« I close your eyes and whisper Goodbye.
You will never see how I cry. … »

Bon, je vais me forcer à arrêter là, sinon je serais bien capable de vous citer tout le début de "Twilight", titre ouvrant le quatrième album de EDGE OF SANITY, ce qui n’aurait pas grand intérêt pour les lecteurs, notamment pour ceux qui ne connaissent pas encore cette pierre angulaire du death metal scandinave. Néanmoins, pour toute personne connaissant cet album, ces premières paroles sont une invitation qui ne se refuse pas, un passeport pour le monde sombre et merveilleux de Dan Swanö, compositeur, multi-instrumentiste, producteur et chanteur ultra talentueux qui ne saurait être comparé à beaucoup d’autres acteurs de la scène, exception faite peut-être, dans une certaine mesure, à Peter Tägtgren (HYPOCRISY, PAIN, …). Mais ne nous emballons pas : un brin d’histoire s’impose pour apprécier cette oeuvre dans toute sa dimension historique et artistique.

En 1994, la scène death metal suédoise est déjà sous les feux de la rampe : Stockholm est alors le Tampa européen, Tomas Skogsberg est le Scott Burns suédois et toutes les oreilles sont braquées sur une scène ayant sa "patte" propre, à base de death metal au son épaaaaaaais et lourd, menée par les ENTOMBED, DISMEMBER et autres GRAVE. Suivant sensiblement les traces de ses aînés, la bande à Dan Swanö s’est alors déjà faite remarquer en tentant de diversifier un peu le propos, livrant dès 1993 une 3ème œuvre, "The Spectral Sorrows", qui ne passe pas inaperçue. Bien que respectant les poncifs du genre (grattes accordées dans les chaussettes, une pochette signée Dan Seagrave…), le groupe fait alors preuve d’éclectisme en offrant successivement une reprise de Manowar, un morceau aux sonorités gothiques marquées et enfin un titre très inspiré hardcore, autant d’infractions à l’orthodoxie du genre. Avec ce 4ème album, le groupe va bien plus loin dans l’expression d’une personnalité très marquée : bien avant l’explosion de DARK TRANQUILLITY, IN FLAMES et leurs séides, alors que le déplacement du centre de gravité suédois de Stockholm vers Göteborg ne s’est pas encore fait, EDGE OF SANITY donne corps à une musique mélangeant la violence et la puissance du death aux mélodies et à la mémorabilité des meilleurs titres heavy et gothiques.

Comment décrire cet album dans toute sa splendeur afin d’en rendre efficacement l’impact ? Par une description générale tout d’abord. OK, vous aurez compris grosso modo le propos : ici, on a le cul entre 2 époques et 2 scènes… mais loin d’être inconfortable, cette position intermédiaire offre le meilleur des deux mondes. Prenez donc une base constituée de la section rythmique d’ENTOMBED sur ces deux premiers albums. Ajoutez des growls à la fois caverneux et chaleureux, et mélangez à des guitares lead cristallines aux mélodies survolant la lave en fusion de grattes GRAVE-esques. Jetez dans la pâte des influences gothiques assumées qui se traduisent par des atmosphères romantico-sombres et un magnifique chant clair, remuez le tout, saupoudrez de nombreux changements de rythmes tous plus judicieux les uns que les autres, de groove qui prend aux tripes, et de mélodies mémorisables à hurler sous sa douche, et vous obtenez un résultat qui est de toute façon ridiculement loin de la force évocatrice qu’il serait nécessaire de déployer pour bien faire ressentir la magie de ce pavé.

Rapidement, regardons ce que les titres proposés ont dans le bide. "Twilight" est le porte-étendard parfait pour ouvrir l’album, hymne imparable, mètre étalon du mélange death suédois old-school / mélodies gothiques. "Of Darkness Origin" met en scène un duo vocal évoquant dans une certaine mesure DEICIDE, avec growls profonds et maléfiques de rigueur alliés à des hurlements plus aigus quasiment black. Le morceau commence en misant tout sur la rapidité, mais le groupe nous colle un peu plus loin un passage écrasant quasi doom, pour repartir sur un passage plein d’un groove à faire se réveiller James Brown. "Blood Colored" a un démarrage typé goth en chant clair, mais il continue vite sur un death’n’roll qui aboutit finalement sur une accélération pleine de mélodie Entombienne. "Silent" démarre sur une guitare lead vaporeuse qui laisse entrevoir une section rythmique qui a du mal à contenir son envie de casser la baraque. S’ensuit une explosion de grattes furieuses, un pont de guitare acoustique puis une accélération de sprinter Dismemberien. "Black Tears" est un hymne de gothique metal qui donnera lieu à un clip (un peu cheap d’ailleurs !). Et ainsi de suite se succèdent mélodies, groove, accélérations assassines, murs de guitares massifs en arrière-plan de passages de grattes AdrianSmithiens, growls volcaniques et atmosphères poignantes, le tout jusqu’à un "Song of Sirens" où Dan passe à un registre vocal plus proche de Lars Goran Petrov période "Wolverine blues" pour nous proposer un morceau au son de gratte typiquement death suédois mais à la dynamique assez hardcore… Ce dernier morceau s’achève brutalement sur une succession de 11 pistes vides de quelques secondes chacune (si quelqu’un sait le pourquoi du comment, je suis preneur !).

A la relecture, je ne peux qu’être insatisfait devant mon impuissance à faire réellement ressentir ce qu’est l’expérience sonore procurée par l’écoute de "Purgatury Afterglow". Ne vous attachez pas trop au terme "gothique" qui revient assez souvent (il me ferait fuir moi-même si je n’étais averti) et retenez le trio ENTOMBED+mélodie+groove… Et surtout écoutez cet album. Sachez également, amis vierges qui avez encore à découvrir ce monstre sacré qu’est EDGE OF SANITY, que le groupe pondra deux ans plus tard, avec "Crimson", ce que d’aucuns considèrent comme leur meilleure œuvre à ce jour – ne comptez d’ailleurs pas sur moi pour leur donner tort ou raison, j’adore les deux œuvres !


Rédigé par : cyril_glaume | 1994 | Nb de lectures : 2425