LIFE OF AGONY - River Runs Red (Roadrunner) - 01/02/2009 @ 11h54
C'était il y a fort longtemps (16 ans en fait, la préhistoire ou tout comme). Le Hardcore se mit à faire l'école buissonnière et chemin faisant changea la face du Métal.
1992, Helmet sortait son premier album et prouvait à tout le monde qu'on pouvait sortir un monstre d'efficacité et de puissance en élaguant au maximum.
Biohazard ( inspiré par les Cro-Mags) sortait "Urban Discipline". Ces derniers faisaient copuler le Hardcore, le Métal et le Rap.
1993, Neurosis ( ancien combo de Hardcore/Punk) sortait "Enemy of The Sun" et cela ne se nommait pas encore du Postcore. Eyehategod sortait son "Take as Needed for Pain" et ce n'était pas encore étiqueté Sludge. On parlait de Doom Hardcore psychédélique ou malsain; c'était selon. Ce fut aussi la sortie du "Bloody Kisses" de Type O Negative; mélange savant de Doom sauce Gothique, de Hardcore et d'une ironie mordante et distanciée.
Ainsi, cette même année parut le premier album des petits frères de Type O : Life of Agony. Petits frères car outre le fait qu'ils partagèrent le même batteur à cette époque (Sal Abruscato), la première démo et le premier album du groupe furent produits par Josh Silver, le claviériste de Type O.
Et vous me direz :" Et alors ce skeud !!??"
Et alors... oui, ils font du Hardcore. Il y a du mosh, des choeurs de bûcherons mais...
La rondelle commence normalement ; ça cogne avec un riff rapide. On se dit pas de doutes c'est du Hardcore. Mais quelques secondes après, ralentissement général !! Riff écrasant, lourd, lancinant et la voix se fait entendre et quelle voix !!! Une voix chaude, épaisse, gorgée de Soul qui nous évoque le Blues. On notera quelques intonations à la Pete Steele chez Keith Caputo (le chanteur) sur les passages graves ou tout en ambiance. Enfin, on remet un petit coup d'accélérateur pour un refrain accrocheur et fédérateur en diable. le tout enrobé d'un groove qui ferait sautiller de joie un cul-de-jatte.
Voilà, c'était ça Life of Agony, un mélange subtil de hardcore, de riffs métal plombés d'une noirceur insondable, d'un groove de tous les instants capable d'embraser un pit et d'un clavier discret pour l'atmosphère.
On pourrait penser que l'ensemble fut un vrai bordel indigeste. En fait, c'est un miracle d'homogénéité et cela pour deux raisons majeures.
D'abord, ce disque est l'oeuvre d'un seul et même homme : le bassiste, Alan Robert. En effet, ce dernier a non seulement composé tous les titres mais il est aussi l'auteur de tous les textes.
Cela nous amène à la deuxième raison du miracle. L'animal nous a pondu un quasi-concept album. Cela est renforcé par l'intrusion entre les titres d'interludes qui nous narrent l'histoire d'une vie perdue qui se clôture sur un suicide final. Alan Robert d'inventer le Hardcore dépressif. Mais attention, là je dis halte !! Je vois déjà pointer vos mines dubitatives et moqueuses. Non, nous ne sommes pas chez l'émo qui tente de faire pleurnicher la pucelle de 14 ans qui sommeille en chacun de nous et ni chez le grunge qui a mal à son existence du fait de sa vacuité. Même si la problématique existentielle est présente, cette dernière s'inscrit dans un contexte social. Je vous le rappelle c'est du hardcore bordel !!! C'est une dépression qui ne pleure pas mais qui se révolte qui dit tu vas voir ta gueule si tu croises ma route ! C'est l'Amérique des exclus pour qui le rêve américain a pris tout son sens. En effet, un rêve reste un rêve; un joli mythe capable de pacifier les pauvres. Robert nous invite à suivre la destinée de l'Amérique niquée du berceau jusqu'au tombeau.
Bien que ce soit l'oeuvre de Robert, il est impossible de dissocier ces textes de l'interprétation de Caputo tant ce dernier personnifie ce désespoir. Il faut dire que Caputo n'a pas eu une vie facile jusque-là. De ce fait, il n'y avait pas mieux pour comprendre et incarner le projet de Robert. C'était une symbiose parfaite.
Sur les dix titres de l'album, il est difficile de mettre en avant un morceau plutôt qu'un autre. Mais on pourra mettre l'accent sur le "tubesque" "Trough and Trough" (il y a eu un clip et ce dernier passa même quelques fois sur M6 !!), le très compact et méchant "River Runs Red". Pour les amateurs plus raffinés, on citera volontiers les morceaux tout en ambiance que sont "Words and Music" et "Bad Seed". Enfin, le fan de Biohazard se délectera du bien nommé "Method of Groove" avec ses vocaux entre rap, aboiements et choeurs de bûcherons et du très agressif "The Stain Remains".
Malheureusement, la suite fut moins glorieuse. Entre une orientation Rock mélodique (pop !!!) et l'abandon du navire pendant un temps par Caputo, le groupe n'atteindra plus jamais le sommet de ce premier album. Même la réintégration du chanteur et un retour vers les sonorités du passé ne purent rien contre un manque flagrant d'inspiration. L'aspect cathartique de ce premier jet n'est sûrement pas étranger à cet état de fait. Il semble évident que Robert, ayant balancé tout ce qu'il trimballait en lui, fut fort dépourvu lorsqu'il fallut poursuivre sans s'autoplagier.
Album hors normes, miraculeux tant les ingrédients qui le composent semblent contradictoires et que le groupe semble condamné à jouer sur scène lors de leurs tournées.
Pour moi, cet album reste un chef-d'oeuvre unique, à la fois déprimant comme rarement, rageur et groovy en diable. Un disque qui fait du bien quand vous êtes au fond du trou.
La fin est certaine mais ça n'empêche pas la lutte.


