Évoquer "Légion" en ne parlant que de musique, c'est oublier l'énorme impact qu'ont eut les actes et l'image du groupe sur la carrière de DEICIDE et sur les ventes records de cet album (Plus de 400.000 exemplaire). Et pour comprendre pourquoi cet album est pour certains fans toujours considéré comme le meilleur album de DEICIDE, un petit retour en arrière s'impose.

Formé sur les cendres d'AMON, les frères Hoffman, et les délicats Asheim et Benton avaient balancé dés 1990 et à la face d'un monde incrédule, "Deicide", le premier brulot de leur carrière blasphématoire.
Brutal pour l'époque, le disque se caractérisait par une férocité musicale assez sauvage, la voix de son chanteur (une superposition de guttural et de criard) et bien sur, le jusqu'au boutisme des paroles, foncièrement anti-chrétiennes et pour le moins radicales.
Pendant toute la période qui suivra la sortie du premier album jusqu’à "Légion", de nombreux événements viendront alimenter la légende du groupe.
Et si DEICIDE a pu bénéficier d'une telle aura, c'est qu'à l'époque internet n'existait pas, ce qui a permis aux rumeurs les plus folles de traverser l'Atlantique pour arriver chez nous. Et comme il n'était pas toujours évident de savoir lesquelles étaient vraies, DEICIDE est devenu rapidement le groupe le plus Evil et intriguant qui soit.

En ce qui me concerne, j'ai entendu parler du groupe avant d'en entendre sa musique.
Comme pour beaucoup de metalleux à l'époque, je profitais en plus des magasines de "réseaux" qui nous permettaient, mes potes et moi, d'avoir accès à des vidéos la plupart du temps compilées par des mecs qui avaient accès aux chaines étrangères.
De cette façon, j'ai vu les premiers clips de CANNIBAL et aussi les premières images de DEICIDE. Pour ceux qui connaissent, c'était un extrait d'une interview de Benton illuminé par des lights rouges, la croix renversée bien visible sur son front, le regard complètement halluciné et un discours (pour ce que j'en comprenais) totalement allumé et assez inquiétant. A partir de là nous avons commencé à nous intéresser au combo, on entendait régulièrement une anecdote plus folle que celle que nous avions entendu précédemment.

La première était bien sur la croix renversé enfoncée au fer rouge dans le crane du leader, la propension du groupe à jeter des morceaux de viandes dans le public, les "conseils" qu'ils avaient reçus des groupes Scandinaves de ne pas venir jouer chez eux, les menaces de mort d'organisations Chrétiennes Américaines et des Ligues protectrices d'animaux (qui leur reprochaient d'encourager les sacrifices animaliers), la violence qui régnait pendant leurs concerts, les interviews psychotiques de Benton...et bien sur la violente musique.
De mémoire, il y avait les fausses rumeurs (sauf qu'on ne le savait pas à l'époque) qui étaient en vrac : DEICIDE s'amuse à piétiner des poussins pendant ses concerts, laisse entrer des fans armés de haches, participe de façon active à des messes occultes...
Sans internet pour vérifier ces informations farfelues, nous ne disposions plus alors que des interviews pour trier le vrai du faux. Et là, c'était le pompon.

Le mythe Benton s'est en effet aussi construit sur certaines des interviews qu'il donnait à cette époque. Complément frappadingue, le chanteur désarçonnait régulièrement ses interlocuteurs en n'hésitant pas à dire qu'il pouvait faire léviter des objets ou que son maitre lui était apparu sous la forme d'un bouc. Le mysticisme des propos du leader allié à l'aura de soufre du combo ont vite fait d'assoir DEICIDE sur le trône du groupe le plus cinglé du Death. Et peu importait alors que le groupe ait déjà un nombre de détracteurs farouches...pour beaucoup, les plus Evils, c'était DEICIDE.

Mais pour que tout cela tienne la route, il fallait aussi que la musique soit en adéquation avec le reste.
Et là, on peut pas dire que "Legion" fasse dans la demi mesure. Considéré encore à l'heure actuelle par certains comme le meilleur album du groupe, "Legion" a pour lui une violence et une atmosphère que le groupe ne retrouvera plus jamais par la suite. On retrouve donc logiquement plusieurs classiques du groupes sur "Legion".
Brutal, nerveux et sinueux, cette deuxième bombe du groupe est l'expression malsaine des sombres pensées des musiciens.
Drivé par l'impérial Steve Asheim, principal compositeur et poumon rythmique du groupe, l'énergie qu'il déploie sur les morceaux est pharaonique.
Son jeu sur "Legion" comporte de multiples changements de tempos, des déferlantes de doubles pédales rugueuses et des breaks mitraillettes savamment dosés.
En constant mouvement, son jeu est ici plus technique que sur l'album précédent et la nervosité hystérique qu'il met à marteler ses cymbales est une composante fondamentale de l'énergie quasi épileptiques des tueries que sont "Satan Spawn, the Caco-Daemon" ou l'impérial et incontournable "Revocate the Agitator".
Et sur ces tempos effrénés, les frères Hoffman ne sont pas en reste.
Les deux gorets jouent de façon très viriles et mis à part quelques soli un poil décalés, on note une fureur généralisé à vouloir reproduire des sons maléfiques en défonçant leurs cordes (l'introduction de "Trifixion est aussi immédiate que rentre dedans). A noter aussi quelques riffs aux sonorités plus Thrash que Death, qui loin de ramollir l'ensemble donnent du jus lorsque le groupe ré-enclenche la super vitesse ("Repent to Die" possède en son milieu un riff mortel et assez inhabituel pour le groupe).

Et puis il y a le Glen bien sur, signant sur le livret un message tout empreint d'amitié à tous ceux qui critiquent sa façon de chanter et l'accuse d'utiliser des effets.
Toujours aussi démente, sa voix sonne cependant de manière différente de l'album précédent et ne sonnera d'ailleurs plus pareil par la suite à mes oreilles.
Quoi qu'il en soit, à l'image de ses lyrics violent, Benton semble par moment comme possédé. Certaines de ses intonations sont éructées avec une espèce de furie à la limite de la perte de contrôle. Assez impressionnant, le hurleur fait corps avec ce qu'il dit et braille comme un animal atteint de la rage. Assurant aussi la basse, on entend par moment son jeu par derrière le mur sonore qui aurait peut être mérité qu'on lui laisse plus d'espace...car le bougre est loin de jouer comme un manche.

Reste donc au final un album absolument mortel et indispensable. A l'image du sourire mi séducteur mi psychopathe des frères Hoffman à l'arrière du skeud, de la gueule de déterré d'Asheim et du regard un poil trop théâtral de Benton, cet album ne cache rien et réussissait grâce à son jusqu'au boutisme à faire claquer des os.


Rédigé par : Pamalach | 1992 | Nb de lectures : 2580