Pas facile de proposer quelque chose de vraiment original quand on est un groupe qui débute mais les lillois de ZAANG vont essayer de se distinguer avec ce qu’on pourrait appeler… du Néo-Metal progressif. Deux genres antinomiques difficiles à associer ? Un défi relevé par ce sextette qui signe ici son premier album, Perdition, après un EP en 2011 (Characters). Avec des influences larges, ZAANG va proposer un Metal plutôt complexe instrumentalement, sans en foutre partout et en restant dans les carcans du Metal moderne, avec diverses humeurs et l’intervention régulière de claviers ou d’effets électroniques. Le tout est accompagné d’un chant en français façon néo, pas trop rappé mais plutôt crié, dans un esprit parfois punk (surtout quand les paroles se font assez sociales et vindicatives) mais très typé Metal alternatif/néo chanté en français. Grossièrement, ZAANG fait presque le pont entre MALMONDE et la Team Nowhere, avec au passage un peu de « French Metal » bien groovy et quelques autres influences revendiquées, comme MESHUGGAH et NEVERMORE, ou encore ALICE IN CHAINS, FAITH NO MORE et PANTERA si on en croit la description facebook de ces lillois allumés.

Si je sais que le chant en français sera la cible de viles remontrances ou moqueries (il n’y a pas que ça, "Perdition" est chanté en espagnol avec un refrain en anglais…), la recette de ZAANG fonctionne plutôt bien. Et ce dès "Machine" qui, avec son bon refrain en chant clair, se pose directement comme un hit. Pour le reste, il faut s’y retrouver dans ce Metal fourre-tout, entre prog moderne légèrement syncopé et thrash/groove souvent agrémenté d’électro ou de divers synthés, heureusement jamais envahissants, plutôt bien dosés et apportant une véritable singularité. "Machine" fait déjà montre d’une certaine richesse et ZAANG continue ensuite sur sa lancée, même si il sera difficile de dégager un autre tube de cet album assez court, à peine plus de 30 minutes en 7 morceaux, presque un EP surtout pour le genre… "Perdition" est bien foufou et efficace, "Madoff" bien troussé malgré ses enchaînements imprévisibles, le très varié "Tombe de Haut" propose un break raffiné très intéressant et des riffs thrash bien sentis, "Dégage" balance un paquet de compos bien incisives, bref il y a de quoi boire et manger dans ce disque plutôt couillu et original, même si les influences se sentent.

Après, l’art de ZAANG n’est, c’est certain, pas fait pour toutes les oreilles, certainement pas celles plutôt enclines à s’enquiller du Metal extrême bien gras. Il semble clair que le chant rebutera pas mal de monde, même si on a déjà entendu bien moins supportable sur le marché. Mais ZAANG en fait parfois trop de ce côté et les chants sont encore perfectibles, en témoigne "Dans l’Obscurité" où le chant clair montre un peu ses limites. C’est le premier album des lillois et donc l’aboutissement n’est pas encore là, après la surprise initiale on fait vite le tour de la demi-heure de Perdition ("Je suis le Roi" n’apporte rien par exemple), la marge de progression est grande mais ZAANG marque déjà beaucoup de points grâce à sa mixture osée et bien fichue (bien produite également, même si le son de batterie est parfois un peu trop fort). Du néo/alternatif français arborant des compositions fouillées dans un esprit clairement moderne/progressif et groovy, la performance est à saluer et est plutôt réussie. Une fois l’adaptation ou la tolérance au chant opérée, on profite donc de ce bon petit album sacrément couillu par moments, en marge des codes et accrocheur du moment qu’on est capable d’apprécier le « style ». Un bon début, qui mine de rien ouvre de grandes perspectives pour un groupe singulier qui a su proposer quelque chose de frais.




Rédigé par : ZeSnake | 14.5/20 | Nb de lectures : 8160