GOLDEN DAWN - The Art of Dreaming (Dark Matter) - 21/07/2003 @ 09h47
C’est étrange mais la mémoire de cet album est automatiquement liée chez moi au numéro de Metallian de décembre 1996, dans lequel « The Art of Dreaming », obscure première réalisation d’un jeune musicien autrichien sortie sous un non moins obscur label, fut couronné album du trimestre à la surprise générale. Il faut bien remonter à cette époque pour retrouver trace d’une telle « prise de risque » éditoriale de la part de notre magazine phare national, mais cela est une autre histoire… Il n’en reste pas moins que cette consécration a rendu Golden Dawn très populaire en France alors que le reste du monde n’en faisait pas franchement un fromage - et qui a dit que le peuple hexagonal n’avait point de flair pour les révélations ? A l’instar de ses petits camarades éclairés d’une scène autrichienne alors au pinacle de sa prolificité (Pazuzu, Korova, Summoning, Dornenreich, et j’en passe…), Stefan Traunmüller alias Dreamlord fut l’instigateur d’émois tels qu’on les cherche souvent vainement dans une pitance contemporaine qui a une fâcheuse tendance à oublier la clé des rêves dans sa poche.

« The Art of Dreaming » s’ouvre sur un riff en suspension, appuyé par un jeu de percussions sourdes qui évoquent des tambours de guerre. La guitare est âpre et filandreuse, bien dans la veine d’un black metal cisaillant tel que pouvaient le pratiquer Abigor ou encore Summoning sur « Lugburz ». Le chant black, discordant, est sans concession. Le tempo s’emballe souvent à des vitesses qui brouillent les images sculptées par la musique. A première vue donc, difficile de croire que l’on peut se trouver en présence d’un monstre de complexité, de mélodies subtiles et, à plus forte raison encore, d’avant-gardisme insolent. Pourtant « The Art of Dreaming » ne tarde pas à découdre de sa pélerine tous les préjugés rattachés au black metal symphonique et, tout en conservant des extérieurs de violence incontestable, va étaler de bout en bout une leçon d’originalité pléthorique qui peut aujourd’hui encore faire figure d’étalon. L’introductif « Idiosynchronicity » se jette de plein fouet dans le titre éponyme, petite bombe d’énergie et de feeling où des fragments de discours nébuleux, déclamés d’une excellente voix stentorienne, sont relayés sans préavis par des accès de rage littéralement foudroyants avant que le morceau n’adopte un rythme de croisière qui permet de mettre en valeur de brillantes partitions épiques de synthé, eux-mêmes diablement originaux dans leurs sonorités entre clavecin et new-age : médiévaux, mais aussi quelque part astraux. La marque de fabrique est scellée, elle surprend et séduit tout à la fois.

Dans le même ordre d’idées, Golden Dawn contourne tous les interdits au moment d’entremêler comme à la parade riffs carnassiers et spirales de guitare acoustique, en superpositions ou en successions lumineuses, faites votre choix messieurs-dames ! On a connu des groupes moins dispendieux dans le panachage qui se voulaient polyvalents. « The Art of Dreaming », comme nous l’avons laissé entendre, ne saurait mieux porter son nom, tant il reproduit fidèlement les différentes phases et les projections visuelles qui peuvent intervenir au plus profond du mystérieux royaume du sommeil : la sérénité, l’agitation voire la tachycardie ; la féérie, le grotesque ou carrément le cauchemar. Le cauchemar c’est par exemple, à la fin de l’enragé « Nothing but the Wind » et de ses sournois escaliers de piano, cette minute de récitation délabrée, en ignobles distorsions, qui arrose l’esprit de limbes ternes et pose un climat véritablement inquiétant : si l’on se prête au jeu, c’est la chair de poule assurée. S’annonce ensuite « My Confession to War », le fameux titre présent sur le sampler du susdit Metallian ; la chanson qui a lancé Golden Dawn, une chanson goûteuse et pourtant c’est loin d’être la meilleure de l’album. Elle se résume à une lente montée de percussions martiales qui explosent inexorablement en fontaine de flammes, une charge brève mais entêtante ponctuée par un mini-solo final d’une inspiration exemplaire pour tout aspirant-compositeur.

En quatre titres empaquetés dans l’opulence et pesés au milligramme, Golden Dawn vient déjà de déployer une force de frappe qui mettrait tout auditeur un tant soit peu averti à genoux. Et ce n’est pas fini, même si le reste de l’album présente une facette quelque peu différente, moins frontale et plus expérimentale. « Sub Specie Aeternitatis » inaugure cette piste avec un joyeux capharnaüm d’influences et de directions stylistiques. Lorsqu’une intrigante marche de cornemuse alterne avec des beats franchement plus technoïdes qu’organiques, on comprend que l’on entre dans les méandres les plus détournés des songes, et que ce que l’on va y voir, y ressentir, ne devra pas être interprété en vertu de conventions éprouvées aux lois du rationnel et de la logique. Les morceaux s’allongent et au fil des minutes abandonnent un peu plus toute linéarité. Les passages purement black sont plus succincts, et doivent renoncer à leur rôle directeur pour devenir une ombre fluctuante parmi toutes les autres. Les contours des synthés sont plus flous et difficiles à identifier temporellement ; on accueille d’abord avec perplexité, puis avec jubilation, de téméraires embardées orientales, voire arabisantes. Afin d’éluder une tentative de description qui serait bien trop incertaine, on dira que, tout en ne concédant pas une miette de sa qualité et de son attrait hypnotique, l’album perd l’équilibre morceau après morceau, pour terminer dans une sorte de néant plasmique où les points cardinaux de la musique tendent à ne plus avoir corps et où la conscience est en proie à une confusion hallucinatoire. Un néant dans lequel Golden Dawn a d’ailleurs erré plusieurs années jusqu’à y égarer sa fougue visionnaire de jeunesse, si l’on se fie au décevant « Masquerade » paru récemment, où le talent inquisiteur de Dreamlord est mis au service de structures académiques bien moins excitantes…

Dernier petit conseil pour les collectionneurs : essayez de mettre la main sur le digipack originel qui est certes très laid et un peu vide, mais pas aussi désastreux et insignifiant que l’artwork de la réédition 2002.


