OTYG - Älvefärd (Napalm) - 30/03/2013 @ 22h10
A l'image du cycle des saisons, chaque décennie se distingue des précédentes par sa créativité et son lot d'innovations. A la fin des années 80, sur le vieux continent, l'heure est à la barbarie instrumentale avec l'apparition des principaux courants de l'extrême (death, black, grind). En marge de cette orgie de décibels, un autre genre est en train de naître: le folk metal. Les Espagnols de Mägo de Oz (fondé en 1988 sous le patronyme de Transilvania) et les Anglais de Skyclad (fondé par des ex-Satan en 1990) sont les précurseurs de cette nouvelle famille musicale qui, 10 ans durant, va se développer dans la confidentialité. En Scandinavie, Ace Börje Forsberg dit Quorthon ouvre la voie à des légions de musiciens avec sa fameuse trilogie honorant les traditions Vikings. En abandonnant le black/thrash craspec de ses débuts au profit d'un metal beaucoup plus mélodique porté sur les atmosphères épiques, Bathory donne naissance au viking metal, développé plus tard par Enslaved, Einherjer et cie. Mais outre l'aspect thématique, certains vont se donner les moyens d'emmener leur musique à un niveau supérieur d'authenticité, à l'image des premiers travaux d'Ulver, de Leif Nagell dit Fenriz et d'Andreas Hedlund dit Vintersorg.

La période 1993-1995 est révélatrice de ce bouillonnement créatif, en particulier pour le batteur de Darkthrone qui fourmille de projets. Je n'en citerais ici que 2. Avec Isengard (patronyme emprunté à l'univers de Tolkien), le Norvégien développe, l'espace de 2 albums solo, un hybride de doom, de black et de folk metal. En compagnie de Sigurd Wongraven (aka Satyr de Satyricon) et Kari Rueslåtten (chanteuse originelle de The 3rd and the Mortal), Fenriz enregistre en 1995 Nordavind, l'unique et cultissime album de Storm. L'instrumentation est encore limitée, mais les adaptations du folklore norvégien chantées en voix claire font leur effet. Ulver y fera écho moins d'un an plus tard, avec son 2ème album Kveldssanger. De son côté, Andreas Hedlund oeuvrait dans d'obscures formations underground, au sein desquelles il expérimentait déjà cette dualité du chant (écorché/traditionnel) qui fera sa renommée par la suite. L'histoire a retenu les noms de Vargatron et Blackburning Evening. Le Suédois referme ce 1er chapitre de sa carrière, son projet solo Vintersorg prenant la relève de Vargatron. Quant aux ex-Blackburning Evening, un nouveau défi les attend.

Otyg se forme à Skellefteå dans le nord de la Suède. Au printemps 1995 le line-up se compose de Vintersorg (chant et guitares), Mattias Marklund (guitares électriques) et Stefan Strömberg (batterie). Le groupe passe rapidement de 3 à 6 membres avec l'arrivée de Daniel Fredriksson, Cia Hedmark et Samuel Norberg. Le premier cité, en charge de la basse, possède également une bonne maîtrise des instruments traditionnels. Cia Hedmark apporte à Otyg son violon et la touche féminine au chant. Quant à Samuel Norberg, il s'occupe de la guimbarde, coécrit la plupart des textes avec Vintersorg (en ancien suédois) et s'implique également dans l'aspect visuel du groupe. Leur première Demo-album, Bergtagen, parait quelques mois plus tard. Tous les ingrédients de leur style si caractéristique sont déjà présents. En mars 1996 les Suédois enfoncent le clou avec leur 2ème Demo-album, I Trollskogens Drömmande Mörker. Le sextet enregistre une 3ème Demo-album, Galdersång till Bergfadern, qui leur permet de signer chez Napalm records, label autrichien alors en pleine bourre (Abigor, Summoning, Einherjer).

Développant la formule initiée par Storm grâce à l'ajout d'instruments issus du folklore traditionnel, Otyg méritait incontestablement d'être signé. Pour ceux qui seraient intéressés par ces Demos, dont 21 titres sont restés inédits, notez que le fansite 'I Trollskogens Drömmande Mörker' les propose en téléchargement libre avec l'accord du groupe (voir le Blog VS). Sur ce, retour à l'automne 1997, où les Suédois investissent le studio Ballerina pour enregistrer leur 1er album à paraître sur support CD. Producteur de la plupart des signatures Napalm, Nils Johansson deviendra un collaborateur régulier de Vintersorg. Enthousiasmé par le Irrational Anthems de Skyclad (via le clip d'Inequality Street) et Hantaoma, le 1er album des Pyrénéens de Stille Volk, je découvrais avec curiosité ce nouveau créneau. Älvefärd nous offre un voyage à travers les traditions et le folklore suédois, peuplé de fées et de trolls. De l'artwork (une peinture de Theodor Kittelsen) aux photos de nature du livret (prises par Vintersorg et Samuel Norberg), en passant par le layout signé Jens Ryden (alors membre de Naglfar), tout l'aspect visuel concourt à nous plonger dans la magie d'un monde fantasmagorique.

