations et autres blasts tous plus violents les uns que les autres, le titre est bien composé et la boite à rythme, qui remplace la batterie, fonctionne à merveille.
Trois éléments ont déjà dû en agacer certains: les paroles, les claviers ainsi que la boite à rythme qui a la part belle sur cet album. Chacun de ces éléments a été vivement critiqué à l'époque. Les paroles, très directes, ont fait passer GLOOMY GRIM pour une vilaine parodie de Black Metal, bien avant FADADES. Quant à l’utilisation« excessive » des claviers, c'est un parti-pris. Agathon a aussi délibérément choisi d’utiliser une boite à rythme, et non une batterie car cette dernière n’était pas en mesure de produire le résultat escompté, un comble pour un batteur ! Il changera toutefois d'avis quelques temps plus tard... Pour la petite histoire TARTAROS utilisera également une boite à rythme pour son stupéfiant « The Grand Psychotic Castle » peu après.

Le reste de l’album est à l'avenant, avec des structures de morceaux inchangées. La voix angélique de Whisper Lilith au début de « Blood » offre un contraste intéressant avec celle d'Agathon, proche du concept de « La belle et la bête ». Contraste également opposant les claviers symphoniques à des guitares menaçantes alternant riffs lents (presque doom) et mid-tempo. « Children of the Underworld » semble être l’un des morceaux les plus sombres. Ce n’est surement pas un hasard s'il fut choisi pour être l’un des premiers clips de GLOOMY GRIM.
Neuf titres au total et nulle trace de lassitude ou de monotonie de mon côté. L'écoute est facile, agréable. « Over the Mountain », reprise d’Ozzy Osbourne, apporte une coloration heavy metal inattendue. Cette reprise, plutôt correcte, nous rappelle d'où vient Agathon, c'est un hommage à ses racines. Le dernier titre, d’une longueur de 13 minutes renferme un « bonus » plutôt dispensable, concluant l'album sur une « fausse note ».

Pourquoi ai-je décidé de chroniquer cet album ? Quasiment 15 ans après sa sortie, le 6 juin 1998, il m’est toujours facile de me rappeler de cet album ainsi que ses mélodies, même si la mode du black symphonique battait son plein à l'époque (DIMMU BORGIR nous offrant un excellent « Enthrone Darkness Triumphant » ou CRADLE OF FILTH nous régalant avec « Dusk… and Her Embrace »). Heureusement pour les puristes, DARK FUNERAL sortait un costaud « Vobiscum Satanas ». Provocateur dans ses paroles et efficace dans ses arrangements, GLOOMY GRIM tenait là un « nouveau concept », développant un climat angoissant. Blood Monster Darkness s’écoula à plus de 20 000 exemplaires, ce qui n’est pas rien pour un album faisant la part belle aux claviers plutôt qu'aux guitares.

Agathon confiera plus tard qu’il avait crée GLOOMY GRIM car le Black Metal tournait en rond, (dans le genre sa formation favorite reste IMMORTAL). GLOOMY GRIM avait pour but de briser les repères établis et ce fût à mon sens un pari réussi. Surenchère ou non, Agathon signe ici un album phare, doté d’une ambiance digne d’un Lucio Fulci. Certains ont regretté l'évolution d’Agathon, qui a su mettre à profit son expérience pour créer un genre nouveau. Blood Monster Darkness a fait du bruit à sa sortie et a conservé sa fraîcheur, c’est un peu comme s’il y avait un avant et un après GLOOMY GRIM.

CHARGE BLOOD WAR DIE !


Rédigé par : Strat | 1998 | Nb de lectures : 2374