SOUNDGARDEN - Down On The Upside (A&M) - 18/08/2012 @ 21h57
Alors que les Soundgarden s’apprêtent à recréer l’événement avec un nouvel album prévu pour l’automne 2012, il est intéressant de revenir sur la période précédant leur « split » en 1997. Leur dernier album studio « Down on the Upside » sorti en 1996, succédant à « Superunknown » leur plus grand succès à ce jour. Face à l'avalanche de hits (Black Hole Sun, Fell on Black Days) de ce grand classique des 90s, lui donner une suite semblait être un défi difficile sinon impossible à relever.
Le pari est-il gagné ? En partie seulement car il n’atteint pas le niveau de son ainé, néanmoins, « Down on the Upside » écrase la concurrence à grands coups de massue. Rappelez-vous, à l’époque le courant Grunge vivait la fin de son règne quand la mise en bac d’un « Live » de Nirvana provoqua le scandale chez les fans écœurés par l’exploitation de leur idole défunte. Les Pearl Jam en guerre contre une autre partie du business sortaient un « No Code » déroutant et profondément inspiré par leur récente collaboration avec Neil Young. Quant aux Alice In Chains, les problèmes d’addiction du chanteur Layne Stanley les maintenaient dans le brouillard.
Mon premier contact avec cet œuvre fut marqué par les premiers singles, diffusés lors d’émissions réservés aux insomniaques :
Le 1er « Pretty Noose » débute par une intro psychédélique pour ensuite évoluer sur des rythmes fidèles au groupe. Leur façon d’utiliser la pédale wha-wha sonne comme un vibrant hommage envers le plus célèbre « guitar-hero » de Seattle : Jimi Hendrix.
« Burden in my Hand » mélange les guitares Folks et électriques aux accordages étranges pour un résultat des plus envoûtants. La présence d'un inédit (l'expérimental et très bon « Karaoké ») en face B du maxi CD, intéressa les fans les plus acharnés.
« Blow up the Outside World » se pose comme un des morceaux les plus sombres et dépressifs du disque, très lent et acoustique sur le couplet, monte ensuite en puissance sur le refrain aux guitares saturées.
Un 4ème extrait sortit l’année suivante : « Ty Cobb » est doté d’une rapidité qui n’est pas sans rappeler le Punk / Hardcore des origines. La mandoline présente dans l’intro et le refrain, ajoute une touche Country fort plaisante et originale.
Loin de moi l'idée de décrire cet album comme une vulgaire machine productrice de hits radiophoniques, « Down on the Upside » conserve un caractère brut et résolument sincère.
Les racines Metal encore présentes bien qu'un peu plus discrètes que par le passé sont parfaitement diluées dans une tambouille mixant les différentes saveurs : Rock, Punk, Folk et Heavy. Si le groupe est souvent comparé à Led Zeppelin à juste titre, le fantôme de Black Sabbath plane sur bon nombre de compositions (« Rhinosaur », « Never the Machine Forever », « Tighter & Tighter ») qui nous remémorent le rôle qu’ont pu avoir les Soundgarden sur le son enfumé du Stoner/ Doom actuel. D'autres morceaux s’inscrivent dans une veine proche des « gangs de Detroit » (les Stooges et MC5 en tête) de par leur coté sauvage et désinvolte (les déjantés « Never Named » et « No Attention ») que n’aurait pas renié un certain Iggy Pop.
Vous l'aurez compris, « Down on the Upside » renoue avec les 70's chères au groupe, et témoigne d’un grand respect pour les anciens qui ont contribué à façonner leur style inimitable.
Musicalement, le groupe n'a rien perdu de son pouvoir incantatoire, notamment grâce à la richesse des arrangements et du chant habité de Chris Cornell (« Overfloater », « Boot Camp »). Scandant ses textes métaphoriques avec ce sens de la théâtralité qui lui est propre, le chanteur nous livre encore une fois, une performance remplie d’émotions !
Pour l'enregistrement, le groupe préféra contrôler toutes les étapes, en se passant de producteur (Adam Casper s'occupant tout de même du mixage) afin de ne pas réitérer les erreurs du passé, comme ces sessions interminables de « Superunknown » où les désaccords avec certains intervenants usèrent les musiciens. Le travail en studio ne fut pas vraiment une partie de plaisir (malgré leurs dires) et fragilisa cette unité.