Paru au printemps 1998, Älvefärd comprend 12 morceaux, 9 versions réenregistrées issues des 2 dernières Demos, associées à 3 inédits (Huldran, I Höstlig Dräkt et Draugen). Vintersorg ayant composé l'intégralité de la musique, qui plus est sur une période assez brève, on se retrouve avec un bloc de compositions homogène. La production assez brute de Nils Johansson apporte un surplus de caractère et d'authenticité à la musique d'Otyg. J'ai tendance à la préférer à celle, un peu trop clean, de Sagovindars Boning (le 2ème album). Älvefärd démarre avec un hymne: Huldran. Le 1er effet kiss cool, c'est le chant de Vintersorg, racé et fédérateur, associé à des choeurs et aux backings féminins de Cia Hedmark. Le 2ème effet, c'est la fraîcheur et l'efficacité des compositions. Le cocktail proposé par les Suédois est explosif, avec un alliage parfaitement dosé d'éléments metal et d'arrangements folk. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de simples gimmicks ajoutés à une base metal, mais bel et bien d'une fusion des genres. Le violon et la guimbarde sont très présents, tandis que guitares acoustiques et flûtes (jouées par des guests) interviennent aux moments opportuns.

Les 12 compositions d'Älvefärd semblent taillées pour la scène. Même si d'une durée sensiblement identique (en 3mn30 tout est dit), chacune apporte sa contribution à l'album. Que l'humeur soit festive (Huldran) ou plus intimiste et mélancolique (Skymningsdans), Otyg se montre convainquant dans tous les registres abordés. A l'image des irrésistibles mélodies vocales qu'on ne peut s'empécher de fredonner (Fjällstorm), les riffs de guitare s'inscrivent avec une facilité déconcertante dans notre mémoire. Quant à la section rythmique elle tient son rôle avec classe et sobriété. Un titre comme I Höstlig Dräkt met en valeur la basse de Daniel Fredriksson, qui assure d'ailleurs une partie des guitares acoustiques de l'album. Le batteur Stefan Strömberg s'adapte parfaitement aux changements d'humeur tout en insufflant le dynamisme nécessaire aux compositions. La qualité des arrangements (comme les parties de flûtes sur Allfader Vise ou Fjälldrottningens Slott par exemple) achève de compléter un tableau aussi flatteur que marquant. N'oubliez pas qu'à l'époque le folk/viking metal n'en était qu'à ses balbutiements.

Précurseur d'un genre qui connaîtra un énorme engouement en ce début de XXIème siècle, Otyg s'assure d'emblée une place au Valhalla avec cet Älvefärd enthousiasmant. Ce 1er album de la discographie personnelle de Vintersorg révèle le talent d'un créatif inspiré doublé d'un chanteur de premier plan. Félicitations mister V.

Huldran: http://www.youtube.com/watch?v=ERaY5SbM9xI

Fansite I Trollskogens Drömmande Mörker: http://www.skald.se/trollskogen/downloads.html


Rédigé par : forlorn | 1998 | Nb de lectures : 2002


Auteur
Commentaire
Moshimosher
Membre enregistré
Posté le: 31/03/2013 à 16h16 - (29137)
Excellent groupe !!! Et l'artwork est vraiment très évocateur ! C'est grâce à ce groupe et à Vintersorg que j'ai pu prendre conscience de la très grande beauté de la langue suédoise :)

Je suis aussi un grand fan du second Isengard et de l'unique Storm...

Y a pas à dire, mais c'est vraiment super de pouvoir s'écouter (en musique - et metallique qui plus est) d'autres langues que le français et l'anglais (même si j'aime bien ces dernières) ! Skål!!!





Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 31/03/2013 à 18h21 - (29139)
Je ne connais que de nom mais les chros de Forlorn sont toujours plaisantes à lire car on y apprend plein de petits détails intéressants

forlorn
Membre enregistré
Posté le: 26/08/2013 à 10h52 - (29750)
Ça me démangeait depuis un moment, cette fois c'est fait... Ayant omis d'intégrer Ulver à mon panorama historique, j'ai remanié les 2 premiers paragraphes en conséquence.

Rajout de l'url du fansite proposant les Demos d'Otyg en téléchargement libre (21 morceaux inédits).

Moshimosher
Membre enregistré
Posté le: 26/08/2013 à 19h33 - (29753)
Aaaa... Ulver ! Très grand groupe ! Leur premier album reste l'un des mes albums cultes ! Et leur second est vraiment très agréable à écouter :)

Strat
Membre enregistré
Posté le: 19/11/2015 à 14h47 - (31792)
Encore une chronique qui me montre que le metal est rempli de perles du passé qui ne demande qu'à être écoutées.

Ne connaissant que Ulver l'écoute sera longue, mais intéressante, surtout en connaissant désormais les petits secrets de cette scène qui grandissait à l'époque.

Merci Forlorn pour cette chronique !



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