On dit souvent que le 3ème album d'un groupe est celui de la 'maturité', le moment où un cap est franchi. A défaut d'être universelle, cette théorie correspond, je trouve, assez bien à « Foreshadow », la 3ème œuvre longue durée des tourangeaux d'Adrana.

En désormais un peu plus de 10 ans, le groupe s'est fait une solide place dans le giron de l'opera metal (entre metal symphonique et lyrique pour résumer grossièrement), contant les aventures de la princesse Adrana. Ce 3ème album ne déroge pas à la règle et évoque de sombres présages dans la suite de l'histoire. Le visuel plutôt réussi de « Foreshadow », traduit déjà en partie la teneur des textes.

Pour autant d'un point de vue musical, ce nouvel effort studio n'est pas tout 'noir' et mélancolique ; il est avant tout dense. Les morceaux sont plus complexes et fouillés qu'auparavant, le niveau technique a augmenté de manière proportionnelle (à l'image de l'haletant « Fight for Revenge » qui est une pièce particulièrement inspirée et réussie). Il suffit de suivre avec attention la prestation d'Anaé et de noter toute l'étendue de sa palette vocale. Nous sommes désormais familiers de son chant lyrique, peut être bien inégalé sur des disques de metal en France, mais la chanteuse n'hésite plus à diversifier ses intonations, à donner d'autres couleurs à certaines ambiances, à renforcer des atmosphères ou tout simplement à densifier les compositions (et ce dès « Blackblood » en ouverture, qui voit la première participation vocale de Julien 'Nutz' Deyres [Gorod], également crédité sur 2 autres morceaux).
De manière globale, la doublette « Elventh Hour », « Time to Win, Time to Cry » traduit en musique mes propos ; il s'agit de 2 titres parfaitement complémentaires, pas très longs mais joliment variés. Et Adrana ne tombe pas dans la démonstration technique stérile ou l'enchaînement sans émotions de passages musicaux. On sent un vrai travail de fond niveau créativité, valorisé par une production très correcte et un mixage bien équilibré ; on suit facilement chaque instrument à l'image de « Draconian Wind », offrant au passage un break (surtout instrumental) épuré et soigné, après les 3 minutes.

Indiscutablement, « Foreshadow » est donc un disque hétérogène, par exemple « No More » combine harmonieusement la facette la plus heavy du groupe à des éléments symphoniques dont la présence est ici accentuée. Un peu plus loin, « The Falling Song », un duo piano/voix remarquable, présente Adrana sous son aspect le plus mélodique et sensible.
En clôture d'album, le morceau-titre reprend quelques bribes musicales entendues auparavant et délivre textuellement la conclusion du chapitre de l'histoire.
Il serait très réducteur de considérer Adrana comme un 'simple' groupe de metal symphonique, toutefois les nappes orchestrales ne font pas défaut tout du long de « Foreshadow » : constituant parfois un fond sonore (« Demon's Run », tout sauf linéaire et nouvelle preuve de la richesse musicale proposée par le groupe), ces arrangements ne sont jamais pompeux mais bien souvent placés avec justesse : l'introduction du morceau final, tout du long de l'accrocheur et aventureux « No More », etc.

Au moment du bilan, le constat est, vous l'aurez compris, extrêmement positif ; voilà un disque particulièrement enthousiasmant qui ne se classe pas sous une simple étiquette. Heavy ? Symphonique ? Progressif ? Adrana est au moins tout cela à la fois et plus au fur et à mesure que les écoutes de « Foreshadow » s'enchaînent. Sans parler d'oeuvre complexe, voilà un album qui mérite de l'attention quand on est attiré par ces styles, d'autant qu'il offre plus d'un passage mémorable. De nos jours, il n'est pas évident de combiner créativité et efficacité, en y parvenant, Adrana a montré qu'il avait franchi un palier.




Rédigé par : gardian666 | 16,5/20 | Nb de lectures : 8391