ALICE IN CHAINS - Jar of Flies + Sap (Sony/Columbia) - 08/09/2012 @ 21h11
1994 ou l'apogée commerciale du Grunge. Si pour beaucoup le suicide de Kurt Cobain marque le début du déclin de la scène de Seattle, c'est aller un peu vite en besogne et ne pas tenir compte des chefs-d'oeuvre sortis cette année là, aux rangs desquels le Superunknown de Soundgarden et Jar of Flies d'Alice in Chains (ou encore Purple de Stone Temple Pilots en regardant du côté de San Diego). Tombé dans la marmite Grunge à la sortie de Nevermind, je me suis très vite passionné pour cette scène, collectionnant albums et articles, au point de reconstituer son arbre généalogique (qui finit par se perdre bien loin de Seattle). Et justement quand on ressort la presse de l'époque, l'importance des rumeurs, ragots et autres spéculations saute aux yeux, la rançon d'un succès planétaire qui sera lourde de conséquences. Avec son activité scénique quasi-inexistante et les problèmes récurrents d'addictions de son indispensable chanteur Layne Staley, Alice in Chains ne pouvait qu'attiser des inquiétudes en partie légitimes.

Pourtant les 3 années séparant l'intense et éprouvant Dirt de son successeur éponyme ont été plutôt riches pour le groupe. Plutôt que d'en retenir les aspects négatifs tels que l'acharnement médiatique ou les annulations de concerts, mieux vaut se souvenir, par exemple, de l'importance du cinéma dans l'ascension du gang du fantastique Jerry Cantrell. Dans Singles, comédie sentimentale de Cameron Crowe bourrée de clins d'oeil et autres caméos de la génération grunge, Alice in Chains joue live (I ain't Like That extrait de Facelift) et place Would? au générique. Aux USA la promo du film impactera celle de Dirt qui paraitra peu après. Sorti en salles en 1993, Last Action Hero, film d'action autoparodique mettant en scène Arnold Schwarzenegger, possède l'une des meilleures BO de l'époque. Alice in Chains y présente pas moins de 2 inédits (What the Hell Have I et A Little Bitter) ainsi que son nouveau bassiste Mike Inez (ex-Ozzy Osbourne) en remplacement du démissionnaire Mike Starr. Quant à la participation d'AIC à l'excellent 1er film de Kevin Smith paru en 1994, Clerks, les employés modèles, on en reparlera plus tard.

Si chaque enregistrement d'AIC a eu 'sa période' (ma VHS de Live Facelift est aussi usée que les albums), je pensais le traumatisant Dirt insurpassable. Je me trompais. Courant 1994 j'ai mis la main sur un double EP nommé Jar of Flies / Sap dont le contenu, non content d'être 100% inédit, est véritablement exceptionnel. Si les qualités acoustiques d'Alice in Chains mettront tout le monde d'accord à la sortie de l'Unplugged en 1996, ces EP prouvent que ces qualités font partie intégrante de l'identité d'Alice in Chains et ce depuis le départ. Mieux encore, c'est dans ces enregistrements spontanés (chose étonnante au vu de la richesse et des subtilités de ces compositions) qu'on tient sans aucun doute la 'quintessence du groupe' (copyright Alain Frost). Certains titres, présents sur des BO ou figurant au menu de l'Unplugged, sont des classiques familiers à nombre d'entre nous.

Sap (1992)

Paru en février 1992 quelques mois avant la sortie de Dirt et produit par Rick Parashar (Temple of the Dog, Pearl Jam), SAP propose 4 inédits + un ghost-track enregistrés par la formation historique (avec le bassiste Mike Starr). Que dire de cet EP si ce n'est qu'il nous dévoile une facette intime et relativement inédite d'Alice in Chains. Les 2 premières compo, Brother et Got Me Wrong, qu'on retrouvera sur l'Unplugged, sont les morceaux phares. Ils dégagent une sérénité et un plaisir de jouer évident. Le feeling incroyable de Jerry Cantrell transpire dans la moindre de ses interventions, tant acoustiques qu'électriques, tant en rythmique qu'en lead. La basse de Mike Starr mène la danse sur Got Me Wrong, titre pêchu et entrainant, présent au générique de Clerks. Le batteur Sean Kinney n'hésite pas à sortir les percussions, notamment sur Brother où Jerry Cantrell assure le chant principal.

Le 3ème morceau, Right Turn, est signé Alice Mudgarden. Cette ballade dépouillée et lancinante peut être divisée en 5 temps. Les chanteurs se succèdent [dans l'ordre Jerry Cantrell, Chris Cornell (Soundgarden), Layne Staley, Mark Arm (Mudhoney)] avant un final choral dirigé par un Chris Cornell tout en puissance lyrique. I am Inside est un titre onirique à l'atmosphère étrange et désenchantée où Layne Staley croise son chant avec les choeurs d'Ann Wilson du groupe Heart (déjà présente sur Brother). Pour finir, la ghost-track, nommée Love Song et digne de Beavis & Butt-Head, est un joyeux foutoir quasi-grind où on retrouve notamment Jerry Cantrell au piano et Sean Kinney au mégaphone. Megateuf Wayne. SAP n'a rien d'un single mercantile et les fans d'Alice in Chains n'auront pas attendu cette chronique pour se procurer ce complément indispensable aux albums longue-durée.

