"Symphony Of Enchanted Lands", sorti en octobre 1998, est de ces albums qui forgent une légende. Second album des Italiens, il va confirmer le talent du groupe, le plaçant de fait en tête de file du style "Heavy Symphonique". "Symphony Of Enchanted Lands" n’a presque pas pris de ride aujourd’hui. Et peut surtout se targuer d’avoir été l’un des créateurs de ce qu’on appellera plus tard le "Hollywood Metal", en référence au côté grandiloquent, majestueux et un poil clinquant.

La musique de Rhapsody se caractérise par des envolées mélodieuses et symphoniques, ponctuée d’instrumentations épiques. La base musicale sur les premiers albums, et notamment sur "Symphony Of Enchanted Lands", est indéniablement Heavy Metal, inspirée entre autres des cadors de l’époque, Helloween et Gamma Ray en tête. Forgeant une musique énergique, variée, puissante et surtout incroyablement mélodieuse.
Une bouffée d’air frais metallique, dans une période morose.
Car à l’automne 98, bien loin des préoccupations footballistiques, et à 100 lieues des futures digressions patronymiques auxquelles le groupe va être confronté, RHAPSODY traçait son chemin en toute quiétude, dans un contexte pourtant particulier : quelques mois après la signature des accords sur les 35 heures dans les entreprises françaises, la planète venait de subir une nouvelle crise boursière mondiale, impactant bon nombre d’entreprises. Plombant au passage le moral des citoyens, instaurant un climat d’inquiétude peu sain, et presque oppressant.
Sans qu’aucun pays ni institution n’en tire bien sûr le moindre enseignement.
L'Histoire est un perpétuel recommencement.

Mais surtout, à la sortie de "Symphony Of Enchanted Lands" : la France, avec l’appui des médias dociles, entrait de plein pied dans une période de cataclysme culturel sans précédent, qui s’apprêtait à modifier l’horizon musical et culturel pour les années à venir : la tornade des comédies musicales venait de fracasser notre réalité, matérialisée par "Notre-Dame de Paris", et ses envolées cacophoniques que bon nombre d’entre vous ont dû maudire.

Autant dire qu’en tant que lycéen, au milieu de ces abominations, sans autre moyen de découverte que les magazines et leurs samplers aux allures de caverne d’Ali Baba sonore, "Symphony Of Enchanted Lands" fut pour moi une baffe incroyable. Tant de musicalité et d’efficacité, mêlées à un Heavy Metal guerrier et accrocheur, achevaient de me rallier à la cause du Heavy.

Les orchestrations symphoniques, en plus de renforcer l’aspect épique et grandiloquent, mettent parfaitement en valeur l’aspect mélodique, porté avant tout par le claviériste du groupe, Alex Staropoli, qui composa la quasi-totalité des orchestrations. A l’époque, cet opus possédait des moyens d’enregistrement conséquents, pour un groupe de Metal, car le quintet s’était entouré de musiciens classiques.
RHAPSODY va faire appel à des chœurs russes, italiens ou religieux, ainsi qu’à une quinzaine de musiciens classiques (violons, violoncelle, clavecin, altos, contrebasse), afin d’interpréter les dizaines de partitions classiques composées pour l’occasion. Marque de fabrique du groupe, cette association entre orchestrations classiques et Heavy Metal, encore timorée mais déjà indissociable, était parfaitement intégrée dans la musique des Italiens. En plus de créer une ambiance guerrière captivante, ces orchestrations, présentes aussi bien en intros/outros qu’au beau milieu des morceaux, font véritablement partie intégrante de la musique du groupe, et du mode de composition.

Mais je le disais, la base musicale de "Symphony Of Enchanted Lands" est avant tout Heavy. Ponctué de cavalcades, d’accélérations captivantes, de rythmes variés et résolument guerrier, l’album est globalement rapide, rythmé par de réguliers mid-tempos. Et regorge d’hymnes et de morceaux imparables. Et percutants.
Les riffs alignés par le mentor de RHAPSODY, Luca Turilli, suivent les lignes mélodiques, renforçant le côté épique tout en préservant la hargne du Heavy Metal. Agrémenté de réguliers soli, typiques du style, Luca place au premier plan ses riffs mémorables, porteurs du style du groupe, enchaînant les mélodies imparables.

Je me souviens également à cette époque avoir été durant un temps la risée des copains de lycée ; les cons, ils étaient persuadés, lorsque je leur parlais avec tant d’enthousiasme de RHAPSODY, que j’étais fan de Rap et de Warren G. Vous ne vous en souvenez peut-être pas, mais à l’automne 98, "Prince Igor", le single de The Rapsody Overture, cartonnait sur les ondes FM. Ce duo entre le rappeur Warren G et la chanteuse d'opéra Sissel, reprenant une mélodie tirée de l'opéra ‘Le Prince Igor’ (du compositeur Alexandre Borodine), fut numéro un des ventes en Europe. Et plomba durant un temps toute ma crédibilité adolescente (oxymore, je sais), jusqu’à ce que je fasse écouter "Symphony Of Enchanted Lands" aux potes.

"Symphony Of Enchanted Lands" m’aura servi de porte d’entrée (avec Stratovarius) dans la scène Heavy Metal, me poussant à reléguer mes albums de Black dans un coin de ma chambre. Considéré comme l'un des meilleurs albums de RHAPSODY, "Symphony Of Enchanted Lands" aura surtout confirmé et imposé ce groupe talentueux à tout un public, grâce à sa richesse musicale, la diversité des morceaux, les hymnes mémorables, ouvrant à RHAPSODY la porte de la reconnaissance et lui permettant de tourner avec les grands de cette scène.

Rhapsody sortira ensuite plusieurs autres albums acclamés, faisant évoluer son style en rapprochant son mode de composition des musiques de films ; le groupe connaîtra ensuite les affres de la "célébrité", les jalousies de copyright et les déchirements internes, mettant fin à 16 années de prospérité musicale et de reconnaissance méritée. Mais ceci est une autre histoire...


Rédigé par : ..::Ju::.. | 1998 | Nb de lectures : 2277