THY CATAFALQUE - The Early Works (Blood) - 02/02/2016 @ 07h38
« Oh, ils forment une sorte de musique intéressante avec des éléments cool et des bonnes parties mais franchement, ils sont toujours désorientés et immatures. Je les aime bien mais je ne désire pas les ressortir peu importe le moyen. […] Ils ne sont pas aussi bien que ça, après tout. ». Voilà ce que Tamás Kátai nous déclarait en 2011 à propos d’une hypothétique réédition des deux premiers albums et de la démo de THY CATAFALQUE. Est-ce que de l’eau a coulé sous les ponts depuis, on peut se poser la question surtout que Sgùrr, le dernier « nouvel » album en date du célèbre projet avant-gardiste hongrois, sonnait parfois comme un véritable retour aux sources. Un retour aux sources vers le son bien plus Black qui émaillait les premières sorties de THY CATAFALQUE. A l’époque, soit la fin des années 90, THY CATAFALQUE était un duo hongrois formé par Tamás Kátai et son compère guitariste János Juhász, groupe fortement underground et confidentiel qui enregistrait ses premiers efforts de manière artisanale pour une musique qui, déjà, était assez originale et marquée du sceau « Metal d’avant-garde hongrois », le tout explosa à partir de 2004 pour ce chef-d’œuvre intemporel qu’était Tűnő Idő Tárlat mais avant ce tour de force, THY CATAFALQUE avait eu le temps de se faire la main sur trois sorties assez osées et extrêmes, une démo (Cor Cordium) et deux albums (Sublunary Tragedies et Microcosmos). Des albums assez inconnus du « grand » public surtout celui qui a découvert THY CATAFALQUE lorsque ce dernier a signé chez Season of Mist pour Rengeteg en 2011. Des albums qui, selon la volonté de Tamás Kátai, devait rester du domaine du passé, trouvables par les propres moyens des auditeurs les plus avertis, sachant que ces albums (Cor Cordium exclu) étaient également disponibles à l’écoute intégrale sur le site officiel du groupe qui semble être désormais hors-ligne. Quant aux disques sortis à l’époque, autant dire qu'ils étaient ultra-limités et donc totalement introuvables aujourd'hui. Mais le label finlandais Blood Music en a décidé autrement et a du réussir à convaincre Tamás Kátai d’exhumer son passé, un passé intéressant à défaut d’être réellement glorieux (surtout quand on connait la qualité de ce que sort THY CATAFALQUE depuis 2004), un passé qui mérite d’être (re)découvert ne serait-ce que pour juger l’évolution du groupe hongrois depuis ses débuts, voir de quoi il est parti et comment il a évolué pour devenir un bijou du Metal avant-gardiste. En même temps que la réédition de l’album éponyme de GIRE, Blood Music nous propose donc ce triple digipack regroupant les sorties pré-Tűnő Idő Tárlat de THY CATAFALQUE et dénommé The Early Works, une collection de vieux travaux remasterisés car attention, nous allons passer dans un domaine bien plus cru et sombre que l’univers que nous propose le(s) hongroi(s) depuis quatre excellents albums…

