C R O W N - Natron (Candlelight) - Selection VS du 04/09/2015 @ 07h40
Fondé en 2011 du côté de Colmar et sur les cendres de HOLLOW CORP., le duo CROWN ou plutôt C R O W N (Stéphane Azam, Pascal Guth) est une formation qui monte. Ou plutôt, musicalement parlant, qui descend, plus profond dans les abysses et la noirceur. Leur premier EP, The One (2012), avait déjà été remarqué par les plus fins limiers quand il s’agit de dénicher du bon Sludge/Doom. Un an plus tard, le groupe débarquera chez Candlelight pour son premier full-length, Psychurgy. L’occasion pour C R O W N de déjà évoluer et affirmer sa personnalité. Son Sludge/Doom se veut bien évidemment lourd, avec quelques artifices typiques du style (son de guitares, chant), mais les alsaciens essayent aussi de se trouver une ambiance et des influences plus vastes, même si l’ensemble reste proche d’un NEUROSIS, et de tout le Sludge qui est plus râpeux et moderne que venant tout droit du bayou gluant. Le tout de manière tout de même mécanique vu que C R O W N n’a pas de batteur ni même de bassiste (!). Deux gratteux, quelques effets, une bonne BAR et du chant éraillé, voilà la mécanique de C R O W N pour créer du Sludge/Doom légèrement industriel et assez original. Deux ans plus tard, il est temps pour C R O W N d’aller plus loin encore, plus profond, pour creuser son style et bousculer l’univers du Sludge/Doom.

Creuser son style mais de manière plus puissante, car C R O W N va ici s’adonner à un véritable forage industriel histoire d’aller chercher au plus profond ses nouvelles inspirations et ambiances, là où il fait noir et froid, ou chaud si on s’approche trop près des convergences magmatiques. Pour situer ce que C R O W N fait sur Natron, c’est très simple : il suffit de prendre "Abyss" (rien que le nom du morceau colle déjà), la piste la plus originale, plus sombre et plus lourde de Psychurgy, et imaginer un album complet dans cette veine. Ce qui me va déjà à ravir, ayant trouvé ce morceau énorme mais n’ayant point apprécié la suite de Psychurgy, trop NEUROSISienne pour moi, sachant que moi et le Sludge/Doom aussi… mais quand il y a de l’Indus, ça va mieux. Et ainsi, si Psychurgy était à la croisée des chemins entre du NEUROSIS, du ZATOKREV et du TRIPTYKON, Natron lui se place plutôt entre du GODFLESH, du ZATOKREV (toujours) et du P.H.O.B.O.S.. Oui, le compatriote Doom résolument industriel et tellurique, avec un adjectif qui va bien s’appliquer à ce deuxième album de C R O W N. TELLURIQUE. Si le Sludge/Doom sert toujours de base musicale, Natron est nettement plus industriel que son prédécesseur. Plus lourd, plus tranchant, plus sombre, plus puissant aussi, et c’est le moins qu’on puisse dire. C R O W N s’éloigne de NEUROSIS et part plutôt chasser sur les terres de Anoedipal de P.H.O.B.O.S. (qui lui-même chasse sur les terres de GODFLESH depuis ses débuts), les terres enfouies et profondes, dans la roche, dans le dur, et pour y arriver il faut cogner sec. Un autre voyage géologique dans les caves et les mines, mais à la manière de C R O W N.

Quelques notes déjà entêtantes et "Serpents" lance Natron sur les chapeaux de roue. Les cris d’entrée de jeu de Neige (ALCEST, GLACIATION) sont surprenants et prennent à la gorge. Le riffing est particulièrement massif, la BAR claque façon GODFLESH, l’extrême lourdeur est au rendez-vous. L’atmosphère se veut industrielle et les effets d’ambiance dépouillés, en plus des mélodies apocalyptiques, sont là pour le prouver. Le chant doux mais inquiétant de Stéphane est également saisissant, pour un "Serpents" qui se pose déjà comme un "Abyss" au carré, même recette mais résultat encore meilleur, avec notamment des assauts de riffs particulièrement puissants (le final est fantastique). Le C R O W N v.2015 sera donc bel et bien tellurique, car le groupe va cette-fois ci rester dans cette lignée industrielle, mais toujours au rythme sludgesque (plus que Doom en fait). Arrive alors l’incroyable "The Words You Speak Are Not Your Own", montant encore d’un cran dans la lourdeur : alors que le morceau est parsemé de pauses ambiantes très prenantes avec force samples, les rythmiques elles sont monumentales à souhait, un seul schéma présent dès le début qui revient en boucle, qui à chaque fois sonne comme un véritable déluge de parpaings en pleine poire, C R O W N nous enfonce dans le sol à la seule force de ses guitares. Les alsaciens, accompagnés pour cet album de Frederyk Rotter de ZATOKREV qui se charge de quelques vocaux, font partie de la catégorie de ceux qui ont les armes, et c’est nous qui creusons pour qu’ils trouvent leur son dans les abysses. Avec Michiel Eikenaar (DODECAHEDRON, NIHILL) aux vocaux, le début de "Wings Beating Over Heaven" est ensuite étonnamment plus touffu, presque Black, mais les oripeaux telluriques reprennent bien vite leur place, le tempo s’abaisse, et C R O W N se laisse embarquer dans un sublime break ambiant, électronique et dépouillé, mystique et noir. Et comme pour "The Words You Speak Are Not Your Own", l’explosion riffique qui suit n’en est que plus efficace et épique. Autre break à la guitare acoustique plus dépouillé et apocalyptique que jamais, et "Wings Beating Over Heaven" se termine comme il s’est commencé. Tous les contrastes de C R O W N en 9 minutes.

