KATATONIA - Brave Murder Day (Avantgarde) - 25/03/2012 @ 10h18
Le truc vraiment sympa avec ces chroniques Remember, c’est le fait qu’elles imposent aux rédacteurs d’un jour un retour vers le passé qui nous renvoie parfois 15 ou 20 ans en arrière, pour aller chercher de la «matière à dire» au sujet des premiers albums achetés. En l’occurrence, je ne ferai pas l’affront aux lecteurs de VS de lire une chronique sur mes premiers achats, car je doute que ceux-ci trouvent ici beaucoup de fans. Et je dois dire que moi-même, je n’apprécie que très très modérément mes premiers achats (hey, on parle quand même de Giant, Def Leppard, Great White et consorts, des «gros» dossiers...arf).

Après un passage vers des esthétiques musicales différentes vers le milieu des années 90 (bah oui, mon prof de zique était un jazzeux, alors...), je fais un retour aux sources, un peu par hasard, en achetant deux disques dont j’avais alors pas mal entendu parler : Draconian de Paradise Lost et Far Away From the Sun de Sacramentum (un scandale que ce groupe ait splitté, mais ceci est une autre histoire...). Ces deux disques m’ont alors permis de me remettre en selle et ont ravivé mon intérêt pour des musiques plus extrêmes qui ne m’a plus quitté depuis.

Bref, comme dirait l’autre.

En ce milieu des années 90, il me semble que ces musiques extrêmes ont filé un bon coup de pied au cul au métal en général, et qu’il y avait en quelque sorte une sorte d’effervescence autour de ces musiques. Pas mal de ces groupes, souvent venus de pays «exotiques», apportaient une certaine fraîcheur (hé, hé...) et commençaient à pulluler sur nos contrées, auxquels seul le magazine Metallian qui se développait alors et qu’on commençait à trouver en kiosques, accordait un tant soit peu un espace d’expression. Les autres canards «établis» (Hard Force, Hard Rock Magazine, Hard’n’Heavy) ignoraient copieusement ces groupes venus du nord, qui ne représentaient alors quasiment rien en termes commerciaux. Petite anecdote en passant : qui se souvient que les FNAC, prenant le train en marche, proposaient de plus en plus de disques de ces styles extrêmes, disques identifiés par un autocollant orange fluo «black metal» fort racoleur qui permettait de repérer plus vite dans les bacs les albums de groupes obscurs aux logos sans cesse plus illisibles?

Autre signe d’une bouillonnement certain autour de ce type de musique, on pouvait assister de plus en plus à des concerts un peu underground. Marseille et Vitrolles possédaient alors deux jolis petits lieux qui ont accueilli bon nombre de formations devenues depuis complètement kvltes. Malheureusement, l’une d’entre elles, le Sous-Marin à Vitrolles fut fermée par ces enc... de la mairie Front National rapidement après leur arrivée aux affaires (qu’on se le dise, le Front National restera l’ennemi de toutes les cultures, quelles qu’elles soient). Avant cette fermeture, j’ai eu la chance d’assister à deux dates qui m’ont durablement marqué l’esprit. La première était le package Samael/Moonspell/Rotting Christ qui promouvaient respectivement leurs albums Passage, Sin Pecado et Triarchy of the Lost Lovers (excusez du peu). La seconde était nettement moins «festive», puisqu’elle réunissait un groupe sud africain plutôt inconnu au bataillon (Void of Silence) qui ouvrait pour Katatonia alors en tournée promotionnelle pour Brave Murder Day et In the Woods qui venait de sortir Heart of the Ages. Sur cette date, et sur une grande partie de la tournée, la voix, normalement assurée par Jonas Renske, alors également batteur de la formation, était assurée par Blakkheim, le guitariste principal, suite à une extinction de voix du premier.

C’est donc en ce 23 novembre 1996 que j’eus mon premier contact avec la musique de Katatonia. Le groupe avait emporté avec lui sur cette tournée une partie du blizzard scandinave, en promouvant donc leur dernière production, Brave Murder Day (et leur première production, si on excepte le EP For Funerals to Come, sur le label en vogue de l’époque, les italiens d’Avant Garde Music).

