C'était la belle époque des mid-90's. MTV était encore une chaîne cool, on pouvait y voir Headbanger's Ball, des clips rock et même metal en pleine journée. Internet n'existait pas encore, on achetait des CD qu'on copiait sur des cassettes pour pouvoir les écouter dans le bus. Eric Cantona jouait encore au foot, Star Wars était toujours une trilogie et Dorothée et La Cinq nous abreuvait de Dragon Ball, Chevaliers du Zodiaque, Olive et Tom et Ken Le Survivant. Nirvana, Pearl Jam et Soundgarden était les maîtres du monde. J'avais de l'acné plein le visage, des chemises à carreaux en flanelle, des jeans troués, des rangers, une hygiène corporelle aléatoire, j'étais triste et déprimé. En fait j'étais totalement uncool, un vrai loser qui ne rêvait que d'une seule chose : être cool. Un après-midi au retour de l'école, je balance mon sac dans un coin, m'affale dans le canapé familial et allume la télé sur MTV. Là je tombe sur un trio de gars à moustaches, talkie walkie en main, marchant au ralenti sur un larsen traînant. L'image la plus cool jamais vue sur un écran de télé. Pendant des jours j'ai essayé de rechercher d'où provenait cette image sans succès…

Quelques jours plus tard, un pote me file une cassette : « Tiens, écoute ça, tu va voir, ça tue… ». Et au bout de quelques morceaux, tous très différents de ce que j'écoutais habituellement, je reconnais ce larsen traînant et je revois, en esprit ces trois moustachus marchant au ralenti. Le morceau s'appelle « Sabotage » du groupe BEASTIE BOYS. Depuis ce jour-là, j'ai écouté « Ill Communication » des centaines et des centaines de fois et puis surtout, j'étais devenu cool. Parce que les BEASTIE BOYS sont la coolitude incarnée. Des New-Yorkais issus du punk hardcore qui ont dynamité le hip hop, font du skate, jouent au basket, portent de fausses moustache, sont bouddhistes et tournent les clips les plus classieux du monde. Tout l'opposé des « stars » du grunge en somme. Les BEASTIE BOYS m'ont ouvert à la musique en m'apprenant qu'il n'y a pas que la guitare, Satan et les devil horns dans la vie. Je découvre les samples, le métissage des genres, l'humour, le triple flow incendiaire etc, etc. un tout nouveau spectre musical s'ouvrait devant moi. Du tube en pagaille « Sure Shot », « Sabotage », « Root Down », du punk rock flamboyant « Heart Attack Man », « Tough Guy », des brûlots hip-hop « Get It Together », « Do It », « B-Boys Makin With The Freak Freak'', des instrus à la limite de l'expérimentation ''Flute Loop'', ''Transitions'', des chants tibetains. Et ces mecs-là arrivent à rendre n'importe quel son et style incroyablement cool. Comme la flûte par exemple. Pour moi la flûte c'est cet instrument phallique duquel on sort des sifflements horribles au collège. Eh bien eux, ces trois types-là, ces trois génies musicaux, font groover avec cet instrument de merde, on peut le dire. Ce n'est plus de la musique, c'est de l'alchimie.

Si bien sûr, les BEASTIE m'ont ouvert et initié au hip hop new-yorkais, style que j'écoute toujours assidument aujourd'hui, mais c'est aussi grâce à eux et à leurs titres punk que je me suis mis au hardcore. Car avant d'être un des groupes hip hop les plus respectés au monde, les New-Yorkais ont débuté dans le punk et le hardcore old school au début des années quatre-vingts. On en trouve évidemment toujours des traces dans leur son. J'me suis donc pencher plus avant sur cette scène qui m'était inconnue à l'époque et grâce aux t-shirts de Adrock, je me suis mis aux Bad Brains, à Black Flag et à Minor Threat. Depuis, je n'en suis jamais sorti et je continue à explorer de fond en comble tout ce qui touche de près ou de loin au hardcore. Et ça, c'est la faute aux B.Boys new-yorkais. Mais "Ill Communication" c'est avant toute chose une explosion de sonorités, de styles, un album foisonnant qui part dans tous les sens et qui démontre à tout le monde qu'on peut faire du hip hop et être plus rock'n'roll que 99% des groupes de metal. Grâce à eux aussi, j'ai découvert toute une culture qui m'était alors inconnue : la street culture. Je me mets au skate, je deviens fan des New-York Knicks, je balourde mes jeans troués et achète mes premières casquettes. Ouais j'étais maintenant un vrai B.Boy new-yorkais perdu dans la campagne belge.

Maintenant je dois avouer que « Ill Communication » n'est pas le meilleur album du combo, je lui préfère « Check Your Head », plus riche, plus varié, plus underground, plus punk, plus brut, plus tout mais moins policé et riche en tubes que « Ill » mais voilà, je suis venu aux Beastie avec « Ill » donc il reste un album vraiment spécial pour moi. En plus, c'est un pur album de musicien. Bien sur MCA, Adrock et Mike D sont des samplers géniaux, capables de dénicher la petite perle old school qui groove sa maman, mais ce sont avant tout des musiciens hyper talentueux. C'est ça qui, je pense, fait toute la différence, qui donne ce feeling, cette sensation presque live qu'on ressent à l'écoute de leurs albums. Dernière chose, les Beastie Boys, tuent absolument toute concurrence sur une scène. Je les ai vus pour la première fois en 1998, depuis j'ai vu des centaines de concerts avec des centaines de groupes différents mais aucun n'a réussi à me claquer comme eux l'ont fait. Je les revois encore passer avec une aisance déconcertante du micro aux instruments. C'est juste la classe absolue et la chose la plus cool jamais vu sur une scène de concert. Depuis que j'ai vu le clip de "Sabotage", qui m'a d'ailleurs lui aussi initié aux métiers du cinéma et du clip vidéo, je caresse le rêve secret de réaliser le long métrage dont « Sabotage » serait la bande annonce. Pour résumer tout ça, parce que sans quoi je pourrais en parler encore des heures durant.
Les Beastie Boys tu peux pas test cousin.


Rédigé par : Seb On Fire | 1994 | Nb de lectures : 2263