Mais pourtant ce n’est pas fini car C R O W N n’en finit pas de surprendre. Débarque alors "Fossils", pièce totalement à part qui donne dans une sorte de coldwave/post-punk triste mais accrocheur, avec aux vocaux Kvhost de GRAVE PLEASURES dont le chant a bien évolué depuis CODE et DØDHEIMSGARD. Très étonnant, incongru même, mais réussi, grâce à de superbes instrumentations tout simplement. C R O W N a peut-être trouvé un îlot de lumière dans les profondeurs terrestres mais il n’empêche qu’il continue de travailler sur les contrastes. "Apnea" est là pour en témoigner : le riffing est bien évidemment très lourd et lancinant (et les rythmes de BAR enfoncent le clou), mais le chant de Stéphane, retrouvant les vibes de "Abyss" et "Serpents" est particulièrement accrocheur, avec une quasi-structuration en couplets / refrains ! "Apnea" est donc, en quelque sorte, un « tube » pour C R O W N, à sa manière, et avec grande classe. Les alsaciens osent, mais pas trop, c’est ainsi que "Tension of Duality" du haut de ses 10 minutes, ne se pose pas de questions avec sa lourdeur archi grasse et rampante, seulement accompagnée de passages à nouveau bien apocalyptiques où l’on croirait entendre du chant féminin. Un extrémisme dans la lourdeur sludge/indus finalement contrebalancé par le final "Flames", carrément lumineux grâce au chant « clair » de Stéphane, alors que s’établit un dialogue entre la BAR et un piano. Un final à nouveau surprenant mais une belle conclusion, assurément.

T E L L U R I Q U E, tel est ce second album de C R O W N qui s’autorise quand même un voyage plein de surprises façon Jules Verne. Natron aurait du être l’album qui devait succéder à Aneodipal de P.H.O.B.O.S. (même si Atonal Hypermnesia vaut son pesant de cacahuètes mais dans un style un poil différent). Mais comme P.H.O.B.O.S. n’est pas très connu (ou très détesté pour d’autres), cessons de comparer et laissons Natron se suffire à lui-même. Supérieur à Psychurgy, cela dépend des attentes de chacun sachant que le style de C R O W N a évolué vers quelque chose de bien plus industriel, ce qui a été une grande surprise pour moi et une grosse claque au bout. Mais une grande réussite et un album titanesque, assurément. Triturant le Sludge/Doom pour en tirer son essence lourde et son côté implacable, les alsaciens ont donc pondu un redoutable disque de Metal réellement industriel, massif, puissant et prenant. Entre riffs monumentalement lourds et ambiances totalement apocalyptiques, Natron est un album passionnant, sans pitié mais aussi rafraîchissant grâce aux variations proposées, et comportant de véritables tueries (notamment "The Words You Speak Are Not Your Own" et "Apnea") entre autres surprises. Un monstre qui va laisser des traces, à la fois dans le mouvement du Sludge/Doom dont le groupe est originaire et dans le domaine du Metal industriel dont C R O W N propose sa variation et sa vision, résolument colossale. Écrasant, efficace, sombre, surprenant et même accrocheur par moments, même si rien là-dedans n’est vraiment révolutionnaire niveau Indus GODFLESHien et Sludge ZATOKREVien, Natron est un album indispensable dans le genre Metal ultra-lourd livré par un groupe qui a poussé ses influences à fond pour creuser au plus profond. C R O W N, la couronne du roi des abysses…



http://www.crownritual.com/ - 157 visite(s)


