ORAKLE - Eclats (Apathia) - 12/05/2015 @ 07h32
Cela fait déjà 20 ans cette année que les franciliens ont pointé le bout de leur nez, et déjà 10 ans qu’est sorti « Uni aux Cimes » qui les a révélé sur la scène nationale. Le temps passe très vite, tout le monde vieillit et le groupe continue de se bonifier avec l’âge tout en prenant un rythme de plus en plus important entre chacune de ses sorties, car depuis l’excellent « Tourments et Perdition » il s’est écoulé sept longues années mais finalement totalement logique quand on sait le degré d’exigence de la formation et sa palette technique. Le quintet a été toujours un ovni musical flirtant avec le black-metal atmosphérique, le progressif et même le jazz pour un résultat détonnant et inclassable, il faut dire que les multiples influences de ses deux membres historiques Achernar et Clevdh vont forcément dans ce même sens. Depuis le dernier opus le line-up a également évolué, Emmanuel Rousseau (présent depuis 2009) a participé à son premier enregistrement officiel, tout comme le nouveau venu Antoine Aubry à la guitare, du coup avec ces nouveaux membres ORAKLE va encore plus loin et propose huit titres d’un niveau et d’une qualité absolument remarquables.

Tout comme sa musique, la pochette et l’artwork du livret de ce disque sont également magnifiques, ils reprennent une partie des sculptures de Robert Le Lagadec (1927-2002), qui avait durant sa vie créé ses statues en acier à la fois demi-dieux et idoles religieuses « dédiées à des forces primitives » (selon ses propres termes, et visibles dans l’Essonne à Fontenay-les-Briis). Du coup à l’image de son art inclassable, la musique du quintet l’est tout autant et peut être mise dans la même catégorie, grâce aussi à des textes toujours aussi ambigus traitant du sens de la vie, de l’existentialisme ou encore des mythologies. Cela permet au combo de garder une certaine ambiguïté (même s’il s’exprime en français) et créer une ambiance unique à l’image de MAGMA (qui a cependant toujours utilisé son propre langage : le Kobaïen), OPETH ou ARCTURUS (même si l'influence des norvégiens s'est estompée).

Pas d’introduction inutile et « Solipse » fait figure d’entrée (dans ce qui sera un plat très copieux), avec sa courte durée de 4,25 minutes et sa rythmique lourde et complexe, sans oublier les parties plus pêchues et des nappes de piano pour aérer l’ensemble, et pour débuter il est vraiment réussi. Puis ensuite comme entremets on trouve « Nihil Incognitum » qui s’ouvre sur des chants grégoriens et une basse bien massive avant d’être le morceau le plus varié et accessible de ce cru 2015, mais cependant les gars ne tombent pas dans la facilité car les arrangements de guitares sont énormes et la dynamique bien présente. « Apophase » est lui plus lent et introspectif, il monte en puissance au fur et à mesure et sert de transition avant le plat de résistance qui arrive avec « Aux Eclats » où le mélange des structures est totale et où on entend même des parties de free-jazz avec les petits arpèges, la batterie en décalé et cette basse toujours ronflante, le tout magnifié par des intonations de voix proches d’Ihsahn. Durant sept minutes on a droit à une première partie énergique et l’autre plus calme et barrée, d’ailleurs « Incomplétude(s) » l’est beaucoup et derrière ses fûts Clevdh nous sort un boulot faramineux, les guitares mélanges les riffs, arpèges et solis nous plongeant à la fois dans le chaos et la mélancolie pour un rendu spatial et de très haute volée.

Puis viens les gros morceaux pour la suite avec « Le sens de la Terre » qui débute de manière super calme et planante, accentuée par cette petite voix d’enfant qui récite les paroles qui apporte une sensation de plénitude absolue (et à écouter dans le noir ou les yeux fermés). La suite se déroule tranquillement sur un rythme pépère avec cependant un peu plus d’électricité sur la fin et un côté tribal qui finit de nous faire planer durant plus de dix minutes, et enfin on termine avec le monstrueux « Humanisme Vulgaire » qui est plus direct et plus simple à la fois dans sa construction et son rythme plus direct, cependant on retrouve toujours ces passages progressifs et jazzy tout en finesse et en virtuosité qui fait très mal durant douze minutes pour un rendu absolument grandiose.

En guise de dessert « Bouffon Existentiel » est un parfait mélange de tout ce qu’on peut trouver sur cet opus et prouve une nouvelle fois que malgré un côté parfois un peu bourratif et dur à digérer les franciliens ont une nouvelle fois signés une œuvre riche et construite comme un immense puzzle, aidée en cela par une production parfaite qui met bien en valeur chacun des instruments, ce qui contribue de ce fait à une partie de la réussite de cet album. En tout cas il est difficile de parler de la musique du groupe, le mieux est de l’écouter religieusement pour bien tout saisir et de ne pas se disperser dans des activités à ce moment-là.

Bref cet « Eclats » brille de mille feux et on comprend pourquoi il a fallu attendre aussi longtemps pour l’écouter tant ses géniteurs ont repoussé encore plus loin leurs limites et semblent au diapason, et à l’instar de la mythique armada menée par Christian Vander ils sont pratiquement uniques en leur genre, la grande classe quoi !!





Rédigé par : GabinEastwood | 16,5/20 | Nb de lectures : 10284




Auteur
Commentaire
noohmsul
Membre enregistré
Posté le: 12/05/2015 à 17h04 - (116679)
Voilà un groupe qui me parle bien plus que DHG ! Le dernier (de 2008 quand même !) était génial et avait beaucoup tourné chez moi. Il faut que je me jette sur celui ci !

PoupiRose
Membre enregistré
Posté le: 12/05/2015 à 18h28 - (116681)
La chronique est très juste ! Album quasi-parfait (un peu long peut être...), pour le moins novateur et unique en son genre. A mon avis, il va se révéler peu a peu. J'espère juste qu'ils ne mettront pas sept ans a nous pondre le prochain... Quoique s'il est de cette qualité !...



Ivan Grozny
Membre enregistré
Posté le: 13/05/2015 à 14h51 - (116688)
Le côté novateur et unique de ce disque peut être trompeur à cause des nombreuses influences très perceptibles au fil de l'écoute. Mais il conserve malgré tout sa singularité. C'est un disque d'une très qualité, maîtrisé de bout en bout et proposant une cohérence artistique certaine. Petit bémol sur le chant, dont la justesse n'est pas toujours de mise et manquant parfois de puissance (ce qui faisait la force d'Opeth par exemple). La critique est très juste mais dommage que cet album ne soit pas mis en sélection.



BigBen X
Membre enregistré
Posté le: 14/05/2015 à 12h37 - (116692)
C'est sûr il va falloir plus d'une écoute pour vraiment l'apprécier mais il a l'air très bon en tout cas. Si il avait été mis en sélection on aurait eu droit aux habituels "c'est français alors sélection, VS c'est des lèches culs blablabla" comme d'hab quoi...



Ivan Grozny
Membre enregistré
Posté le: 14/05/2015 à 16h30 - (116693)
J'imagine que GabinEastwood n'a pas mis ce disque en sélection parce qu'il a jugé qu'il ne le méritait pas. Au contraire, VS assume plutôt bien son soutien qu'on peut juger excessif mais sincère de la scène française. Rien à foutre des détracteurs ;-)

Pour en revenir au disque, réécouté à l'instant, le chant m'empêche d'adhérer totalement, vraiment dommage. Mais c'est vraiment très bon.



mydrin
Membre enregistré
Posté le: 07/07/2015 à 13h09 - (117187)
Le chant clair en français gâche tout je trouve, dommage :-(



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