Jar of Flies (1994)

Paru en janvier 1994, Jar of Flies a 3 particularités majeures. La première, ce sont les débuts discographiques de Mike Inez (ex-Ozzy Osbourne) avec AIC. La deuxième c'est que les 7 compositions ont été enregistrées en 1 semaine (avec Toby Wright pour la première fois aux manettes). La troisième c'est que Jar of Flies est le 1er EP de l'histoire à avoir pris la tête des charts US (double platine, 4 millions de copies vendues), chose qui ne s'est pas reproduite avant le Collision Course de Jay Z & Linkin Park 10 ans plus tard. Autres temps, autres moeurs... Vous avez aimé SAP? Dites vous qu'il n'était qu'un brouillon, un hors d'oeuvre avant le plat de résistance, car Jar of Flies est monumental. La plupart des morceaux sortiront d'ailleurs sous forme de single.

Si la discographie d'Alice in Chains regorge de classiques, Rotten Apple, qui ouvre le bal, en fait partie. Le chant envoutant du duo le plus complémentaire qui soit, Layne Staley et Jerry Cantrell, surplombe une instrumentation de toute beauté, avec un raffinement sans pareil des parties de guitare et une basse très présente qui enrichie considérablement la trame mélodique. Et que dire de Nutshell, l'une des ballades les plus émouvantes pondue par le groupe (ce qui n'est pas rien) avec des leads poignants à pleurer de beauté. Sur I Stay Away (qui recevra un Grammy en 1995) un refrain torturé digne de Dirt (à noter la basse, énorme, avec pied sur la wah-wah) contraste avec les parties acoustiques et la présence d'un quartet de cordes. Des cordes que l'on retrouve sur l'instrumental et évocateur Whale & Wasp, où l'on s'imagine facilement, à son écoute, allongé dans l'herbe, perdu dans nos pensées à regarder les nuages.

Présent sur l'Unplugged au même titre que Nutshell, No Excuses est LE titre qui met en valeur le batteur Sean Kinney. Sa partition est géniale et marque durablement les esprits. No Excuses ou l'un des titres les plus heureux et ensoleillé du groupe... avec l'intimiste et paisible Don't Follow qui préfigure le travail de Jerry Cantrell sur Boggy Depot (son 1er album solo). Chanté par Cantrell et relayé par Staley dans la dernière partie, ce morceau surplombé par les interventions touchantes d'un harmonica dévoile les influences country de Cantrell. Quant à Swing on This, ce titre clôture l'EP de façon aventureuse, avec ses influences jazzy (pour la section rythmique et le solo) associées au style habituel façon Dirt (mélodies torturées et heavy, chant hanté).

Jar of Flies me parait vraiment être le point culminant de la carrière d'Alice in Chains, son sommet créatif. Tout est parfaitement dosé et équilibré, les éléments habituels côtoient des innovations toujours judicieuses pour une diversité au service de compositions de grande qualité. Si cet enregistrement passe aussi bien l'épreuve du temps, c'est à mon sens parce qu'il s'est fait dans la spontanéité et qu'il reflète au mieux, le plus complètement, la personnalité d'un compositeur épanoui et inspiré, Jerry Cantrell, entouré par son groupe, ses frères d'arme, au meilleur de leur forme: Layne Staley, Sean Kinney et Mike Inez.
Vous en doutez? Ecoutez-le, vous n'en reviendrez pas...


Rédigé par : forlorn | 1994 | Nb de lectures : 3559


Auteur
Commentaire
hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 09/09/2012 à 02h36 - (28013)
J'ai appris plein de choses, par contre Forlorn, Dirt EST insurpassable.



evil
Membre enregistré
Posté le: 09/09/2012 à 08h05 - (28017)
C'est con de comparer car ce n'est pas comparable, j'ai classé ces minis dans le hors métal.

C'est bien composé et interprété, mais ce n'est pas le même style que le reste, c'est accoustique, de plus on ne peut pas dire que c'est le top car ce sont des EP, à l'écoute, c'est pas pareil, plus light en temps, je trouve ça moins consistant qu'un album, même si c'est intense sur les titres présents.

Au final, ça fait partir SAP sur n'importe quoi avec le Ghost Track, c'est sûr c'est pas commercial d'ajouter ça, mais c'est dommage, car ça détruit la cohérence de tout le double sur le coté accoustique, bref, je lui préfére donc bien plus l'unplugged dans le même genre, même si c'est vrai, cet unplugged tire sa force dans ces 2 EP.



vincesnake
Membre enregistré
Posté le: 09/09/2012 à 10h34 - (28022)
Je garde une préference pour Dirt (LE classique) et L'éponyme (ma découverte du groupe) mais Jar of Flies est pas loin derrière. C'est vrais que les 2 facettes du groupe (l'une très metal et l'autre acoustique)rendent ce groupe hors du commun.

