Pourquoi celui-là ? D'ores et déjà, l'esprit de l'auditeur curieux (ou averti) en vient à se triturer les méninges sur une question aussi pertinente qu'impossible à justifier... Mes pauvres amis, si vous en êtes déjà là sans même avoir encore jeté une oreille à ce disque, autant vous l'annoncer clairement : vous n'êtes pas au bout de vos peines... Mais commençons par replacer les choses dans leur contexte.

L'aventure Unholy commence en 1988, ce qui permet à la formation de se targuer, non seulement d'aspirer à être rangée dans ce carré d'as de formations s'affiliant à une scène death doom naissante prématurément (ie : Autopsy, Winter, Paradise lost - si tant est que gnagnagna...), mais en plus, de pouvoir se venter d'être l'un des premiers groupes de doom moderne tout court, dans le sens où, déjà à l'époque, leur musique n'est qu'un fouilli cacophonique de goinfreries avantgardistes qui n'ont strictement rien à envier à la formation lambda de metal moderne qui se voudrait avoir quinze ans d'avance sur son temps...

Pourtant, après deux disques respectivement black doomesque dégénéré et funeral doom allumé, psychédélique et baveux (si si ça existe !), aussi étrange que cela puisse paraître, en 1995, Unholy splitte une première fois, se justifiant d'un manque d'inspiration et d'incapacité à trouver une finalité à leur musique, ce qui est particulièrement compréhensible en soit, au regard desdits disques qui explorent le son Unholy première génération dans ses moindres recoins...

Cependant, c'est moins d'un an après, en 1996 donc, que va renaître l'idée commune des trois finlandais rescapés (Jaarko s'en étant allé se concentrer sur son nouveau projet, Tiermes), de donner un second souffle à l'entité et de se remettre à composer (Ismo ayant de tout façon gardé l'idée en tête puisqu'il continua à composer en solo pour le groupe, Wretched sur le disque ici présent étant justement un de ses méfaits), et finalement Unholy reprend forme en 1996...

.. et c'est en 1998 que sort ce troisième et avant dernier album : Rapture. Autant ne rien vous cacher, Rapture marque un changement net dans la musique d'Unholy, il trahit un mode de composition plus aimable, les membres s'adonnant à la fameuse technique du guitariste qui fait tourner son riff pendant des heures tandis que les autres musiciens viennent lentement mais sûrement broder leur propre haillon, avant d'arriver finalement à une première maquette de titre. La deuxième incarnation des finlandais, c'est exactement ça. Mais pourtant, au delà du côté dégénérescence hystérique et abyssale qui peut parfois, en comparaison des premiers opus du groupe, lui faire défaut, ce nouvel avatar se veut incroyablement plus glauque et massif. Oui : Unholy 1998 n'est plus ce délicieux sauvage aux yeux furieux qui venait vous cueillir à la hache pour vous raconter une comptine mystérieuse, qui vous filait la généreuse envie de vous fracasser le crâne contre votre landau, plutôt que d'aller sagement vous coucher... Unholy 1998, c'est une caverne aux lumières d'un ton vert / émeraude étrange, et aux peintures murales aussi bizarres que fascinantes... et au bout de cette caverne se tapit un monstre glauque et boueux, qui ne viendra vous effraier de sa frimousse inenvisageable que de temps à autre...

Au dela de ce côté hystérique des guitares qui tissaient un gros n'importe quoi pourtant jubilatoirement cohérent qui appartient ici au passé, les autres ingrédients présumés insubstituables à la bouillie alchimiste Unholyique, eux, sont toujours de la partie, fichtre ! Oui ! Par dessus ces riffs, doom doom et DOOM, couinants et mélodiques qui s'aventurent dans et pointent vers des contrées inattendues et plus qu'étranges, vous avez : Pasi Äijö (notez la place des ¨ complètement arbitraire, qui changera d'album en album comme autant de changement de place de petites paires d'yeux, ou d'angles de vue de la part du primate doomstique...). Pasi Äijö, comment dire... incarne à lui seul la symbolique Unholy. Pasi Äijö est un type inhumain, au chant guttural et abyssal d'un baveux halluciné unique, d'abord par son incapacité complète à prononcer l'anglais correctement, en zappant systématiquement les f et v pour les remplacer par des w (faut l'entendre !), lui donnant des allures de primate pathologique fini, ensuite parce que chacune de ses interventions vocaliques vient transcender la musique déjà plus que fascinante du groupe par des hurlements beuglés et dégénérés, et ériger chaque riff aussi flamboyant soit-il, en monument inconstatable de glauquitude doom. Je vous parlais tout à l'heure d'une caverne aux lueurs agréables mais louches, au fond de laquelle une forme de vie primitive attendrait le bon moment pour sortir mastodontiquement de son trou et remettre les choses à leur place : et bien cette bête hideuse, c'est Pasi.

Par ailleurs, en plus de ces compositions pataudes et faussement éthérées que je m'efforce de vous décrire, il reste bel un bien ce Rapture, le grain d'hystérie Unholyique : Unzeitgeist. Des claviers qui repassent de leur rôle imposé avant l'heure comme atmosphérique, à celui qui augure déjà le prochain : incarner la folie furieuse. Parlons clairement, sur Unzeitgeist, vous avez droit à la représentation musicale version Unholy d'Alice au pays... non pas des Merveilles mais sans doute des Pendus... Une mélodie forraine grotesque qui vient vous peindre une ambiance de carroussel détraqué, sur sussurements vocaliques douteux, lorsque déboulent soudainement des guitares de mauvais goût affreusement pachydermiques, le tout sur des vocaux criards ultra efficaces et dans une schizophrénie tout aussi insupportable que prodigieusement jouissive... Rassurez-vous, ce titre est tout aussi à sa place qu'un autre sur ce disque, il était simplement judicieux de vous prévenir au risque de vous faire sortir trop brusquement de votre état qualifiable de torpeur passive à la suite des autres morceaux...

Impossible également, de ne pas citer For the Unknown One, qui marque l'arrivée discrète d'une certaine Veera Muhli en tant que nouvelle vocaliste de session (une habitude chez les finlandais, était-il besoin de le préciser), qui ne renoue elle non plus pas avec la tradition des vocalises de cantatrice beurrée dont il fut question auparavant, mais apporte une dimension nettement plus posée de par son timbre de jeune minette lalalaliliesque, à tort ou à raison... mais nous en parlerons une autre fois sans doute...

Toujours est-il que Rapture est définitivement un album charnière dans l'histoire savoureuse en rebondissements d'Unholy, plus glauque, plus doom, mais moins givré, moins plutonien (?), moins débordant d'idée saugrenues à tout va (encore que...), une sorte de brouillon qui s'avère pourtant au final être une réussite totale du niveau du suivant... Mais à vrai dire, de bon conseil, sans doute pas celui par lequel il serait le plus juste de commencer... Amusant d'ailleurs, comme je vous en parle pendant des heures durant avant de finalement vous dire de commencer par un autre... mon choix de chroniqueur se mordant ici involontairement la queue : Pourquoi celui là ? Ah mais...

UNHOLY 1998, c'était :
Pasi Äijö : basse, vocaux, guitare
Ismo Toivonen : guitares et claviers
Jan Kuhanen : batterie et percussions


Rédigé par : mojo | 1998 | Nb de lectures : 2257