Les années 90 ont vu des formations telles que PRONG, PRIMUS ou FAITH NO MORE, innover et créer un son unique en dehors des carcans et des modes. HELMET fait partie de cette génération qui a influencé une pléthore de musiciens d’horizons différents. Emmené par Page Hamilton, un ancien étudiant en musicologie (option « Jazz »), le groupe complété de John Stanier (batterie), Peter Mengede (guitare) et Henry Bogdan (basse) est à l’origine d’un véritable OVNI musical, laissant une large place à l’expérimentation. Imaginez, le croisement improbable entre le Hardcore new-yorkais bien velu et du Rock alternatif digne d’un SONIC YOUTH dopé aux testostérones, pour vous faire une idée sur ce qui vous attend !

Depuis la sortie de « Strap it On » en 1990, les HELMET se sont fait une solide réputation dans le circuit « underground » avec des compositions basées sur des polyrythmies et contre-temps encore inédites dans le milieu Metal. En 1992, le groupe jeta un véritable pavé dans la mare avec le puissant « Meantime » qui leur ouvrit les portes d’un succès international (plus d’1 million de copies vendus) et la participation à des B.O de films cultes (Judgment Night, The Crow,…). Avec le génial « Betty » en 1994, ils se permettront de pousser plus loin leurs recherches sur des morceaux très travaillés et plus mélodiques, notamment grâce au chant plus émotionnel de P. Hamilton. Malheureusement, cette époque marque aussi le début des problèmes entre les membres entraînant le départ du guitariste Peter Mengede (il fonda ensuite HANDSOME). Il fut remplacé par Rob Echeverria avant qu’il ne parte à son tour rejoindre les BIOHAZARD en 1996. La même année, ils reprendront « Army of Me » (un titre de Bjork) sur la fameuse compilation MOM (Music for our Mother Ocean), créée par la Surfrider Foundation dans un but écologique.

HELMET composa son 4ème album et eut la bonne idée de confier la production à Dave Sardy (guitariste de BARKMARKET) après lui avoir demandé d’assurer quelques concerts pour tester les futurs morceaux d’"Aftertaste". La conception de cet album s’est déroulée dans une période transitoire pour le Metal, un carrefour pour bon nombre de groupes et de styles. En effet, pendant que les BLACK SABBATH reformaient leur line-up originel (séparé en 1979), les JUDAS PRIEST revenaient avec un nouveau chanteur (Tim Owens) pour le meilleur ou pour le pire. Les locomotives, METALLICA et MEGADETH, décevaient tour à tour leurs fans avec « Reload » et « Cryptic Writing », les maillons faibles de leurs discographies. Il ne restait plus grand-chose du Grunge qui dominait pourtant les « charts » au début des 90‘s. Le split de SOUNDGARDEN et le silence d’ALICE IN CHAINS marquèrent la fin d’un mouvement, finalement très éphémère. Née des cendres du Grunge et de la Fusion, la scène Néo Metal dont HELMET fut présenté comme un des précurseurs, venait d’exploser avec le succès de KORN et des DEFTONES et leurs seconds albums respectifs. Imperturbables, les HELMET aimaient rappeler qu’ils étaient les survivants de 3 ou 4 courants musicaux majeurs depuis leur création en 1989.

Une fois l’enregistrement d’"Aftertaste" terminé, le groupe recruta le guitariste Chris Traynor (ex ORANGE 9MM) pour assurer la tournée et présenta le single « Exactly What you Wanted » aux radios US. Le titre « Pure » faisait office de carte de visite, utilisé par HELMET pour promouvoir leur dernier méfait en France. Leurs passages, dans les émissions « Nulle Part Ailleurs » et « Rock Express », m’ont permis de découvrir un groupe qui m’a littéralement cloué sur place et dans lequel je me suis tout de suite reconnu. Les musiciens n'usaient d’aucun gimmicks et n’avaient pas de look particulier, ils étaient juste là pour partager leur son puissant, l’esprit plongé dans leur musique. Une fois le disque acheté, après l’écoute du convaincant « Driving Nowhere » sur un sampler du magasine Rock Sound (album du mois!), je pus savourer un bloc de 13 titres pour 40 minutes de « riffing » ultra Heavy que compose cette œuvre.

Inutile de passer le disque au peigne fin puisque les morceaux s’enchaînent en formant un ensemble carré et homogène, usant des codes mis en place sur leurs précédentes réalisations. Ainsi, les riffs plombés dominent l’ensemble de l’album (« Pure », « Exactly What you Wanted »), entrecoupés de rythmiques syncopées presque mécaniques par endroits (« Driving Nowhere », « Diet Aftertaste »). Les enchaînements d’accords distordus jouent sur la froideur des morceaux (« Insatiable », « Pure ») et l’ambiance dévastatrice qui s’en dégage (« Like I Care », « Broadcoast Emotion »). Le rôle des solos n’est pas négligeable et participe grandement à l’atmosphère des chansons. Ils en sont d’ailleurs le prolongement que ce soit dans des sonorités aériennes (« Renovation ») ou déstructurées (« Like i Care »). Le placement judicieux de breaks de basse et de batterie est sans conteste une des marques de fabrique de la maison, ces cassures redynamisent des compositions compactes dans un environnement oppressant.

Malheureusement, les membres du groupe n’arrivaient plus à concilier leurs points de vue et décidèrent de se séparer après la tournée. Par la suite, Page Hamilton s’illustra comme guitariste « Live » de David Bowie, avant de travailler sur GANGHI, un projet resté inabouti. Henry Bogdan rejoignait les MIDNIGHT SERENADERS et John Stanier s’illustrait dans plusieurs groupes comme TOMAHAWK, avec Mike Patton. Page Hamilton tenta une reformation d’HELMET mais ses anciens collègues ne lui ayant pas donné de réponse, il décida de continuer avec un nouveau line-up en 2004. Aujourd’hui, la musique d’HELMET bénéficie d’un fort engouement avec l’essor de la scène Post-Hardcore qui revendique cet héritage. HELMET est un groupe hors-norme dont l’influence s’étale depuis plus de 20 ans sur la sphère Metal et bien au-delà !


Rédigé par : vincesnake | 1997 | Nb de lectures : 2746