Cor Cordium (1999) :
Nous sommes en 1998 et Tamás Kátai et János Juhász enregistrent leur première démo dans leur fief de Makó, démo qui sortira l’année suivante au format K7 et de manière probablement ultra confidentielle. 5 titres, cela nous fait une démo, mais les 5 titres allongent quasi 42 minutes à la toise, pour des compositions durant de 4 à plus de 15 minutes. Cor Cordium est presque à considérer comme un premier album, même si deux morceaux ("Erdgeist" et "Desolatio") seront réutilisés sur les albums suivants et que certains moments se retrouveront bien plus tard (l’intro ambiante de "Desolatio" est la même que celle de "Csillagkohó" sur Tűnő Idő Tárlat (2004)). Pour le style, autant dire que nous allons nous retrouver bien loin de ce qui est proposé depuis Róka Hasa Rádió (2009). "Erdgeist" commence gentiment avec un piano sinistre, posant bien l’ambiance qui allait jalonner les 3 premiers stuffs de THY CATAFALQUE, mais lorsque le Metal se pointe c’est on ne peut plus roots : guitares grésillantes, chant arraché, BAR qui bourre. Du black bien raw en somme, mais déjà raffiné. Pour Cor Cordium, THY CATAFALQUE évolue entre Black atmosphérico-ambiant quelque peu symphonique par moments, et déjà des passages avantgardistes, jalonnant cette démo tout de même largement placée sous le signe du Metal extrême. Quant "Erdgeist" mouline il ne le fait pas à moitié, encore plus pour la seconde piste "Ardor et Cygnus" qui hache menu par moments et où l’on se surprendra même à entendre des voix plus rauques et grasses (!). THY CATAFALQUE n’avait déjà pas beaucoup de limites, et explorait déjà des contrées avant-gardistes, on a même déjà droit ici et là à un aperçu de ce que fera Tamás Kátai en termes de synthés sidérants. Des voix étranges se font également remarquer à la fin de "Erdgeist", et "Ardor et Cygnus", du haut de ses 15 minutes, témoigne déjà de la créativité et de l’originalité légendaires de THY CATAFALQUE avec une longue intro étrange et envoûtante à souhait, avec ses cordes et spoken-words nocturnales, et aussi un final apocalyptique assez savoureux. Une œuvre déjà monumentale suivie des plus directs "Tide Opulent" (du Black mélo-sympho plus classique) et "On Withering Lands" (à la frontière du Black/Death avec de nouveau ces voix glaireuses), et Cor Cordium se clôt par les 10 minutes du très ambiant "Desolatio", particulièrement enivrant de par son atmosphère désespérée, appuyée par divers effets et portée par des spoken-words bien pesants. Ceci clôt cette première démo majoritairement Black (avec un Tamás Kátai qui s’égosille à mort au chant), certes très crue mais pas non plus inécoutable (bien que la BAR soit parfois bien trop synthétique pour le style pratiqué), du Black forcément bien underground mais les prémices du THY CATAFALQUE qui explosera 5 ans plus tard pour Tűnő Idő Tárlat sont d’ores et déjà là, sous la forme de ces synthés si particuliers et surtout de cette ambiance mystique quasi-omniprésente, bien que nettement plus ténébreuse qu’actuellement. Déjà de l’avant-garde en somme, mais bien plus extrême quitte à être foncièrement plus inaccessible.

Sublunary Tragedies (1999) :
Le premier « vrai » album de THY CATAFALQUE sort lui aussi courant 1999, sur le label KaOtic Productions probablement tenu par Tamás Kátai lui-même vu que la même année il sortira deux stuffs de son autre projet solo DARKLIGHT. 100 copies en CD-R, autant dire que nous sommes au fond de l’underground hongrois. Et la musique de THY CATAFALQUE en sera tout autant underground, mais à sa manière, c’est-à-dire pas comme les autres… Sublunary Tragedies se situe dans la stricte lignée de Cor Cordium, c’est d’ailleurs à nouveau "Erdgeist" qui ouvre les hostilités, dans un mix avec un peu plus de relief peut-être. Pour le reste, Tamás Kátai et János Juhász accompagnés ici de deux guests pour quelques vocalises et spoken-words triturent toujours leur Black atmospherico-sympho-ambiant à visée avant-gardiste. Dès que le Black est de sortie, il est toujours très cru, le départ de "Ashesdance" est sacrément agressif et ce n’est encore rien à côté de celui de "Triumph Lightless". Mais comme prévu, le Black de THY CATAFALQUE v.1999 n’en est pas moins raffiné, "Ashesdance" arbore un superbe break atmo et un final ambient savoureux, "Triumph Lightless" s’offre une ambiance mystique tout du long grâce aux synthés omniprésents. Tout le THY CATAFALQUE des « années 90 » se situe ainsi dans ce genre de compositions, d’autres morceaux comme "Via Millenia" ou le plus mélodique "Rota Mundi" sont encore là pour le prouver. Et à certains moments, Sublunary Tragedies trace clairement la route que THY CATAFALQUE empruntera 5 ans plus tard pour Tűnő Idő Tárlat. Un peu plus doom voire carrément DSBM (avec le chant bien arraché en sus), "Come, Late Autumn Rains" est un peu un pré-"Héja-Nász Az Avaron" voire "Őszi Varázslók". Et les synthés puis le final atmo sont bel et bien et d’ores et déjà typiques de THY CATAFALQUE. La seconde partie ambiante de "Via Millenia" et les cavalcades de synthé du très cru "Static Continuance" nous montrent alors clairement un avant-goût des ambiances et instrumentations de Tűnő Idő Tárlat. Tamás Kátai a beau légèrement renier ce passé, mais en son temps Sublunary Tragedies était clairement une réussite, avec une meilleure fusion des éléments Black et atmo/ambiant que pour Cor Cordium. Il est clair que l’aspect Black demeure bien raw mais il n’y a rien de choquant pour qui est habitué aux prods extrêmes 4 pistes dans la cave. Reste quelques longueurs au sein encore une fois de longs morceaux (4 pistes sur 7 dépassent 8 minutes), et il est clair que la BAR a du mal à passer à certains moments, mais Sublunary Tragedies n’en est pas moins une belle œuvre de Black avant-gardiste underground, un disque presque majeur pour le mouvement hongrois du genre d’ailleurs, avec un groupe au sommet de son art « extrême » des débuts, et qui préparait déjà le terrain pour le futur avec ces sonorités de synthés et ambiances si chères à Tamás Kátai…

