Quand le génial Albert Einstein posait la question « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? », il ne pensait probablement pas à la musique. Cette interrogation se décline pourtant très bien dans la sphère musicale. Au fond, qu’est-ce qui explique le fait qu’un jour, le sale gosse boutonneux que vous étiez a ressenti ses premiers émois telluriques?
Pourquoi avez-vous pris le wagon du hard et du métal, là où tant d’autres pas si différents finalement ont choisi la pop, la chanson, le jazz fusion ou la polka? Qui a allumé cette flamme qui vous anime encore des années après, et vous pousse à zieuter le forum VS même quand vous revenez fin bourrés d’une soirée bien arrosée? Pour moi et pour beaucoup de gens de ma génération, une seule réponse à toutes ces questions : les « Use your Illusion » de Guns N’ Roses.

Revenons à la genèse. Jusqu’à mon entrée au lycée, mes goûts musicaux étaient quasi inexistants. Rare entorse à cette abstinence musicale, j’aimais bien regarder le clip de « Boys boys boys » de Sabrina, prêt à zapper au moindre signe d’arrivée imminente de mes parents vers le plus présentable « Jeopardy » de Philippe Risoli. Changement d’univers avec l’entrée au lycée, changements de looks surtout. Les bombers d’équipes de foot US, et surtout tous ces t-shirts criards, provocants, plein de têtes de mort, de flingues et de filles peu vêtues. Ma première rencontre avec Guns N’ Roses a avant tout été un choc esthétique. Mort d’envie de découvrir à quoi peut ressembler la musique de ce groupe, je me mets à camper devant M6.
J’ai très vite réponse à mes questions via le clip de « You could be mine ». Sur le cul… Déjà les images, sorties de Terminator 2, avec une rencontre entre le groupe et Arnold Schwarzenegger (alors à l’apogée de sa carrière d’acteur). Surtout cette voix inoubliable, tellement chargée d’émotions.
J’investis dans la foulée le peu qu’il me reste d'argent de poche dans cette cassette.
Autre temps, autre mœurs: pas d’internet, un album ça s’écoutait religieusement. Je me rappelle de toutes ces heures passées, allongé sur mon lit, à lire le livret jusqu’à connaître les paroles et les crédits par cœur. Quand on ne possède qu’un seul album c’est encore plus vrai: j’ai écouté cet album en long en large, sans jamais parvenir à m’en dégoûter. Ca en dit long sur sa qualité.

Sur un plan stylistique, Guns N’ Roses est souvent classifié dans la famille hard US des années 80. De mon point de vue c’est une erreur. Les racines du groupe sont à chercher ailleurs, du côté des Stones, d’Aerosmith, du punk également (comme le montrera plus tard « The spaghetti incident ? »).
Surtout le groupe privilégie l’émotion à l’énergie, sous la houlette du duo d’exception Axl/Slash. Axl Rose, c’est une voix sublimement éraillée qui ne ressemble à aucune autre. Combien de chanteur pouvez-vous reconnaître dès la première ligne de chant ? Axl fait partie du nombre, comme Ozzy par exemple (comme par hasard « Technical ecstasy » du Sab’ est un des albums qui ont marqué Axl pendant sa jeunesse). Slash, c’est un guitariste autodidacte qui hante l’album avec ses solos bluesy et habités. Le mariage des deux me donne souvent encore maintenant la chair de poule.
Cet album renferme quantité de hits imparables : « Civil war » et son rejet de la guerre (« It feeds the rich while it buries the poor »), une version alternative de « Don’t cry » avec la voix du regretté Shannon Hoon de Blind Melon, l’énervée « You could be mine », la très progressive « Estranged ».
Cette reprise de Dylan aussi, « Knockin on heaven’s door », et ses oh-oh-oh-oh-oh sur le refrain. Ce qui est d’ailleurs amusant avec cette chanson c’est qu’on voit de plus en plus de reprises du « Knockin’ » de Guns N’ Roses. Comme une manière de dire que la reprise a pris la place de l’original dans l’inconscient collectif.

Outre ces tubes, le gros avantage du deuxième tome du double album est que les chansons plus mineures sont bien plus intéressantes que sur le premier. C’est bien simple, si on exclut « My world » qui finit l’album de manière incongrue, rien de vraiment à jeter.

Avec le recul, que retenir de cet album qui a tant fait jacasser ? Entre les fans de « Appetite for destruction » qui le trouvent trop mou, ceux qui pensent qu’un simple album reprenant les meilleurs titres des deux « Use your illusion » aurait été plus judicieux. Dans l’absolu tout cela est vrai.
Ce UYI2 n’arrive pas à la cheveille de « Appetite », album parfait du premier au dernier titre, là où pas mal de chansons de cet album sont un peu bancales.

Cet aspect bancal n’est pas fortuit: là où les chansons de « Appetite » étaient totalement homogènes, on sent ici que les membres du groupe on tous essayé de tirer l’album dans leur sens. La distribution de chant en est l’illustration: Izzy chante sur son « 14 years », Duff sur son « So fine »… Cela nuit à la cohérence d’ensemble, mais ça permet aussi de mieux cerner les aspirations de chacun et de donner un côté très varié plaisant à l’écoute. C’est aussi pour ça que cet album a su résister à l’usure du temps et devenir un classique.

De toute façon un tel album ne se critique pas : il a changé ma vie.


Rédigé par : Hoover77 | 1991 | Nb de lectures : 2240