ARCTURUS - Aspera Hiems Symfonia (Ancient Lore) - 07/04/2007 @ 22h32
Lorsque Arcturus apparaît sur le devant de la scène avec son "Aspera Hiems Symfonia" dans cet été 1996 où je fête mon bac, la scène black-metal norvégienne est en quasi-fusion. Les événements passés ont apporté une notoriété importante à un petit ensemble de musiciens jusque là confinés à l’underground le plus absolu, et les groupes les plus minuscules tout comme les side-projects les plus oubliés se retrouvent brutalement propulsés sous les feux de la rampe.

Le premier album d’Arcturus, c’était donc typiquement, de ce point de vue-là, le genre de produit BM qu’on pouvait avoir entre les mains à l’époque : un groupe quasi inconnu (bien que fondé en 1987, ses différentes démos et EP n’avaient à ma connaissance jamais passé la frontière norvégienne), mais basé sur quelques figures déjà un peu connues, ici Garm (qu’on connaissait via Ulver) et surtout Hellhammer, batteur sur le déjà mythique "De Mysteriis Dom Sathanas" de Mayhem.

L’époque était donc glorieuse, les line-ups aussi instables que la Tour de Pise (ça, ça n’a pas trop changé…), les sorties extrêmement nombreuses et il était alors parfois fort difficile de trier le bon grain de l’ivraie, surtout quand on était paumé dans la campagne normande avec pour seules sources d’informations des potes avinés et Hard Rock Magazine. Pour éviter d’être noyé dans la masse, les nouveaux venus devaient donc proposer un premier album fort, capable de soutenir la comparaison avec les nombreux joyaux qui sortaient à cette époque (joyaux que je compte bien chroniquer un par un :) ) tout en évitant soigneusement la masse des sorties sans âme, calquées à la millicroche près sur ce qui se faisait 5 ans plus tôt.

Et c'est peu dire que ce fut une réussite.

Car Arcturus n’avait pas fait les choses à moitié. Au-delà de ce qui se faisait habituellement pour se démarquer du reste de la production, c'est-à-dire utiliser de petites touches cosmétiques d’innovation sur un black-metal traditionnel, le groupe avait en effet choisi de s’enfoncer profondément sur des sentiers oniriques et mélancoliques. Lead-guitar mélodique en diable ("Fall of Man"), vocaux souvent clairs et même parfois murmurés ("Wintry Grey"), chœurs ("The Bodkin and the Quietus"), tempo adouci, et surtout des claviers omniprésents et épiques au possible, assurés par Sverd, l’âme du groupe… : on était bien loin du BM originel, même si la voix de Garm restait la plupart du temps assez typée (il corrigera d’ailleurs légèrement cette impression dans la réédition de l’album, quelques années plus tard).

Les réactions de l’époque furent à peu de choses près unanimes : on avait tous l’impression d’avoir assisté à la naissance du nouveau héros (héraut ?) du black-metal atmosphérique, celui qui nous permettrait pendant de longues années d’assouvir notre envie très adolescente de mélancolie, celui qui allait nous transporter pendant de nombreux albums à travers les immensités des forêts septentrionales. Loin de la rhétorique guerrière et sulfureuse classique, nous découvrions sur cet album un monde de solitude, froid, dangereux, intrigant, ésotérique, et Arcturus était notre guide.

Cet album resta pourtant une pièce de maître aussi géniale qu’unique. Dès l’année suivante, Arcturus dévoila un autre pan de sa vision de la musique avec une "Masquerade Infernale" théâtrale et grandiloquente qui nous laissa une fois de plus sur le cul. L’Arcturus de la période de la "Symphonie du Rude Hiver" avait disparu pour ne plus jamais réapparaître, me laissant presque orphelin d’un genre où plusieurs se risqueront par la suite, sans jamais y parvenir avec autant de classe et d’esprit (mélancolique) que Skoll, Sverd, August, Hellhammer et Garm.

A la conclusion de tout ça, dix ans plus tard, la boucle se boucla avec la venue (enfin !) d’Arcturus à Paris le 4 octobre 2005. Les temps avaient changés, mon adolescence s’était définitivement évanouie, mais tout du long du concert, un petit pincement au cœur venait quand même accompagner chaque début de morceau : le concert défilait, défilait, et "Aspera Hiems Symfonia" semblait avoir complètement disparu du cœur d’Arcturus…Et puis le dernier morceau du rappel arriva, et la gratte et les claviers quasi mystiques de "Raudt Og Svart" retentirent. Malgré le son pourri, malgré un jeu scénique décevant, malgré tout ce qui pouvait clocher dans cet Arcturus de pacotille, mon cœur venait de vaciller.