Microcosmos (2001) :
Une petite année, bien que riche, s’est écoulée et Tamás Kátai et János Juhász remettent le couvert en 2000 pour le 2ème album -et 3ème sortie- de THY CATAFALQUE, Microcosmos, qui sortira courant 2001 à nouveau via le mystérieux KaOtic Productions et toujours sous forme de 100 CD-R seulement. Si Cor Cordium et Sublunary Tragedies se tenaient, Microcosmos va permettre au duo hongrois de vraiment évoluer (changeant son logo au passage). Les bases metalliques, elles, restent cependant les mêmes, à savoir ce Black effréné à BAR et bien roots. Les passages bien crus sont donc de nouveau à l’honneur (le mélodique "Mirkwood Sonnet", "Paths Untrodden", le légèrement BM sympho "Deathless Soul Roam", les accès bien raw de "Fehérlófia"). Mais étrangement, si la production cradingue de Cor Cordium et Sublunary Tragedies ne dérangeait pas, ici le son des grattes est quand même assez moyen et trop faible et grésillant, même le chant de Tamás Kátai est parfois exaspérant. De ce point de vue, Microcosmos est inférieur à Sublunary Tragedies, mais de toute façon son intérêt est ailleurs. Comme je vous l’avais dit, THY CATAFALQUE va évoluer, abandonnant un peu son aspect strictement atmo-ambiant pour se concentrer sur les velléités avant-gardistes et varier ses sonorités. Dès "The Sileni and Sylvans and Fauns" (aux vocaux bizarroïdes bien trafiqués), on note que les synthés sont plus variés, cet élément a bien changé et dessine encore le THY CATAFALQUE futur. Et paradoxalement, et alors que Tűnő Idő Tárlat sortira 3 ans plus tard, ce qu’on entend ici est plutôt un prémice de… Róka Hasa Rádió ! Car oui, les ambiances proposées sont particulièrement féériques. La majeure partie de Microcosmos va alors dessiner ce que proposera THY CATAFALQUE après Tűnő Idő Tárlat, prouvant que le projet hongrois a su jongler entre ses différents aspects tout au long de sa carrière et le plus « old-school » Sgùrr est là pour le prouver. "Mirkwood Sonnet" (avec des violons assurés par Gabriella Lőkös), l’épique "These Are the Clouds", le break de "Deathless Soul Roam" ou encore "Októberi Kép" sont donc bien plus proches de ce que THY CATAFALQUE a fait à la fin des années 2000 que ce qu’il faisait à ses débuts, seul le mystique et sinistre "Paths Untrodden" rappelle entièrement Sublunary Tragedies. Et ce n’est pas tout car Microcosmos donne aussi dans le folk, en témoigne "Fehérlófia" avec de nombreuses instrumentations variées (tenues par Tamás Kátai et János Juhász eux-mêmes), ainsi que le très psychédélique voire tribal "Panta Rhei" qui n’aura pas vraiment d’équivalent dans la suite de la carrière de THY CATAFALQUE. Microcosmos se clôt alors par "Desolatio", morceau déjà présent sur Cor Cordium mais cette nouvelle version, rallongée (15 minutes contre 10), est complètement différente de l’originale, seul subsiste le fond ambiant apocalyptique constant qui, 3 ans plus tard, servira d’intro à "Csillagkohó". Du haut de ses 73 minutes, Microcosmos était déjà un album particulièrement ambitieux pour THY CATAFALQUE. Un peu inégal, avec l’avant-garde et le BM un peu trop cloisonnés parfois, et même s’il sera surpassé par Tűnő Idő Tárlat, Microcosmos reste une œuvre intéressante et à plus d’un titre, THY CATAFALQUE osait déjà par le passé mais ici il va encore plus loin, dessinant certains éléments de la suite de sa carrière et montrant déjà qu’il et est restera une des formations les plus originales et inventives du Metal avant-gardiste à grands coups d’ambiances singulières.