Rédigé par : Uriel | 1996 | Nb de lectures : 2674


Auteur
Commentaire
solarfall
Invité
Posté le: 21/07/2003 à 12h54 - (488)
Effectivement, un album a connaitre impérativement, même si je lui trouve un léger flottement sur la fin.
Sinon, la pochette de la réédition est effectivement très très laide, mais celle ci a l'avantage d'être pas très chere, et pour trouver le digi d'origine, il faut taper dans de l'occas, et s'armer de patience...

Loufi
Invité
Posté le: 21/07/2003 à 16h19 - (490)
Un disque essentiel et magistral. La haine et la froideur développées ici font passer la plupart des autres groupes de black pour des pauvres amateurs pagayant dans le vide...


mydrin
Invité
Posté le: 22/07/2003 à 12h08 - (493)
la claque totale cet album, dommage que le digipack soit aussi moche ;-))

BozKiller
Invité
Posté le: 22/07/2003 à 16h35 - (494)
C'est marrant, je l'ai découvert de la même maniere qu Uriel ainsi que beaucoup d entre vous, et je l adore toujours autant ce disque!
D ailleurs si ma memoire est bonne sur la meme compile se trouvait une autre révélation de genie : Diabolical Masquerade!!!

nico92
Invité
Posté le: 05/02/2004 à 16h00 - (720)
Excellent groupe que j'ai découvert (seulement, quelle honte !!!) l'année dernière. Bon, c'est vrai, les solos de gratte sont un peu à côté, mais le reste est vraiment très bon.

HBreeD
Invité
Posté le: 11/12/2004 à 19h39 - (885)
Je dirai tout pareil que Bozkiller :)

Uruk-Xul
Membre enregistré
Posté le: 17/04/2008 à 19h57 - (25464)
Excellent et novateur (à l'époque), à écouter absolument!

Thrashdeathblack
Membre enregistré
Posté le: 28/08/2008 à 00h17 - (26223)
Quelques bons passages...mais spécial...très spécial...

En tout cas super souvenir d'une commande regroupant cet album, "Dol Guldur" de Summoning (mon 1er achat du groupe), Mortiis "keiser av en dimension utjent" et Adorned Brood "Hiltia"...Summoning vainqueur par KO ;)

Necrozob
Invité
Posté le: 28/05/2012 à 13h33 - (27523)
Pour tout les nostalgiques, cherchez donc l'album suivant "Sublimity", bien que plus "heavy", il se rapproche pas mal de "the art of dreaming"

Youpimatin
Membre enregistré
Posté le: 19/05/2013 à 11h54 - (29393)
Cet album là est toujours aussi magique.
Et, comme Uriel, il est associé à jamais à ce fameux sampler Metallian



yannojira
Membre enregistré
Posté le: 19/05/2013 à 13h15 - (29394)
je me rappelle c'etait mon premier Metallian avec Abbath en couv ce sampler m'a permis de passer de grosses commandes chez Adipocère beaucoup de decouverte dont cet album digipack moche certe mais quelle galette vers la fin du disque ça part dans de drole d'influences un passage on se croyais dans les iles tropicales vraiment bizzare



TarGhost
Membre enregistré
Posté le: 19/05/2013 à 13h25 - (29395)
Putain de grand disque !
Et comme pour yannojira, il tient une place importante dans mon coeur puisque c'est l'un des disques qui m'a permis de découvrir le monde des enfers Black métalliques avec ce fameux Metallian à l'incroyable couv' fuchsia où Abbath tient la pose...



turlusiphon
IP:92.143.104.26
Invité
Posté le: 20/05/2013 à 11h16 - (29399)
Tout le monde s'en fout mais j'ai le digipack et j'ai égaré le cd, dommage que ce ne soi pas le contraire. Très bon album et très bonne chronique du reste, rien à ajouter. Si vous le trouver dans un bac d'occases, ne le laissez pas.

raziel
Membre enregistré
Posté le: 20/05/2013 à 13h47 - (29400)
Une base essentielle du BM.

Beaucoup de choses partent de cet album, des rythmes, des atmosphères, des riffs...

La grande époque de Metallian. La grande époque de la zique, où chaque compil nous foutait une claque terrible.

ankhou
Membre enregistré
Posté le: 31/05/2013 à 21h30 - (29426)
Un des meilleurs albums de ma disco.
Quelle claque à l'époque
Mais je crois que j'aurais la même claque si je le découvrais aujourd'hui car album intemporel!!!


ankhou
Membre enregistré
Posté le: 31/05/2013 à 21h32 - (29427)
j'oubliais...
moi je ne trouve pas l'artwork déplaisant... ce petit siamois en bocal... je trouve ça métal!!!




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