Note : "Aspera Hiems Symfonia" n’était en fait pas un vrai nouvel album. J’appris quelques années après la sortie que trois titres sur huit ("Raudt Og Svart", "Naar Kulda Tar (Frostnettens Prolog)", "Du Nordavind") étaient en fait tirés de l’EP Constellation, sorti trois ans plus tôt, mais sans basse (et avec Samoth d’Emperor à la guitare). Je n’ai jamais pu écouter cet EP dans sa version originale, malgré de nombreux efforts, je ne saurais donc dire si leur relecture apporta quelque chose.


Rédigé par : SKGV | 1996 | Nb de lectures : 2289


Auteur
Commentaire
Kveld
Invité
Posté le: 07/04/2007 à 23h53 - (2827)
S'il ne devais rester qu'un album c'est celui-là.
Ah les fameux vocaux murmurés sur le premier titre qui dressent l'échine...
Tout est magique, onirique et si Arcturus aujourd'hui n'est plus le même, on peut les remercier d'avoir laissé de si belles oeuvres... bref, j'écoute Aspera aujourd'hui comme il y a 10 ans avec les mêmes sensations: je dois être un vieux con sensible.

Prince de Lu
Membre enregistré
Posté le: 08/04/2007 à 00h13 - (2828)
Excellent album.
Même si j'aime beaucoup le côté avant-gardiste de "La Masquerad Infernale", cet album garde ma préférence. Grand, grand et grand. Et comme le laisse entendre la fin du second morceau, album "Universel" !!

HBreeD
Invité
Posté le: 08/04/2007 à 07h02 - (2844)
J'ai découvert Arcturus avec La Masquerade Infernale. Et, bien que dubitatif lors des premières écoutes, j'ai fini par me laisser transporter par la beauté, la folie uniques de cet album. Le Aspera, que j'ai découvert quelques temps plus tard, ne m'a jamais autant plu. De loin, d'ailleurs.
Entre son aspect mélancolique et atmosphérique et celui, grandiloquent, enlevé, délirant parfois, excessif presque du La Masquerade, mon coeur a toujours penché bien plus aisément vers ce dernier.
Et aucun autre album de ce groupe ne m'a autant enchanté que celui-ci.

Silenius
Membre enregistré
Posté le: 08/04/2007 à 08h05 - (2847)
Album absolument divin.Merci au gars d'Holy Records de m'avoir donné le nom du groupe en pâture lors d'une conversation téléphonique à l'époque.Un black "racé",poétique et hivernal possédant une magnifique propension à l'évasion.J'adore le son cristallin de la production par ailleurs.Bref cet album est dans le panthéon des oeuvres intouchables de l'art noir.

Heimdall
Invité
Posté le: 08/04/2007 à 09h14 - (2851)
Très bon album il est vrai...Si je me rappelle bien , le VED BUENS ENDE n'était pas sorti un peu avant? Là aussi c'était du grand art.

wasted_time
Invité
Posté le: 08/04/2007 à 11h49 - (2857)
Acheté en digi quasiment à sa sortie aprés avoir vu les comms dithyrambiques dans les distros VPC. On nous présentait cet album comme le chef d'oeuvre du black sympho et quelle ne fut pas ma deception en le recevant. Je n'ai pas dû l'écouter souvent tellement je trouvais ça mauvais et aujourd'hui encore c'est pour moi un des albums les plus surestimés de la scène extrême. Bref, dans quelques années mon digi vaudra sûrement son pesant d'or si ce n'est déjà le cas.

paganzine
Membre enregistré
Posté le: 08/04/2007 à 19h16 - (2875)
mon album de black favoris, intemporel et toujours aussi poignant des années après.

DarkCed
Membre enregistré
Posté le: 08/04/2007 à 22h55 - (2883)
Une démonstration de ce que le black est capable de faire de mieux : inspiration, technique musicale, ambiance, artwork, tout y est. 10 ans et l'album n'a pas pris une ride.
Par contre la comparaison redondante avec la Masquarade ne s'impose vraiment pas : ils sont tous les 2 excellents, dans des styles différents...