Tamás Kátai a donc quelque peu sous-estimé ses premiers travaux, qui sont intéressants et de qualité, le seul accroc se situe bien évidemment dans la forme underground et cradingue, mais le fond lui était déjà bien là et posait les bases de ce que THY CATAFALQUE est depuis 2004 et est encore aujourd’hui avec un Sgùrr qui a presque bouclé la boucle. Immatures dans le sens que le Black frénétique est souvent à l’honneur, les stuffs proposés par The Early Works témoignent pourtant déjà de la richesse et de l’originalité du projet hongrois, qui sont sa marque de fabrique et, on peut aisément le dire, depuis ses débuts. S’il est évident que Tűnő Idő Tárlat, Róka Hasa Rádió, Rengeteg et Sgùrr surpassent aisément ce que THY CATAFALQUE proposait à la fin des années 90/tout début des années 2000, cela ne veut pas dire qu’il faut mettre ces premiers efforts au rebut, bien au contraire. The Early Works nous présente une version beaucoup plus extrême et underground de l’art avant-gardiste de THY CATAFALQUE, et nous permet de cerner clairement la progression du projet, en constatant qu’il avait su poser les bases de son succès futur sous une forme metallique beaucoup plus crue et hallucinée mais tout à fait réussie. THY CATAFALQUE a donc épuré son propos en évoluant, mais l’ensemble de sa carrière fait montre d’une progression tout à fait cohérente, l’avant-garde ayant fini par supplanter le Black, mais il a toujours été là. The Early Works montre que depuis le départ, THY CATAFALQUE a toujours été un projet à part, un projet talentueux qui a toujours osé et n’a jamais fait les choses comme les autres. Cor Cordium, Sublunary Tragedies et Microcosmos ont peut-être mal vieilli, sont nettement moins accessibles que leurs successeurs et restent réservés aux auditeurs capables d’enquiller un son très underground, mais si l’on veut se plonger au cœur de l’identité de la référence du Metal avant-gardiste hongrois, la redécouverte de ces 3 premières sorties est indispensable. L’histoire de la restreinte mais extrêmement talentueuse scène avant-gardiste hongroise s’est écrite en grande partie avec les 3 sorties (re)présentées dans ce The Early Works, et il est à minima intéressant de se plonger dans ce témoignage historique qui permet au tout à chacun de compléter sa discographie de ce projet singulier et formidable qu’est, et a été, THY CATAFALQUE.




Rédigé par : ZeSnake | Rééditions/ | Nb de lectures : 8604




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Commentaire
damikachu
Membre enregistré
Posté le: 04/02/2016 à 18h35 - (119303)

Il me semble qu'il est déjà sold out...

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