Rapidement après ce concert mémorable et unique à plus d’un titre (je me souviens par exemple que les auditeurs s’étaient tous assis par terre pour assister au concert étonnamment babacoolesque d’In the Woods), je me suis précipité chez mon disquaire favori, une petite boutique spécialisée dans la pourtant très bourgeoise Aix-en-Provence, qui recevait toutes les nouveautés en matière de black et de death nordique (combien existe-t-il aujourd’hui de disquaires spécialisés?). Là, je mettais la main sur ce fameux Brave Murder Day, avec sa pochette monochrome qui avait comme avantage de mettre directement dans l’ambiance : le cadavre d’un oiseau en putréfaction, comme une séquelle d’un hiver rude, froid, implacable. Des pages intérieures à l’avenant : du verre brisé, des clous rouillés, une lumière blafarde, la pluie. Pas besoin de beaucoup plus, le décor est fermement posé. Les titres sont eux-mêmes également d’une économie à toute épreuve. Six mots pour six titres évocateurs : Brave, Murder, Day, Rainroom, Twelve, Endtime. Basta.

A pochette monochrome, disque monolithique. Je ne ferai pas un titre-à-titre, pour la simple et bonne raison que ce Brave Murder Day fait partie de ces disques extrêmement cohérents, composé d’une succession de titres très proches les uns des autres. Cette assertion peut sonner comme une critique, mais n’en est pourtant pas une, loin s’en faut. C’est typiquement le type d’album qui, de la première à la dernière seconde, vous emporte et vous plonge dans un état d’esprit particulier qui mélangerait à la fois une espèce de torpeur hivernale mais aussi, bizarrement, une propension à vous faire taper du pied.

J’en veux pour preuve ce premier titre qui commence avec un feedback de gratte et qui, depuis que je le connais, me fout toujours autant le frisson, annonciateur d’un mid-tempo ravageur, très long (plus de dix minutes au compteur), massif, avec un riff de guitare très caractéristique du style d’alors de son guitariste et compositeur principal, le génialissime Blakkheim (alias Anders Nystrom à la ville). Ce seul titre résume parfaitement ce que l’on peut entendre tout du long de ce disque essentiel : riffs ultimes superbement et constamment harmonisés, passages doom illuminés de leads de premier choix, breaks ultimes (en l’espèce, celui en tapping qui intervient à la troisième minute de ce premier titre, provoque chez moi un «eargasm» à tous les coups), reprises à s’en démettre gentiment les cervicales, le tout rehaussé d’une voix d’outre-tombe, qui rappelle l’attachement du groupe au death metal.

Sur ce disque (et sur le EP suivant), cette fonction est exceptionnellement assurée par Môsieur Ackerfeldt, venu prêter main-forte à ces petits camarades pour assurer des vocaux death sur la quasi-intégralité des titres (à l’époque où ce dernier trouvait ça encore cool). Inutile de préciser que notre homme fait du (très) bon boulot avec sa voix extrêmement profonde qui rajoute une couche de tristesse et de profondeur à un album qui n’en avait décidément déjà pas besoin. Ajoutez encore à cela une batterie elle aussi très monolithique, fort avare en modulations et en breaks (c’est à peine si elle ponctue les changements de partie... amis batteurs, si vous cherchez des breaks à travailler sur ce disque, passez votre chemin) et qui trace inexorablement sa route tel un transporteur routier international non gréviste.

Le second titre est si proche du premier (en terme de tempo, de tonalité, d’ambiance) qu’on peut croire qu’il n’est ni plus ni moins que la seconde partie du premier titre. C’est dire le degré de «monolithisme» du disque. Encore une fois, ceci peut sonner comme une critique pour certains, mais pour moi, c’est clairement une des forces de l’album. Et d’ailleurs, c’est à mon sens une des grandes qualités de ce groupe, qui est de proposer des albums, quoique très divers les uns des autres, mais d’une grande cohésion.
Glaçage et non pas cerise sur le gâteau, la production, parfaite, est assurée par Maître Swanö, en train de devenir à cette époque-là une référence en matière de production et de masterisation.

