GONG - I See You (Madfish) - 03/03/2015 @ 08h14
Mon premier contact avec Gong, c’est un album rapporté par mon frangin parmi la multitude d’autres aux noms et aux pochettes tous les plus improbables les uns que les autres : Camembert Electrique ! (1971). De quoi faire marrer un gosse plus habitué aux mièvreries de la scène pop française et pas encore imbibé de toute cette musique étrange en provenance de la Perfide Albion (perfide mais innovante, ingénieuse et prolifique). Une musique dont l’écoute disait-on, nécessitait pour la comprendre l’absorption quasi obligatoire de substances illicites.

Gong ! Quel nom approprié. Pour moi, cela a signifié « réveille-toi » et ouvre tes chakras à autre chose que la daube passe partout déversée à grands seaux dans mes oreilles juvéniles. J’ai donc accueilli avec gratitude et soulagement cette nouvelle vague libératrice qui comptait également K.Crimson, Yes, Genesis, Soft Machine, Camel, Caravan, Van Der Graaf Generator etc...

La naissance du groupe est tout sauf banale. En 1966, son créateur australien Daevid Allen était membre de Soft Machine autre formation britannique issue de la mouvance hippie psychédélique. Alors qu’il travaille à la composition du premier album de ce dernier, pour de sombres raisons (conso et/ ou possession de stupéfiants), il est décrété persona non grata au Royaume Uni pour une durée de 3 ans.

Contraint à un exil forcé en France, il reçoit au cours d’une soirée de pleine lune une vision « d’intelligences supérieures » qui, tout en le regardant jouer en public, établissent avec lui « une connexion proche de l’amour intense » ! Oui je sais en ce début de 3e millénaire ça peut faire sourire mais là, nous sommes en 1966, en pleine période du « peace and love » et du « flower power » qui autorise toutes les audaces et les extravagances les plus farfelues. Riez, riez braves gens, l’influence de ce courant sur la musique fait qu’aujourd’hui encore on la cite en référence. (Mais pas toujours avec bienveillance…).

Installé en notre beau pays, il forme un nouveau groupe prénommé le Banana Moon Band. ( !) Mais les ennuis continuent pour Allen et la suite de l’histoire de ce proto-Gong se termine en queue de poisson. Sa première série de concerts se heurte aux évènements de mai 68 et l’oblige une nouvelle fois à l’exil. Ce sera Majorque en Espagne. Mais les bases sont jetées et les premières compos du groupe éphémère serviront de répertoire au premier album de Gong. (Magik Brother 1969).

S’en suit une discographie longue comme un après midi devant Derrick dont les meilleurs albums (en tout cas ceux que je préfère) sont : la trilogie Radio Gnome Invisible : Flying Teapot (1973)/Angel’s Egg (1973)/ You (1974) puis Shamall (1975) et Gazeuse ! (1976). Après, j’ai décroché ignorant complètement les décennies 80 et 90. Je n’ai repris contact qu’épisodiquement avec Zero To Infinity (2000) puis 2032 (2009). Vous avez le choix parmi la trentaine sortis depuis sa création.

La conclusion de tout ceci c’est que contrairement à d’autres dinosaures de la scène progressive disparus depuis ou en sommeil prolongé, Gong n’a cessé de produire des disques mais avec des changements de line-up à y perdre le fil. Il a tout de même compté en son sein des « pointures » telles que Didier Malherbe, Pierre Moerlen, Allan Holdsworth, Pip Pyle, Bill Lasswell et Steve Hillage parmi les plus connues…D’ailleurs ces mêmes participants éphémères ou confirmés ont donné naissance à des projets parallèles tous plus ou moins inspirés par la musique de Gong. Citons le Pierre Moerlen’s Gong, le Mother Gong de Gilly Smyth et Harry Williamson ou encore le Planet Gong de Daevid Allen revenu aux affaires après une première séparation (1978). Sans oublier le Steve Hillage Band.Etc.

Depuis le début, la musique de Gong a été une quête permanente de renouvellement et touche à peu près tous les genres expérimentaux avec des résultats pas toujours heureux. ( !) Plus ou moins dilué en fonction des époques, il a bon an mal an perpétué un rock prog spatial ou psychédélique ou krautrock teinté de free jazz voir techno. Avec un gros passage à vide dans la décennie 80. (Tiens, tiens…).

Mais le voici de retour 5 ans après 2032 (qui prophétisait la date de la rencontre cosmique entre la Terre et la planète Gong) avec un 25e album et toujours aux commandes Daevid Allen, un sémillant jeune homme d’à peine 75 printemps. Qui a dit que le rock sous acide ne conservait pas ?

Après quasiment 5 décennies, le style n’a pas changé ou si peu que les amoureux de la première heure comme ceux qui atterriraient aujourd’hui sur la Planète Gong ne seront pas déçus. Cependant, les premiers pourraient être un brin surpris. Alors que les albums de la période de la trilogie heureuse (plus quelques autres) avaient en commun une authentique cohésion (en tout cas dans l’esprit) I See You offre un propos pour le moins hétéroclite. Comme si Allen, n’ayant plus rien à perdre ni à prouver, jetait en une seule fois dans la marmite tous les ingrédients d’une soupe dont il se moquerait par avance et sans s’excuser du résultat. Personnellement, c’est un breuvage dont j’apprécie sans réserve la composition. Tous les titres sont bons sans exception.

Parmi ces ingrédients on retrouve ce phrasé caractéristique fait de circonlocutions décousues, débitées sur un ton goguenard et qui peut facilement décoincer les mandibules voire déclencher une franche hilarité. S’amuser tout en jouant une musique aussi exigeante, c’est aussi le parti de ce vilain garnement du pays des kangourous. Bambocher c’est bien mais le faire sur une macédoine jazz-rock-psyché-prog fourre tout néanmoins hautement maitrisée c’est mieux. Et c’est même pour le coup un petit exploit réalisé par cette clique d’exécutants hors du commun mais pas prétentieuse pour deux sous. Bref, Gong vit toujours et se porte même très bien.




Rédigé par : Karadok | 15/20 | Nb de lectures : 9498




Auteur
Commentaire
Blackame666
Membre enregistré
Posté le: 04/03/2015 à 03h16 - (115971)
MERCI!
Album qui devrait respectueusement être en sélection.
Mention spéciale au morceau 'When God Shakes Hands with Devil'.



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