ASHTAR - Urantia (Rock Symphony/Musea) - 15/06/2013 @ 22h41
Lorsqu'on associe Metal et Brésil, 3 noms nous viennent spontanément à l'esprit: Sepultura, Angra et Krisiun. Mais beaucoup s'en tiennent à ces incontournables références sans avoir la curiosité d'aller plus loin. Heureusement la scène sud-américaine a toujours fait fi de ce manque de considération, portée par des metalleux démerdards et enthousiastes. Le Brésil n'a jamais manqué de groupes dignes d'intérêt, à l'instar de la génération '1983-85' (Ratos de Porão, Overdose, Sarcófago, Viper...). L'arrivée d'internet aurait pu leur offrir une meilleure visibilité, mais ça n'a pas été le cas. Ce qui nous amène à l'énigme du jour: comment découvrir un groupe ne disposant d'aucun support promotionnel chez nous (même pas via la VPC)? La réponse est simple: grâce au hasard et à la chance. Je ne risque pas d'oublier la façon dont j'ai découvert Ashtar. Victime d'un drame familial, un ami m'a offert son pass (et l'hébergement) pour un petit festival metal/prog dont Anathema était l'une des têtes d'affiche. Touché par sa situation autant que par sa générosité, je ne m'attendais pas non plus aux péripéties et au road trip que j'allais vivre ce week-end là. Mais trêve de blabla, des présentations s'imposent.

Ashtar est une ancienne divinité asiatique affiliée à Vénus et à l'eau (symboles de fertilité). C'est aussi le nom d'une secte ufologique fondée à la fin des années 40, prétendant être en relation avec une civilisation extraterrestre qui surveillerait nos faits et gestes. Mais Ashtar c'est surtout le patronyme choisi en 1997 par un jeune trio basé à Rio de Janeiro: Luiz A. Garcia (guitares/chant), Daniel Dobbin (batterie/percus) et Pedro I. Salles (basse/claviers). En dépit d'un intérêt marqué pour le rock progressif, les Brésiliens débutent dans le doom metal. Il faut ensuite 2 ans à Ashtar pour compléter et stabiliser son line-up. Le guitariste Thiago Guimarães et le claviériste Breno Aouila les rejoignent, avant que la chanteuse Fernanda G. Mesquita ne change considérablement la donne. Initié par son père à la musique celtique et passionné par ces cultures (notamment Irlande et Ecosse), Luiz A. Garcia n'attendait qu'une occasion pour intégrer ces influences à Ashtar. En Fernanda il trouve la complice idéale, cette dernière étant elle aussi investie dans la folk music. De son côté, désireux de composer sans avoir à faire de compromis, Pedro I. Salles entreprend en 2000 un side-project: Avec Tristesse.

A cette époque, le succès grandissant de la scène folk metal ne pouvait qu'encourager ces jeunes musiciens à lâcher la bride à leur inspiration. Certains trouveront peut-être curieux que des Brésilien privilégient un autre folklore que le leur, mais à bien y réfléchir, les points communs entre cultures celtique et latine sont nombreux: joie de vivre et convivialité, spiritualité et respect des traditions, goût prononcé pour les percussions et les danses... Ashtar n'est d'ailleurs pas un cas isolé, à l'instar de leurs compatriotes de Tuatha de Danann, ou de groupes argentins comme Skiltron et Tengwar. Il s'agit d'un engouement durable, d'une véritable passion allant bien au delà d'un simple effet de mode. Mais assez de digressions et revenons à Ashtar, alors occupé à l'élaboration de son 1er album. 3 années leur seront nécessaires (de décembre 1999 à juillet 2002) pour composer et enregistrer Urantia. Nouveau point culture, Le Livre d'Urantia est un best-seller de plus de 2 000 pages à vocation spirituelle et philosophique rédigé par un ou plusieurs auteurs inconnus entre 1924 et 1955. A noter que le mot Urantia désigne la Terre. Un tel titre nous laisse imaginer un album-concept, mais l'usage de ce terme est symbolique, le groupe ne faisant pas directement référence à cet ouvrage dans ses textes.

Pour être franc, le visuel d'Urantia est particulièrement repoussant, ainsi que le picture-disc. Si j'avais croisé l'album dans les bacs je ne lui aurais accordé aucune attention. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences. Cela dit les Brésiliens compensent avec un livret détaillé. Outre les textes, chaque morceau possède quelques lignes explicatives rédigées par les 2 principaux compositeurs, Luiz A. Garcia et Pedro I. Salles. Une bonne initiative qui nous permet de constater l'engouement du guitariste/chanteur pour l'Ecosse (Arriving at Skye, Children of the Mist) ou encore l'emprunt d'un air traditionnel américain (Amazing Grace) interprété à la cornemuse par un invité, Anderson Muniz. Urantia se compose de 11 plages alternant instrumentaux assez courts et morceaux plutôt longs, 4 d'entre eux dépassant allègrement les 9 minutes. Parfaitement intégrés à l'ensemble, les 6 interludes introduisent idéalement les morceaux principaux. Les claviers et autres samples instaurent une atmosphère onirique et spirituelle, accentuée par les divers flutiaux assurés par Luiz A. Garcia, et la présence de guests à la cornemuse et au violon (signé Clota de Oliveira). Si on devait s'en tenir à ses plages impaires, Urantia serait un album instrumental de folk celtique avec une louche d'ambiant. Mais évidemment ce n'est pas tout.

