De nos jours l’extrémisme musical n’en est pas à ses balbutiements, au contraire. Les plus pessimistes pensent même que tout a déjà été fait et que dorénavant il s’agit plus d’une question d’agencement et de mélange de styles que de réelle nouveauté. Mais il n’en a pas toujours été ainsi, dans une époque bénie nommée 80’s des groupes étaient foncièrement novateurs et effrayants, repoussant sans cesse les limites existantes. C’est ainsi que tous les styles musicaux ont eu leurs géniteurs. Prenons par exemple le black métal, tout le monde s’accorde pour dire que le nom vient du titre de Venom « black metal » mais d’autres groupes ont eu une influence énorme sur ce style qui nous est si cher : il y a bien sur Bathory, Celtic Frost et sa première incarnation Hellhammer, et enfin Mercyful Fate et son leader charismatique King Diamond.

Pendant que Venom et Bathory misaient tout sur la simplicité et l’efficacité, Mercyful Fate choisissait de s’exprimer via une musique complexe, technique, riche en rebondissements et remplies d’ambiances. De plus, le groupe a d’entrée de jeu adopté une imagerie forte via son chanteur. Sans être le premier chronologiquement parlant, King Diamond a immédiatement adopté ce qu’on désigne sous le nom de corpsepaint, donnant ainsi à son personnage une identité forte et marquante (on ne parlera pas du pied de micro constitué de deux tibias). Ajouté à cela, le vocaliste ayant toujours été fasciné par l’occultisme, ce dernier a introduit de façon intelligente le satanisme dans sa musique par l’intermédiaire de lyrics soignés histoire de choquer encore un peu plus. Mais plus que tout cela, c’est avant tout son chant qui a marqué les esprits, on n’avait jamais entendu un chanteur chanter de façon aussi aiguë. Le bonhomme est capable d’alterner les passages haut perchés avec d’autres beaucoup plus graves sans le moindre problème. L’extrémisme musical dont je parlais au début ne vient pas ici de la musique mais des vocaux. Bizarrement, c’est à la fois le point fort et le point faible du groupe. Certains vont trouver ces cris suraiguës purement magiques (j’en fais parti) d’autres vont trouver ce chant de castra italien insupportable, tant pis pour eux, parce que limiter Mercyful Fate à cela est par trop réducteur. Derrière ces vocaux inimitables la musique tient sacrement la route. On trouve deux guitaristes talentueux : Michael denner (qui a pris sa retraite depuis) et Hank Sherman (toujours fidèle au poste et autre tête pensante du groupe) qui assènent des soli assassins et assurent des rythmiques diaboliquement efficaces. La section rythmique n’est pas en reste, Timi Hansen à la basse fait preuve d’une étonnante dextérité et Kim Ruzz à la batterie qui a largement influencé un certain Lars Ulrich avec son jeu varié et tout en finesse. Pour terminer n’oublions pas de signaler la présence d’un synthé qui par ses sobres interventions renforce le côté sombre des compositions (ce break sur « Come to the Sabbath »!) ; et à l’époque l’instrument n’était pas aussi familier que maintenant pour les amateurs de métal. Cela prouve à quel point le King était en avance.

Certes ce « Don’t Break the Oath » n’est pas le premier album du groupe mais on va dire que c’est le plus « culte » et qu’il représente le mieux l’univers du groupe : métal raffiné assez technique sur fond d’occultisme. Il n’y a qu’à regarder la pochette pour s’en convaincre, une des plus belles jamais imprimées. Ce n’est pas un concept album mais c’est le genre de disque fascinant qu’on écoute dans son intégralité tant l’ambiance qu’il dégage est intense. Il y a bien sûr des morceaux incontournables dessus comme « The Oath » qui avec son intro ténébreuse et sa structure à tiroirs a irrémédiablement marqué les esprits (les groupes de black sympho des 90’s ne mettront pas longtemps pour pomper outrageusement les plans du King, vous savez très bien de qui je parle). Et que dire de «Come to the Sabbath » qui résume à lui seul les convictions du maître de cérémonie. Bref, pour tout métalleux qui se respecte et pour les black métalleux en particulier l’écoute d’un tel disque est obligatoire. Il s’agit d’un monument, que dis-je un monument, c’est une des bibles d’un style carrément. Tous les musiciens de groupes reconnus citent cet album comme une référence que ce soit feu Emperor et Immortal, Tiamat, Cradle of filth, Dimmu Borgir...difficile de croire qu’ils se soient tous trompés.


Rédigé par : dark tranquilou | 1984 | Nb de lectures : 2857