Rédigé par : ZeSnake | 17/20 | Nb de lectures : 10594




Auteur
Commentaire
gulogulo
Membre enregistré
Posté le: 04/09/2015 à 07h54 - (117759)
Excessif, limite grotesque au début... puis il a fait ses preuves.



gulogulo
Membre enregistré
Posté le: 04/09/2015 à 07h57 - (117760)
(et effectivement, ça fait du bien de retrouver la singularité de la divine surprise The One)



octambule
Membre enregistré
Posté le: 04/09/2015 à 10h08 - (117764)
Je kiffe ce groupe. Du coup je fonce découvrir PHOBOS et ZATOKREZ. :)



Bernard
Membre enregistré
Posté le: 04/09/2015 à 11h54 - (117769)
Suite à cette chronique (va savoir) je viens de réaliser que c'est le Kvhost de GRAVE PLEASURES qui chantait sur l'album 'Posthuman' de VOID! Ça ne parlera qu'à 3 personnes sûrement mais je ne suis pas mécontent de l'apprendre.

Sinon, j'avoue ne pas encore avoir réussi à dompter ce 'Natron' dont les ingrédients et références auraient dû me convertir d'emblée. Je vais le retenter d'ici quelques temps histoire d'être sûr.

S3CONDSKIN
Membre enregistré
Posté le: 04/09/2015 à 17h39 - (117771)
Cet album de VOID est une pure tuerie.




MrGuitoune
IP:77.157.65.86
Invité
Posté le: 04/09/2015 à 18h27 - (117772)
ça bute ce groupe, quelle tuerie.

Poney
IP:132.212.216.56
Invité
Posté le: 04/09/2015 à 18h51 - (117773)
Un album différent de Psychurgy, dans le sens où il se montre globalement plus lourd et sans doute plus ambiancé, et ce même si des fois les blast sont de la partie. Mais globalement, quel album! Riche, entêtant, puissant et jamais lassant, même s'il lui arrive souvent de prendre son temps. Une très belle baffe et une sélection méritée pour un groupe qui gagne à être connu. Puis ce featuring avec Khvost quoi.

Par contre, est-ce que quelqu'un saurait d'où provient le sample utilisé sur "The words you speak are not our own"? Ça commence à faire un paquet d'album sur lesquels je l'entends.



Bobbie
Membre enregistré
Posté le: 05/09/2015 à 12h01 - (117778)
En lisant le début de la chro je me demandais à quel moment j'allais lire le mot "coldwave". Même si c'est clairement très sludge/indus, le tout (pas que Fossils) est saupoudré de petites touches bien léchées qui donnent une ambiance froide hyper travaillée. Je découvre le groupe avec cet album : je trouve qu'il va chasser sur ses propres terres et qu'il a une personnalité déjà bien affirmée. Tous les morceaux sont intéressants, on ne s'ennuie jamais. Bonne chro, bonne découverte, bonne sélection !

kinimod
IP:85.203.17.180
Invité
Posté le: 05/09/2015 à 13h44 - (117779)
Faut apprivoiser le truc.

Phlogiston
IP:62.34.124.13
Invité
Posté le: 05/09/2015 à 14h17 - (117781)
Vu en live y a pas longtemps, gros son, 3 guitares et une BAR très variée tantôt beat électro, indus claquant ou déferlement metal extreme. C'était pas mal du tout. Par contre depuis quand Zatokrev est une référence ?

Jeje29
Membre enregistré
Posté le: 06/09/2015 à 11h22 - (117788)
C'est quoi cette merde ?



Godfroid
IP:81.251.14.123
Invité
Posté le: 07/09/2015 à 00h34 - (117791)
Stooop!! Mais qu'es que ce truc aussi barré viens faire en selection?
Mise a part sur le titre fossils, on a la meme rythmique exaspérante tout le long de l'album et meme les parties blastées sont indigestes.
Je suis désolé mais n'est pas godflesh qui veut.

gulogulo
Membre enregistré
Posté le: 07/09/2015 à 07h57 - (117792)
Ça tombe bien, Crown ne veut certainement pas être Godflesh, même s'ils aiment beaucoup et n'ont aucun besoin de s'en cacher.
N'aime pas l'indus qui veut.



Yann
Membre enregistré
Posté le: 08/09/2015 à 12h16 - (117799)
Grosse baffe, grosse découverte, merci.



kypck
IP:105.225.5.79
Invité
Posté le: 11/09/2015 à 09h51 - (117816)
Il y a une petite ambiance à la KYPCK (kursk) pas pour me deplaire !

ecrasatator
IP:89.87.67.153
Invité
Posté le: 10/11/2015 à 08h54 - (118596)
Excellent...l ambiance est bien noire et glauque...un bon cd à recommander aux dépressifs chroniques

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