Et si on cassait la routine? Mode défi activé avec Big Chief, groupe oublié (vu le peu d'infos qu'on trouve à leur sujet) oeuvrant dans un créneau pas franchement porteur par ici: la fusion. Suite à un reportage paru en 1995 dans Rock Express (présenté par Laurence Romance et ses cheveux rouges), j'avais acheté ce Platinum Jive sur un coup de tête. Mais pour être honnête, j'étais passé complètement au travers à l'époque. Ce n'est que bien plus tard que j'ai été en mesure d'apprécier cet album à sa juste valeur. Formé en 1989 ce quintet du Michigan revendique fièrement ses origines avec la mention 'made in Detroit' sur le boîtier du CD. Difficile de faire plus explicite. Bienvenue au pays du MC5 et des Stooges. Et c'est vrai les racines de Big Chief sont solidement ancrées dans la tradition hardcore/punk, non seulement sur le plan musical, mais aussi dans l'attitude. Adeptes du 'Do It Yourself', les Américains débutent leur carrière en enchaînant les 45 tours (compilés sur Drive It Off en 1991). A noter que leur signature chez Sub-Pop, label phare de la scène alternative, leur vaut aujourd'hui d'être taxés de 'grunge' par des gens ne les ayant probablement jamais écoutés. Rentrons dans le vif du sujet.

En ce début de décennie, les Américains enchaînent les sorties à un rythme élevé (3 albums en moins de 2 ans). Chose curieuse pour un groupe aussi indépendant et libre de ton, Platinum Jive sort sur la major Capitol (Megadeth, WASP). En passant vous aurez sans doute noté l'humour très Faith No More de ce titre. Concernant le visuel, le guitariste Mark Dancey (auteur de celui de Badmotorfinger de Soundgarden) a cette fois cédé la main. Platinum Jive dispose d'une illustration flashy au rendu plus proche du rock psychédélique que d'une production des 90s. Un indice qui nous renseigne sur un contenu inattendu. Après nous avoir fait le coup de la bande-originale de film imaginaire sur l'excellent Mack Avenue Skull Game, le gang de Detroit s'est amusé à nous pondre une compilation fictive, le titre complet de l'album étant 'Platinum Jive - Greatest Hits 1969-1999'. Les membres de Big Chief se mettent en scène dans le livret, et les morceaux, pourtant tous inédits, sont présentés comme issus d'albums fictifs aléatoirement piochés dans 30 ans de musique. Je ne résiste pas à la tentation de vous montrer ça:

1. Lion's Mouth (extrait de Bright Future Behind You - 1999)
2. Take Over Baby (extrait de Titty Twist Whitey - 1969)
3. John's Scared (extrait de Midwest Rules - 1977)
4. M.D. 20/20 (extrait de White Like Mike - 1984)
5. Map of Your Failure (extrait de We Gotta Impeach Nixon - 1973)
6. Bona Fide (extrait de Groove Factory - 1995)
7. Armed Love (extrait de Bright Fool's Gold - 1972)
8. Philly Nocturne (extrait de Inhale to the Chief - 1974)
9. Locked Out (extrait de Boredom A.D. - 1970)
10. All Downhill from Here (extrait de How the West was Lost - 1969)
11. Liquor Talkin' (extrait de A Fly's Dick From Freedom - 1975)
12. Sick To My Pants (extrait de Disco Pete's Clam - 1996)
13. Your Days Are Numbered (extrait de Nine Part's Laziness, One Part Luck - 1971)
14. Clown Pimp (extrait de Clowns, Pimps, and Prawns - 1979)
15. Simply Barry (extrait de The Sexual Intellectual - 1983)
16. Lot Lizard (extrait de Power Hour - 1984)

La constante chez Big Chief, c'est d'aller à l'essentiel quel que soit le registre choisi, les morceaux dépassant rarement les 3 minutes 30. Au rang des interludes on trouve M.D. 20/20 (qui sonne très blaxploitation), le 70s Philly Nocturne, le noisy Sick To My Pants et Clown Pimp (aux claviers façon Iron Butterfly). Pour le reste Big Chief évolue entre hardcore/punk et funk metal, à l'exception de quelques titres sortant du lot. Bona Fide verse dans le hip-hop, le chanteur Barry Henssler cédant le micro à un rappeur. All Downhill from Here bénéficie de choristes et d'un harmonica. Liquor Talkin' se distingue par ses guitares acoustiques et son apport flûte/saxo. Simply Barry c'est la ballade suave avec piano et flûte. Quant à Lot Lizard qui ferme la marche, ce titre est suivi en ghost-track d'un délire party time. Décrire le trip Big Chief n'est pas évident. Pour Mack Avenue Skull Game, un mec a un jour parlé de mix entre les Stooges et Funkadelic. Pour Platinum Jive le quintet a durci le ton en faisant ressortir ses influences 80s, ce qui donne un opus moins glamour et 'Tarantino' dans l'esprit. Allez je tente ma chance, Platinum Jive me fait penser à un descendant de Hüsker Dü qui aurait la BO de Shaft d'Isaac Hayes et le Paul's Boutique des Beastie Boys dans ses disques de chevet.

Après avoir tout donné l'espace de 3/4 ans, les membres de Bif Chief subiront le contrecoup de leur productivité et, désabusés par le manque d'implication de leurs différents labels, laisseront le groupe se désagréger, chacun s'engageant dans d'autres projets. Il est vrai que ce dernier opus ne possède ni la fraîcheur ni la fougue de son prédécesseur (Mack Avenue Skull Game) et que certaines références de l'époque lui ont barré la route, comme Faith No More, Red Hot Chili Peppers, Primus ou Infectious Grooves (allez lire la kro du sieur Pamalach), mais Platinum Jive n'en reste pas moins un album recommandable... pour peu que vous le trouviez.

Voici le clip de Lion's Mouth: http://www.youtube.com/watch?v=lp_QYU-16Zk


Rédigé par : forlorn | 1994 | Nb de lectures : 2115