Bien que le bassiste Ben Shepherd participe à l’élaboration de 7 titres sur les 16, le mérite revient majoritairement au chanteur (et accessoirement guitariste) qui reste le compositeur principal. Le guitariste « Lead » Kim Thayil semble écarté du processus de création, la prise en charge presque tyrannique de cette tâche par le leader Chris Cornell entama les rapports entre les 2 hommes. Le 6-cordiste lui reprochait sa volonté de radoucir le son du groupe et d’éclipser peu à peu les rythmiques en fer forgé, qui ont fait sa réputation.
La multiplication des tensions internes pendant la tournée qui s’avéra être un bordel sans nom précipitèrent la séparation inévitable du groupe.
Par la suite, les musiciens se consacrèrent à d’autres projets plus ou moins intéressants selon les cas jusqu’à l’annonce de leur reformation le 31 décembre 2009.
Aujourd’hui, nombreux considèrent « Down on the Upside » comme l’œuvre testamentaire du mouvement Grunge. Ce recueil de morceaux évoque le désespoir, comme s’il prédisait la fin du groupe et d’un cycle. La noirceur et la tristesse poussées à son paroxysme aident à faire ce rapprochement.
PS : Je tiens à remercier Forlorn pour sa contribution et les précieux documents d'époque qu'il m'a envoyé.
Rédigé par : vincesnake | 1996 | Nb de lectures : 2412
Cet album est pour moi l'apogée du groupe car il est d'une richesse incroyable. Il est aussi plus brut et peut-être plus sincère (par cela j'entends moins travaillé jusqu'à l'overdose, moins lissé, moins consensuel) que Superunknown (même si Superunknowsn recèle de petits bijous comme Head Down ou 4th of july).
Down on the upside retourne aux racines de Badmotorfinger tout en continuant sur la voie qu'il se sont tracées.
J'ai hâte d'entendre ce qu'ils peuvent nous proposer aujourd'hui, 15 ans après. Mais j'ai peur.
evil Membre enregistré
Posté le: 19/08/2012 à 13h28 - (27939)
"La noirceur et la tristesse poussées à son paroxysme aident à faire ce rapprochement." Bof, pas vraiment, y'a bien pire, il est assez fun, rock'n roll 70 cet album.
bakemono IP:90.1.51.63 Invité
Posté le: 19/08/2012 à 13h57 - (27940)
très bel article ! perso, quelques années après cette "fin du grunge" j'ai analysé cela de la même manière ! l'album testament d'une èere musicale, d'un mouvement !
Le Druide IP:82.67.29.241 Invité
Posté le: 19/08/2012 à 20h35 - (27942)
@ evil : fun ???
Euh ...
Municipal Waste, c'est fun
Ugly Kid Joe, c'est fun
Steel Panther, c'est fun
etc ...
Mais Soundgarden et "Down on the upside", non, ça c'est pas fun.
ego Membre enregistré
Posté le: 19/08/2012 à 21h56 - (27945)
J'adore cet album, il a tourné un nombre incalculable de fois chez moi à l'époque. Et pourtant j'suis pas un die-hard fan de Soundgarden. "On the storm it's time to go !"
GabinEastwood Membre enregistré
Posté le: 21/08/2012 à 11h27 - (27950)
Très belle chronique, particulièrement bien écrite.
Le summum de Soundgarden !
RBD Membre enregistré
Posté le: 29/11/2012 à 13h31 - (28526)
À l'époque, je ne m'y étais pas trop intéressé parce que je m'immergeais dans le Metal plus extrême.
On range toujours Soundgarden dans le Grunge, mais avec cet album c'est difficile de le prétendre, et pas uniquement parce que Kurt Cobain était mort et enterré ! Comme c'est bien souligné, le groupe avait lâché sans complexes toute son inspiration 70's pour un fort plaisant résultat.
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Mon premier contact avec cet œuvre fut marqué par les premiers singles, diffusés lors d’émissions réservés aux insomniaques :
Le 1er « Pretty Noose » débute par une intro psychédélique pour ensuite évoluer sur des rythmes fidèles au groupe. Leur façon d’utiliser la pédale wha-wha sonne comme un vibrant hommage envers le plus célèbre « guitar-hero » de Seattle : Jimi Hendrix.
