CRADLE OF FILTH – Cruelty And The Beast (Music For Nations) - 06/01/2008 @ 11h31
“Oh ! Listen to them... The children of the night. What sweet music they make !”

Pour ceux d’entre-vous qui, comme moi, ont découvert le Black Symphonique par l’entremise du plus-obscur-que-ça-tu-meurs "Dusk And Her Embrace", cette phrase – à l’origine tirée d’une des premières versions cinématographiques de Dracula avec Bela Lugosi dans le rôle titre, et reprise sur ledit album – ne doit pas résonner dans votre tête sans faire rouler de délicieux souvenirs de noire nostalgie au fond de votre âme à jamais pervertie. Sorti en 1996, le prédécesseur de "Cruelty And The Beast" a en effet, pour beaucoup, été une révélation : il a ouvert à nos pauvres oreilles formatées de nouveaux horizons musicaux que nous étions alors bien incapables de soupçonner, alliant à la rage démesurée du Black Metal des accents de musique symphonique, le tout enrobé dans un magnifique habillage d’érotisme et de volupté… pour une jouissance assurée.

Délaissant le cortège des loups hurlants à la nuit et la froide ambiance satino-vampirique sévissant sur les précédents opus, Dani Filth, pour ce troisième album, s’en va explorer les cryptes poussiéreuses de l’Histoire pour déterrer un sujet qui sied parfaitement à ses penchants romantico-macabres : l’histoire d’une certaine Comtesse Bathory, Elisabeth de son prénom, ayant vécue en Hongrie à la fin du XVI début XVII, et qui est passée à la postérité pour s’être adonnée à un passe-temps pas tout à fait toléré par l’Eglise catholique de l’époque : le MSA (comprenez : Meurtre en Série Automatique). La légende voudrait que la belle farouche accoquinée au malin ait sacrifié un impressionnant cortège de jeunes vierges pour se baigner dans leur sang afin de conserver une peau lisse (« parce que je le vaux bien »), mais surtout, une jeunesse éternelle, ce qui lui aurait valu, toujours selon les croyances populaires, le surnom de « Comtesse Dracula ». Le thème vampirique cher au hurleur anglais n’est donc pas si éloigné.

Le passage sur Music For Nations et le succès de "Dusk" aidant, Dani Filth se donne les moyens de mener à bien son œuvre. Il se documente longuement sur le sujet et prend le temps de rédiger à l’avance les différents textes à partir desquels les compositions s’étofferont. Gardant à ses côtés ses fidèles serviteurs que sont Nicholas (implacable marteleur), Robin Grave (pulsateur de graves fréquences), et l’hydre à deux têtes Stuart / Gian aux guitares, il recrute en la personne de Les « Lecter » Smith un nouveau claviériste pour remplacer Martin parti vers d’autres cieux. On ne change pas une méthode qui a fait ses preuves : tout comme Dusk, Cruelty est mis en boîte au DEP International Studio de Birmingham, en trois mois de temps.

L’enregistrement bouclé, et grâce à une importante couverture médiatique, l’album commence à se faire « cruellement » désirer. Dani n’est pas pour rien dans cette petite mise en scène. Il semble soudain pris d’un don d’ubiquité : il multiplie les interviews, fait la une de quasiment tous les magazines spécialisés de l’époque : Hard Rock, Hard And Heavy, Metallian... Même Paris Match et Gala ne semblent plus très loin... Résultat : la communauté de fans, considérablement élargie par cette opération marketing rondement menée, trépigne d’impatience, et chaque nouvelle apparition du meneur anglais est suivie comme l’intervention du messie. Certains titres passent même sur les ondes de radios locales, tard le soir, et "Lustmord and Wargasm" donne le ton en étant pressé sur la compile mensuelle (de mémoire, donc je suis pas sûr) de Hard And Heavy : un titre d’une qualité époustouflante qui achève de nous mettre l’eau – ou plutôt, le sang ! – à la bouche.