Sur cet album qui leur a valu leur premier vrai succès commercial, un titre pourtant se démarque du lot. Le troisième titre, Day, agit comme une respiration (toute relative, tant le titre est d’une tristesse insondable) : batterie minimaliste, saccadée, limite névrotique (très probablement un sample d’ailleurs), voix que n’aurait pas reniée Robert Smith, guitares cristallines mais toujours glacées qui servent au final un titre très pop. Ce titre préfigure par bien des aspects une des facettes du Katatonia à venir.

A la sortie de ce disque, quelques interviews dans les canards metal laissent poindre l’évolution à venir du groupe : le groupe déclare ainsi qu’il allait désormais s’attacher à écrire une musique tendant à mêler une approche pop avec un son et une production issue du death metal. Cette digression stylistique allait conduire le groupe à réaliser Discouraged Ones et surtout Tonight’s Decision, puis à encore faire évoluer le son du groupe sur les albums suivants, tous aussi intéressants et intenses (mention toute particulière et très personnelle à Viva Emptiness et Night is the New Day, mes favoris). Toujours est-il que ce Brave Murder Day fait partie des pépites d’une discographie quasi parfaite (oui, oui, je suis un fan et j’assume).

PS : pour les fans ultimes, allez faire un tour sur Youtube, saisissez «Katatonia» et «Vitrolles» dans la zone idoine et vous accèderez à des vidéos d’époque de ce fameux concert qui m’a introduit à la musique de ce groupe (attention, séquences historiques aux son et image vintage...).


Rédigé par : grozeil | 1996 | Nb de lectures : 2456


Auteur
Commentaire
evil
Membre enregistré
Posté le: 25/03/2012 à 10h43 - (27241)
Il n'y a pas de honte à avoir acheté du Def Leppard ou du Giant, vu qu'ils ont sorti des classiques du metal (surtout Def Leppard), au même titre que cet album de Katatonia ou que le Draconian Times de Paradise Lost.

Le jour où certains auront compris que ce n'est pas une question de style mais de qualité, ça sera un grand pas en avant....



jaquouille
Membre enregistré
Posté le: 25/03/2012 à 10h47 - (27242)
c'est fout comme certains de nos achats peuvent provoquer un relent de nostalgie... premier achat pour ma part après le déménagement dans une grande ville avec ma futur femme... un grand album que j'ai écouté très, très longtemps... et hop une écoute "remember"



grozeil
Membre enregistré
Posté le: 25/03/2012 à 10h48 - (27243)
Mmmmmh, oui, sauf que Hysteria de Def Leppart en l'occurrence... ahem. ;)

Nekobibu pas loggé
Invité
Posté le: 25/03/2012 à 13h54 - (27247)
"(et leur première production, si on excepte le EP For Funerals to Come, sur le label en vogue de l’époque, les italiens d’Avant Garde Music)"
...
Euh...
Comment dire...
Je crois que tu as tout simplement oublié leur premier album, Dance of December Souls (et dans une moindre mesure, leur démo/EP Jhva Elohim Meth). ;)
Il faut vite réparer cette erreur !
Personnellement, j'ai découvert KATATONIA avec les deux titres de la compilation W.A.R.(un disque multi-claques), je me suis vite jeté sur Dance of December Souls, et à la sortie de Brave Murder Day, je me souviens m'être dit "ouais, c'est bien, mais c'est pas pareil, ils commencent à virer commercial..." (réaction typique d'ado, hein !). Évidemment, mon avis a bien changé depuis, cet album est fantabuleux, comme la quasi-totalité de leur discographie !

grozeil
Membre enregistré
Posté le: 25/03/2012 à 14h21 - (27250)
En fait, ce que je voulais dire, c'était que ce disque était la première production, hors EP, sur le label Avant Garde Music et qui était alors un label avec de plus grosses prétentions (leur premier cd était produit sur No Fashion il me semble).

Nekobibu
Membre enregistré
Posté le: 25/03/2012 à 15h31 - (27251)
Aaaaaaaaaaaaaaaaaah, dans ce cas, toutes mes confuses, je suis monté un peu vite au créneau ! :)

Ta chronique fait honneur à l'album, en tous cas ! Let's stay here for a while...