On peut considérer Jar of flies comme un album à par entière (30 mn quand même)enfin moi c'est comme ça que je le vois !

Merci pour ce beau flashback !

forlorn
Membre enregistré
Posté le: 09/09/2012 à 14h36 - (28033)
@ hammerbattalion:

J'ai une histoire assez riche et particulière avec Dirt. Ma découverte du groupe s'est faite peu après sa sortie. Je l'ai fait acheter par mes parents (en Andorre). Je devais avoir 12 ans à tout péter et c'était le 1er truc "UG", ma 1ère initiative pour découvrir quelque chose d'inédit. Au départ je n'ai rien compris et relégué le cd dans un coin. Ce n'est que bien plus tard que j'ai eu la révélation et qu'il est devenu un album de chevet. Je l'écoutais en boucle, je faisais chier tout le monde avec, à essayer de convertir les réfractaires à ses vertus etc... Tout ça pour dire que je ne m'attendais pas à pouvoir m'en écoeurer ou à ce que le groupe fasse mieux. Je n'aurais sans doute pas ou peu d'échos, mais à mon sens le meilleur du groupe se trouve sur Jar of Flies.



forlorn
Membre enregistré
Posté le: 09/09/2012 à 14h39 - (28034)
@ evil:

"C'est con de comparer car ce n'est pas comparable (...) mais ce n'est pas le même style que le reste"
C'est du Alice in Chains à 100%, la patte du groupe est bien là reconnaissable.

"c'est acoustique"
C'est eletro-acoustique, et c'est ce qui le distingue assez nettement de l'Unplugged.

"on ne peut pas dire que c'est le top car ce sont des EP, à l'écoute, c'est pas pareil, plus light en temps"
Si, je le dis. ^^
Ces EP ont une âme, une cohérence (à l'exception du ghost track sur SAP), et sont à considérer comme des enregistrements à part entière, au même titre que les albums. Pas de remplissage ni d'obligation contractuelle derrière ces EP, ils sont bien nés de la volonté du groupe.
L' histoire de la durée n'entre pas en ligne de compte (et quand bien même SAP + de 20mn, Jar of Flies + de 30mn), c'est la qualité qui prime, et à ce niveau on est servi.

"je trouve ça moins consistant qu'un album, même si c'est intense sur les titres présents."
Pour moi c'est le contraire. Jar of Flies tire sa force, sa consistance, du mariage de l'electrique et de l'acoustique, des acquis qu'on leur connaissait associés à des expérimentations qui fonctionnent toutes à la perfection en enrichissant leur univers.

"le Ghost Track, c'est sûr c'est pas commercial d'ajouter ça, mais c'est dommage, car ça détruit la cohérence de tout le double sur le coté acoustique"
Dans la mesure où je possède l'édition double-EP, il s'agit de couper avant le ghost track pour relancer SAP ou passer à autre chose, n'exagérons rien. :)

Alain Frost
Membre enregistré
Posté le: 15/01/2013 à 20h53 - (28771)
Grande question, où se situe "la quintessence du groupe" cher forlorn? ;)

Comme pas mal de monde je pense que Dirt restera indétrônable dans mon esprit, mais Jar Of Flies reste incontestablement un putain d'album. Mélancolique, extrêmement travaillé, varié et comportant quelques morceaux imparables (I Stay Away, No Excuses) il s'agit bien d'un album à part entière.

Quand j'y repense, j'ai moi aussi eu une sacrée baffe lorsque j'ai découvert ce groupe sur le tard (longtemps, très longtemps après la déferlante grunge!). J'étais resté bloqué à Nirvana, Soudgarden et Pearl Jam et voila que je découvre leur cousin lointoin, plus noir, plus metal, plus prenant!

Belle chronique très documentée, on apprend pas mal de choses ça fait plaisir!



hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 27/09/2014 à 10h52 - (31214)
Je suis en train de me les passer, tranquillement, sans bruits extérieurs, sans interférence, pas trop fort, et c'est vrai que c'est bon, çà fait du bien. Je me suis aussi mis Vs de Pearl Jam au casque, presque 20 ans que je ne l'avais pas fait (overdose du grunge à l'époque). Pfffffffffffff, je refais mon vieux schnok mais jamais, plus jamais on n'entendra de la musique comme dans les 90's.



hammerbattalion
Membre enregistré
Posté le: 27/09/2014 à 10h58 - (31215)
evil@ je suis d'accord avec toi sur le ghost track, bruitiste et inutile. Par contre non, ce n'est pas con de comparer, à mon avis la musique est une question d'émotion, on ressent quelque chose ou pas, acoustique ou électrique, long format ou pas.
En parlant d'acoustique, je rêve de posséder la totalité du MTV Unplugged de Queensrÿche en cd, allez jeter un oeil sur Youtube, c'est sublime.

Ajouter un commentaire

Pseudo :
Enregistrement Connexion






Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site

Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs. S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos

Proposez News | VS Story | F.A.Q. | Contact | Signaler un Bug | VS Recrute | Mentions Légales | VS-webzine.com

eXTReMe Tracker