L’album atterrit dans les bacs le 5 Mai 1998. Mieux que de combler l’attente du public, il va jusqu’à la dépasser largement puisque, n’y allons pas par quatre chemins, "Cruelty and the Beast" est un pur joyau.

Là où le parti pris d’un concept album aurait pu devenir un obstacle à la créativité, il se révèle au contraire un formidable catalyseur, une source intarissable de trouvailles musicales : à aucun moment les textes ne prennent le pas sur la musique, et l’ensemble se complète avec une cohérence et une spontanéité tout à fait confondantes. L’arrivée de sang neuf n’est pas pour rien dans cette réussite : Lecter, le nouveau claviériste, apporte une touche symphonique plus poussée encore que sur "Dusk" et "Vampire" et participe grandement à mettre en valeur l’ambiance érotique et sanguinolente des textes de Dani. Certaines introductions ("Beneath The Howling Stars", "The Twisted Nails Of Faith", "Lustmord and Wargasm") sont dignes de la musique d’un film d’horreur, auquel ce "Cruelty" pourrait d’ailleurs tout à fait être la bande son… Les guitares ne sont pas en reste, puisque le côté Heavy a été développé : plus de riffs, plus de rythmes qui font balancer la crinière... Quelques solos font même leur apparition. Dani a travaillé sa voix, et si on tend l’oreille, on parvient à comprendre ce qu’il articule, ce qui était plus périlleux sur le précédent opus. Point d’orgue de cette symphonie macabre : Nicholas, derrière ses fûts, qui, bien que légèrement en retrait par rapport aux autres instruments du fait d’un mix critiquable, tabasse sévèrement tous les tempo imaginables avec une précision de marteau pileur.

Rien n’a été laissé au hasard : "Cruelty And The Beast" est une réussite sur tous les plans : adéquation parfaite entre imagerie (un livret toujours aussi fourni avec mise en scène étudiée… une constante chez Cradle), contenu littéraire (les textes de Dani démontrent un travail qui force au respect), et la musique, tour à tour violente, complexe, apaisée, vibrante, torturée, jouissive, bref, en parfait accord avec les différents états d’âme que traverse la Comtesse Bathory. La recette porte ses fruits, puisque "Cruelty" atteint des records de vente, dépassant la barre des 200 000 exemplaires écoulés détenue jusqu’ici par son frère ennemi norvégien Dimmu Borgir avec "Enthrone Darkness Triumphant". Les éloges de la presse souligne la tangente en se montrant quasi unanimes : le groupe va même jusqu’à récolter le trophée du « meilleur groupe live » de l’année aux Kerrang ! Award 1998, passant devant Korn et Black Sabbath. Dès lors, Cradle Of Filth s’impose comme le faire de lance de la musique Black Symphonique, et "Cruelty", comme le point culminant de sa carrière. S’en suivra une tournée européenne qui cumulera une vingtaine de dates. Le groupe ira jusqu’à franchir l’Atlantique pour conquérir le sol américain vers la fin de l’année 1998.

Si l’on peut critiquer la direction que prendra Cradle par la suite et le manque de renouvellement artistique dont souffrira sa musique, on ne peut ôter à ce "Cruelty And The Beast" ce qu’il incarne dans l’histoire de la musique extrême : une œuvre maîtresse, qui définit les codes du genre Black Heavy Symphonique. En clair, un album d’anthologie, donc incontournable.


Rédigé par : goldenear | 1998 | Nb de lectures : 2554


Auteur
Commentaire
Thrashdeathblack
Membre enregistré
Posté le: 10/04/2008 à 10h14 - (25351)
Je n'ai jamais réussi à aimer cet album...Autant je concidère "Dusk..." comme un chef d'oeuvre, autant celui là...non...
Et je n'ai plus jamais accroché à Cradle, à part "midian" peut être.

Njord
IP:82.156.208.51
Invité
Posté le: 11/09/2012 à 18h13 - (28049)
A part le son de batterie qui est un véritable crime, cet album est un chef d'oeuvre.

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