Nem Vapeur
Invité
Posté le: 25/03/2012 à 18h07 - (27256)
Je l'avais acheté à sa sortie et revendu rapidement.

J'ai jamais accroché à Katatonia.

nightswan
Membre enregistré
Posté le: 25/03/2012 à 20h36 - (27260)
J'ai commencé avec cet album (entendu Rainroom pendant l'émission métal sur Radio 21 à l'époque), puis Dance of december souls + Jhva elohim meth et après, j'ai suivi toutes les sorties jusqu'à maintenant.
Excellent album, bien désespéré je lui préfère toutefois l'EP Sounds of Decay pour ce qui est du son, mais ça fait partie de l'identité de l'album. Je ne sais d'ailleurs pas ce que donne le remix...
Et dernière galette avant le tournant vocaux clean... Ah cette voix d'outre tombe de sieur Akerfeldt... The sound of falling, when the pictures are moving, dead in time





TarGhost
Membre enregistré
Posté le: 25/03/2012 à 20h57 - (27261)
Fait intéressant qui explique en partie le son quelque peu aride de cet album...
"Note: This album originally went to the pressing plant completely unmastered, hence the low output of audio and lack of various EQ/FX enhancements. It was finally mastered for the first time in 2006 when Peaceville Records re-released the album as a digipak with the "Sounds of Decay" EP as bonus tracks."
Pour moi, cette touche si particulière sur le son me charme...j'en ai encore des frissons, mmh.
Un album vraiment unique, que seul le "Rain without end" d'OCTOBER TIDE pourra titiller par la suite, mais quand on connaît le line-up de ce groupe, on comprendra pourquoi :-)




grozeil
Membre enregistré
Posté le: 25/03/2012 à 23h58 - (27264)
Bah, tiens, je me coucherai moins con ce soir, je ne savais pas du tout ce "détail" sur la (non) masterisation du skeud. Tu as repris ça sur la réédition, j'imagine?

TarGhost
Membre enregistré
Posté le: 26/03/2012 à 21h03 - (27266)
A vrai dire, c'est sur Encyclopedia Metallium que j'ai pu lire cette info...une vraie mine d'or pour metalgeek ce site / cette appli.
En plus, ça permet de briller en société en sortant LA petite anecdote qui tue !
Reste juste à pouvoir la placer, ça c'est pas toujours évident.



panzerfaust
IP:194.12.17.184
Invité
Posté le: 08/03/2014 à 23h42 - (30629)
MONUMENTAL! je l'écoute encore très fréquemment, à fort volume, il me fait toujours autant chialer. Le plus grand choc musical de ma vie, avec icon de PL.

Sounds of Decay est lui est indissociable avec le fabuleux "at last".

matthieullica
Membre enregistré
Posté le: 09/03/2014 à 20h35 - (30637)
Très belle chronique pour ce disque découvert pour ma part à sa sortie
et dans mon top 15 tous styles metal confondus.

Monolithique, c'est indubitablement le mot qui convient.

La pochette a beaucoup conditionné mon achat lorsque je l'ai aperçu dans les bacs de la Fnac de Cergy Pontoise (sans sticker orange). Celle de Dances Of Decembre Souls m'avait à l'époque dissuadé d'acheter le disque... comme quoi.

J'étais alors avide de sensations. Burzum, In The Woods (Heart of Ages), et TOUT le catalogue de feu Misanthropy Records.
Adipocère Records et les colis de Vonnas attendus comme le messie.

Triste, mélancolique, désincarné... avec quand même (avec du recul) un petit côté "too much" : "Mais tu vaaaas chiiiaaaallllleeerr bordel de merde !"

Les dernières sorties sont à l'image de ParadiseLost pour ma part. C'est bien foutu, bien branlé, mais çà ne me donne plus le frisson depuis belle lurette. Tant pis pour moi.


jaquouille
Membre enregistré
Posté le: 11/03/2014 à 06h05 - (30644)
je partage ton avis bien que j'ai adoré Discouraged Ones avec ce titre monumental... I break

leur album acoustique est vraiment excellent et j'ai hâte de les voir dans 2 mois lors de cette tournée accoustique


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