Rédigé par : Dark Rabbit | 1993 | Nb de lectures : 2105


Auteur
Commentaire
Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 01/02/2009 à 13h43 - (26453)
Dans Carnivore, la basse et le chant étaient tenus par Peter Steele et la gratte par le gratteux de Life Of Agony, une connexion supplémentaire.


ludwig (alien/klang!!!)
Membre enregistré
Posté le: 01/02/2009 à 14h23 - (26454)
le genre d'album qui peut pousser une génération à prendre un instrument. dans mon top 5 de tous les ans depuis 93 et sûrement pour encore trèèèès longtemps. chouette chronique pour un album intemporel.

RBD
Membre enregistré
Posté le: 01/02/2009 à 20h55 - (26464)
Un très grand album bien décrit. L'alchimie entre des influences très hétéroclites a donné un disque très original et pourtant parfaitement cohérent et en phase avec le Metal-HC de l'époque. Par la suite, la diversité des influences a provoqué des tiraillements trop forts, et le albums suivants n'ont pu être réellement à la hauteur, à mon sens.



Max
Invité
Posté le: 04/02/2009 à 21h56 - (26476)
Bonne chronique, bien représentative de l'atmosphère de cet album poignant!

bin
Invité
Posté le: 19/05/2009 à 23h20 - (26753)
la voix c'est du Acid Bath ecoutez vous men direz des nouvelles

DARK RABBIT
Membre enregistré
Posté le: 22/07/2009 à 16h54 - (26801)
Tiens je n'avais point vu la remarque de bin.
Remarque pertinente mais il me semble que le 1er album d'Acid Bath est paru l'année d'après donc il est difficile d'y voir une quelconque influence.


TarGhost
IP:80.215.32.254
Invité
Posté le: 30/08/2013 à 08h39 - (29755)
1993...que d'albums essentiels qui contribuèrent à mon éducation métallique.
Marrant, mais je suis passé à côté lors de sa sortie, trop occupé à me palucher sur la tripaille sanguinolante du death...je l'ai découvert lors de sa mise en boite dans les coffrets Roadrunner sortis cette année.
Il ne m'a fallu que quelques petites secondes pour comprendre mon erreur...cet album studio est un essentiel et la chro de Dark Rabbit est à ce titre exemplaire. Et quelle prestation de Keith Caputo mes aïeux !
D'ailleurs, plutôt qu'Acid Bath, je rapprocherai le chant de Keith de celui du vocaliste d'Only Living Witness...j'y retrouve pas mal d'intonations similaires.

Ajouter un commentaire

Pseudo :
Enregistrement Connexion






Niveau de modération : Commentaires non modérés par l'administration du site

Ce commentaire est soumis à la lecture et à l'approbation des modérateurs. S'il ne suit pas les règles suivantes : Pas de pub, pas de lien web, pas d'annonces de concerts, il ne sera pas retenu. Plus d'infos

Proposez News | VS Story | F.A.Q. | Contact | Signaler un Bug | VS Recrute | Mentions Légales | VS-webzine.com

eXTReMe Tracker