OTYG - Sagovindars Boning (Napalm) - 06/04/2013 @ 20h51
Les dernières heures du XXème siècle marquent le début d'un engouement durable pour les genres rattachés au folk metal. Les Scandinaves combinent alors l'étiquette viking à toutes les sauces, à l'image des death metalleux d'Amon Amarth entamant une 'florissante' carrière, ou encore des excellents Mithotyn, partis du black metal et dévoilant chaque jour un peu plus leurs racines heavy. Cette démarche va faire recette en Finlande, auprès de combos comme Shaman (les futurs Korkipklaani) et Ensiferum. Evidemment impossible de faire l'impasse sur les grands seigneurs Norvégiens comme Enslaved, Einherjer, Borknagar et Windir. De leur côté, les Allemands se révèlent être particulièrement friands du mix metal/musique ancienne. L'énorme succès des troubadours d'In Extremo en 1998 incite de très nombreux groupes à prendre en marche un train lancé par Corvus Corax 10 ans plus tôt. L'underground français dégaine ses premières formations (Stille Volk, Matutina Noctem, Forest of Souls) et planche sur l'incorporation de la culture celte au black metal (Anaon, Aes Dana, Bran Barr...). Quant aux précurseurs, les Anglais de Skyclad et les Espagnols de Mägo de Oz sont en pleine forme, merci pour eux. En clair ça bouge partout et dans tous les sens.

Mais place à Otyg. Résumé des épisodes précédents. Authenticité et productivité sont les maîtres mots de la tribu emmenée par Andreas 'Vintersorg' Hedlund. Convaincu par leurs 3 Demos, Napalm records signe les Suédois.
Quoi de plus normal, sachant que le black viking était en passe de devenir le fond de commerce du label autrichien. Comprenant une majorité d'anciens morceaux réenregistrés, Älvefärd (voir ma kro), le 1er album d'Otyg, paraît en mars 1998. Que s'est-il passé ensuite? Beaucoup de choses. Vintersorg a enchaîné 2 sorties de son projet solo, également chez Napalm, l'EP Hedniskhjärtad (juillet) précédant son 1er album, le référentiel
Till Fjälls (décembre 1998). Pour ces enregistrements, Andreas Hedlund a fait appel à Cia Hedmark, au producteur Nils Johansson et à son pote Vargher (Ancient Wisdom et Bewitched). Quant à Otyg, l'heure est à la restructuration.
Exit Samuel Norberg, parolier et joueur de guimbarde, ainsi que Stefan Strömberg, batteur et membre fondateur.
En récupérant les instruments traditionnels à son compte (flûte, keyed fiddle, guimbarde, luth), le bassiste
Daniel Fredriksson prend une nouvelle dimension. Le nouveau venu Fredrik Nilsson s'installe derrière le kit.

Au printemps 1999, le désormais quintet retourne au studio Ballerina pour mettre en boîte son 2ème album, qui ne comprend cette fois que du nouveau matériel. Au départ nommé Trollslottet (voir interview de Vintersorg dans le n°14 de Metallian), il sera finalement retitré Sagovindars Boning. Sur le plan visuel, les Suédois ont à nouveau pioché dans les oeuvres du peintre Theodor Kittelsen (1857-1914). Le layout est toujours signé Jens Rydén (alors membre de Naglfar et Dead Silent Slumber). Côté guests, la flûtiste Linda Björkman rempile, et sur le dernier morceau (Gygralock), Otyg a fait appel à 2 chanteuses de kulning, un terme m'ayant laissé perplexe à l'époque. Issu du folklore scandinave, ce type de chant, principalement employé par les femmes (car très aigu), concernait la gestion du bétail dans les pâturages. Les amateurs de folk music connaissent probablement Gjallarhorn, qui utilise régulièrement cette technique. Mais retour à Sagovindars Boning dont le tracklisting dévoile une reprise, à savoir le classique Holy Diver, extrait du 1er album de Dio, ici parfaitement adapté à la sauce folk scandinave. Notez que le solo de gratte de Vivian Campbell a cédé la place chez Otyg au violon de Cia Hedmark. Bien foutu!

Sagovindars Boning révèle ses qualités dès les premières mesures de Trollslottet. Si le style en lui-même n'a pas fondamentalement changé, l'évolution est nette. Le travail de composition, plus subtil et abouti, débouche sur des morceaux un peu plus longs. La clé de cette réussite, c'est l'équilibre obtenu, entre tonalités électriques et acoustiques d'une part, mais aussi entre instruments et chants. Nils Johansson conforte les Suédois dans leur approche avec une production plus propre et un mixage à l'avenant pour un rendu plus rock que véritablement metal. Les grosses rythmiques, moins systématiques et plus en retrait, gagnent en efficacité le moment venu (Bäckahästen). Certains le regretteront peut-être, mais Vintersorg chante de façon moins exaltée, plus posée. Cantonnée à un rôle de choriste sur Älvefärd, Cia Hedmark a pris de l'importance sur ce 2ème album (dialogue avec Vintersorg sur Vilievandring, chant principal sur Årstider et Lövjerskan). Chaque titre possède son petit plus: le break de basse de Trollslottet, Galdersbesjungen et son énorme solo de flûte, När älvadrottningen kröns et son break médiéval où Daniel Fredriksson et Vintersorg sortent les luths, le caractère festif de l'excellent Mossfrun kölnar toute guimbarde dehors, sans oublier le decrescendo de Gygralock précédant un concours de kulning.