PS : jolie chronique.

SKGV
Membre enregistré
Posté le: 09/04/2007 à 00h06 - (2884)
C'est hors-sujet, donc je n'en ai pas fait mention dans la chronique, mais est-ce qu'il y a d'autres lecteurs d'A song of Ice and Fire ici?
Je trouve que les ambiances et péripéties vécues par Jon Snow sont extrêmement similaires à ce qu'on peut découvrir dans cet album. Ca me frappe à chaque fois que je le lis.

bazil
Membre enregistré
Posté le: 09/04/2007 à 18h39 - (2916)
@ wasted time :Je me demandais aussi a combien elle se vendait la version digipack,meme si je compte le garder pour l'instant !

nepenthes
Invité
Posté le: 09/04/2007 à 21h49 - (2919)
Un album unique, majestueux, inégalable et inégalé...
Cet album restera à jamais un des chefs d'oeuvres du black metal !!!

Sinon, pour la valeur du digipack, faut pas non plus vous emballer les gars... je l'ai acheté assez récemment, et pour pas très cher...

Gorth
Invité
Posté le: 29/06/2008 à 13h11 - (26128)
Acheté au hasard d'une conversation au tel avec un gars d'Adipocère.Genre "t'aurais une petite nouveauté black atmo?" "Si y a Arcturus" "Ok j'essaie". A réception je n'en croyais pas mes oreilles.Album énorme! J'ai adoré les suivants (surtout LE suivant) mais celui-ci restera comme une révélation.

Uruk-Xul
Membre enregistré
Posté le: 13/07/2008 à 17h40 - (26148)
Magnifique...

La Chierie
Membre enregistré
Posté le: 15/03/2009 à 00h49 - (26552)
un de mes "tout premier" albums de black....

et superbe album !!



grozeil
Invité
Posté le: 25/07/2009 à 14h47 - (26803)
Pièce essentielle de la discothèque de tout métalleux qui se respecte!!!

Valnoir
Invité
Posté le: 05/08/2010 à 18h40 - (27033)
Sentiments partagés du début à la fin, et aux mêmes heures héroïques. Bouleversant.

Aldébaran
Invité
Posté le: 08/09/2010 à 14h09 - (27046)
Je vous conseille d'écouter "Constellation" aussi qui est énorme, les titres sont les mêmes mais je trouve qu'il a quelque chose en plus, plus de folie à mon sens.
Vu qu'il est introuvable physiquement, il vaut mieux le chercher sur les blogspots (etc.) par contre...



WhiteNoise
Membre enregistré
Posté le: 16/07/2012 à 03h33 - (27810)
Pareil, acheté à l'epoque en digi sur Adipocère apres avoir etait totalement retournée par la masquerade.
Un album intemporel et totalement magique ( voire féerique) dont je ne pourrais jamais me passer ( même pour 150 e sur Ebay !). Je ne sais pas, il y a un ingredient, une infime parcelle d'etoile dans cet album qui le rend, à mes oreilles, totalement unique !
Merci de cette chronique....



jaquouille
Membre enregistré
Posté le: 08/09/2013 à 09h54 - (29804)
je n'ai jamais écouté cet album, ayant uniquement Sideshow Symphonies dans ma disco

j'ai essayé d'écouté plusieurs fois La Masquerade Infernale mais je n'ai jamais réussi à comprendre cet album

j'écoute actuellement cet album sur le net et c'est vrai que c'est pas mal



Wyvern
Membre enregistré
Posté le: 08/09/2013 à 21h06 - (29810)
Je dirais même plus : Boulversifiant !
"Constellation" (le mini-cd précédent) était sorti sur un label français donc le groupe avait déjà franchi la frontière ;)



Necrozob
IP:90.24.75.199
Invité
Posté le: 09/09/2013 à 22h30 - (29813)
Wyvern, Constellation est sorti sur le label de Samoth, donc un label norvegien.

C'est "My angel" qui est sorti sur un label Français.

Sverdegris
IP:90.45.168.77
Invité
Posté le: 21/09/2013 à 17h49 - (29852)
Si vous voulez retrouvez les fabuleux soli de Carl august Tidemann je vous conseille de jeter une oreille sur la disco de WINDS, tjrs avec Hellhammer derrière les futs! c'est d'ailleurs dommage qu'il ai quitté le groupe après ce monstrueux 1er skeud!

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