« Burden in my Hand » mélange les guitares Folks et électriques aux accordages étranges pour un résultat des plus envoûtants. La présence d'un inédit (l'expérimental et très bon « Karaoké ») en face B du maxi CD, intéressa les fans les plus acharnés.
« Blow up the Outside World » se pose comme un des morceaux les plus sombres et dépressifs du disque, très lent et acoustique sur le couplet, monte ensuite en puissance sur le refrain aux guitares saturées.
Un 4ème extrait sortit l’année suivante : « Ty Cobb » est doté d’une rapidité qui n’est pas sans rappeler le Punk / Hardcore des origines. La mandoline présente dans l’intro et le refrain, ajoute une touche Country fort plaisante et originale.
Loin de moi l'idée de décrire cet album comme une vulgaire machine productrice de hits radiophoniques, « Down on the Upside » conserve un caractère brut et résolument sincère.
Les racines Metal encore présentes bien qu'un peu plus discrètes que par le passé sont parfaitement diluées dans une tambouille mixant les différentes saveurs : Rock, Punk, Folk et Heavy. Si le groupe est souvent comparé à Led Zeppelin à juste titre, le fantôme de Black Sabbath plane sur bon nombre de compositions (« Rhinosaur », « Never the Machine Forever », « Tighter & Tighter ») qui nous remémorent le rôle qu’ont pu avoir les Soundgarden sur le son enfumé du Stoner/ Doom actuel. D'autres morceaux s’inscrivent dans une veine proche des « gangs de Detroit » (les Stooges et MC5 en tête) de par leur coté sauvage et désinvolte (les déjantés « Never Named » et « No Attention ») que n’aurait pas renié un certain Iggy Pop.
Vous l'aurez compris, « Down on the Upside » renoue avec les 70's chères au groupe, et témoigne d’un grand respect pour les anciens qui ont contribué à façonner leur style inimitable.
Musicalement, le groupe n'a rien perdu de son pouvoir incantatoire, notamment grâce à la richesse des arrangements et du chant habité de Chris Cornell (« Overfloater », « Boot Camp »). Scandant ses textes métaphoriques avec ce sens de la théâtralité qui lui est propre, le chanteur nous livre encore une fois, une performance remplie d’émotions !
Pour l'enregistrement, le groupe préféra contrôler toutes les étapes, en se passant de producteur (Adam Casper s'occupant tout de même du mixage) afin de ne pas réitérer les erreurs du passé, comme ces sessions interminables de « Superunknown » où les désaccords avec certains intervenants usèrent les musiciens. Le travail en studio ne fut pas vraiment une partie de plaisir (malgré leurs dires) et fragilisa cette unité.
Bien que le bassiste Ben Shepherd participe à l’élaboration de 7 titres sur les 16, le mérite revient majoritairement au chanteur (et accessoirement guitariste) qui reste le compositeur principal. Le guitariste « Lead » Kim Thayil semble écarté du processus de création, la prise en charge presque tyrannique de cette tâche par le leader Chris Cornell entama les rapports entre les 2 hommes. Le 6-cordiste lui reprochait sa volonté de radoucir le son du groupe et d’éclipser peu à peu les rythmiques en fer forgé, qui ont fait sa réputation.
La multiplication des tensions internes pendant la tournée qui s’avéra être un bordel sans nom précipitèrent la séparation inévitable du groupe.
Par la suite, les musiciens se consacrèrent à d’autres projets plus ou moins intéressants selon les cas jusqu’à l’annonce de leur reformation le 31 décembre 2009.
Aujourd’hui, nombreux considèrent « Down on the Upside » comme l’œuvre testamentaire du mouvement Grunge. Ce recueil de morceaux évoque le désespoir, comme s’il prédisait la fin du groupe et d’un cycle. La noirceur et la tristesse poussées à son paroxysme aident à faire ce rapprochement.
PS : Je tiens à remercier Forlorn pour sa contribution et les précieux documents d'époque qu'il m'a envoyé.
Rédigé par : vincesnake | 1996 | Nb de lectures : 2412