Le folk metal des Suédois coule de source, naturellement, la maîtrise est bien là. Le seul bémol réside dans les parties de batterie de Fredrik Nilsson mixées un poil trop en retrait à mon goût, sinon c'est du bel ouvrage. L'étape suivante pour Otyg c'est évidemment la scène, dont le groupe va s'affranchir dans la foulée. La dernière date néerlandaise de 1999 a débouché sur l'enregistrement d'un bootleg, Live In Asten-Heusden, paru en 2005 grâce au fansite I Trollskogens Drömmande Mörker qui le propose en téléchargement libre (ainsi que les 3 Demos d'Otyg et plus encore, voir le Blog VS). L'intérêt de ce live, dont 3 extraits sont visibles sur youtube, repose sur la présence d'un inédit. Nommé Gastkramad, il aurait du figurer sur Djävulen, le 3ème album d'Otyg resté dans les cartons. Ambitionnant d'enregistrer un album-concept sur les représentations scandinaves du diable à travers les âges, Vintersorg finira par renoncer au profit d'autres engagements. L'année 2000 est chargée pour Andreas Hedlund qui, outre Vintersorg, participe à Havayoth, le one-shot gothic metal de son pote Vargher, et surtout rejoint Borknagar en remplacement d'ICS Vortex parti chez Dimmu Borgir. Il faudra attendre mars 2002 pour que Vintersorg confirme l'abandon du projet Djävulen.

Que sont devenus les membres d'Otyg depuis sa mise en stase? C'est l'occasion d'y répondre. Andreas Hedlund est désormais un acteur de premier plan de l'underground scandinave, grâce à la qualité et la régularité de ses productions, non seulement avec Vintersorg et Borknagar, mais aussi avec Cronian (3ème album à paraître en 2013), Fission et Waterclime. Son projet Gravisphere devrait faire parler de lui cette année. Le bassiste Daniel Fredriksson a fait carrière dans la folk music. Le duo Pettersson & Fredriksson est son projet le plus notable (voir bandcamp). Il n'a cependant pas lâché le metal (un album de black viking avec le groupe Mors Osculi en 2003 et une participation à un album du collectif international Folkearth en 2006). Le guitariste Mattias Marklund, fidèle lieutenant d'Andreas Hedlund dans Vintersorg, joue aussi ponctuellement avec les thrashers de TME.
La violoniste/chanteuse Cia Hedmark, membre du groupe Hel (rock viking dont la discographie s'étend de 1999 à 2006), est régulièrement apparue sur des albums d'Andreas Hedlund. Pour finir l'éphémère Casket Casey (gothic metal) comprenait 3 ex-Otyg: Mattias Marklund, Cia Hedmark et le batteur originel Stefan Strömberg.
Voila pour le tour d'horizon. Mais ce n'est pas tout...

En 2008, Napalm records a réédité les 2 albums d'Otyg sous la forme d'un double CD doté d'un nouveau visuel pour l'occasion. Mais surtout au printemps 2012 Andreas Hedlund a annoncé la résurrection d'Otyg pour un nouvel album à paraître courant 2013. En attendant plus d'infos, l'occasion vous est offerte de vous (re)plonger dans ces enregistrements conçus en hommage à la nature et au folklore scandinave. Profitez-en.

Album en écoute intégrale: https://www.youtube.com/watch?v=Lyh53sRxAW4


Rédigé par : forlorn | 1999 | Nb de lectures : 2163


Auteur
Commentaire
mydrin
Membre enregistré
Posté le: 07/04/2013 à 00h41 - (29163)
Merci pour cette très belle chronique quelle album, et bonne nouvelle s'ils se reforment



Moshimosher
Membre enregistré
Posté le: 07/04/2013 à 12h58 - (29172)
Mon album préféré du groupe ! Superbe ! Bien content qu'ils nous remettent ça pour cette année :)Et je jetterai évidemment une oreille (enfin deux, avec l'argent qui va avec) sur les autres projets d'Andreas... Merci beaucoup pour cette chronique (qui m'a appris des choses) !





forlorn
Membre enregistré
Posté le: 26/08/2014 à 09h55 - (31116)
L'absence de news depuis 2012 semble indiquer que la reformation a tourné court. Dans les faits, Vintersorg privilégie Borknagar, sa carrière solo et consacre les miettes de son temps libre à son projet Gravisphere. Dommage...

Strat
Membre enregistré
Posté le: 19/11/2015 à 12h21 - (31791)
Excellente chronique remember !
Encore un groupe mise en avant par le très bon Forlorn ou tu as encore une fois travaillé cet article très en profondeur, tant par rapport au groupe, que par rapport à son époque.

Un grand merci à toi !



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