Urantia, Druid Dream, Children of the Mist, Oblivious Scars et Nemesis forment le corps de l'album. En mélangeant rock progressif, musique celtique et metal, les membres d'Ashtar dévoilent un potentiel intéressant, même si les éléments metal sont clairement les moins maîtrisés, ceux par qui le bat blesse. Sur le plan vocal, le chant lead de Fernanda G. Mesquita est agréable et parfaitement mixé. C'est l'une des satisfactions d'Urantia, à l'inverse des vocaux extrême qui se font parfois entendre. Ils n'ont pas leur place et plombent l'ensemble. Luiz A. Garcia et Pedro I. Salles sont plus utiles en chant clair, à l'image des choeurs à la fin de Children of the Mist ou de l'excellent break central d'Oblivious Scars. Musicalement très riche, cet album réserve son lot de surprises. De l'onirisme mélancolique ouvrant l'album au caractère festif de Druid Dream, de la rythmique frénétique concluant Oblivious Scars aux leads 'gilmouriens' de Nemesis, Urantia est une terre de contrastes qui ne demande qu'à être explorée et conquise. Légèrement rustique, la production est à la hauteur, mettant aussi bien en valeur le chant que l'instrumentation. Un bon visuel et des parties metal un peu plus subtiles, c'est ce qu'il a manqué aux Brésiliens pour faire d'Urantia un grand album. Mais pour un 1er essai c'est du bel ouvrage.

Cependant le claviériste Breno Aouila quitte Ashtar peu après, de même que Pedro I. Salles privilégiant son autre projet. Pedro Guimarães (claviériste et frère du guitariste Thiago) et Fábio Guilherme (basse) les remplacent.
C'est cette incarnation du groupe que j'ai eu l'opportunité de rencontrer en 2004 en première partie d'Anathema à Lormont (banlieue bordelaise et accessoirement patrie de Christophe Dugarry). Je garde le souvenir de musiciens assez jeunes venus avec leurs copines (miam) et un merchandising tenu par leurs parents. Une tribu sympathique et portée sur l'échange, certains parlant quelques mots de français. Mais les changements de line-up vont se poursuivre jusqu'en 2006, Fernanda G. Mesquita quittant Ashtar après la sortie d'un EP nommé Soaring.
Sa remplaçante, Paula Mineoka, n'a à ce jour pour seul fait d'arme qu'une décevante reprise d'Ulver enregistrée pour un tribute (audible sur myspace). Luiz A. Garcia et le batteur Daniel Dobbin sont les derniers rescapés de l'époque Urantia.

Si vous aimez la musique celtique, le progressif à la Pink Floyd et le metal européen mid-90s (celui de Mandylion et d'Eternity), vous êtes susceptible d'apprécier cet unique album des Brésiliens d'Ashtar. Merci pour eux.

PS: Cette chronique est dédicacée à Ryu.




Rédigé par : forlorn | 2002 | Nb de lectures : 1853


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Commentaire
vincesnake
Membre enregistré
Posté le: 16/06/2013 à 18h21 - (29457)
La kro m'a donné envie et l'extrait en écoute est pas mal du tout; c'est très riche et intéressant.

La voix féminine est superbe, il y a juste un bémol sur les parties Metal (comme tu l'a précisé) sauf que c'est plus sur le son que j'insisterai car leurs efficacités sont indéniables.

Dommage que ça soit pas plus connu.



Mess
IP:109.16.80.133
Invité
Posté le: 18/06/2013 à 15h37 - (29462)
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Ashtar est un groupe qui a du potentiel. Certes ce 1er album est perfectible, notamment au niveau de la production et des parties saturées.

C'est un mélange exquis d'une beauté pure et fragile associé à des rythmes endiablés et efficaces. Au delà de la musique, cet album est un véritable bol d'air frais.

Merci pour la chronique, c'est toujours un régal. Et encore merci pour la découverte, il y a de ça plusieurs années désormais.

Je prends toujours autant de plaisir à l'écouter avec le temps. J'encourage tout le monde à tester le lien, ça serait dommage de passer à côté.

forlorn
Membre enregistré
Posté le: 07/10/2015 à 10h54 - (31755)
AMHA cet album d'Ashtar mériterait un peu plus de considération.
Morceaux choisis: Oblivious Scars et Nemesis

Notez que les Brésiliens ont officiellement splitté en 2014, pour mieux se relancer sous le patronyme de Starfolks. Un album est en préparation.
Surveillez les news VS.

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