MANES - Be All End All (Debemur Morti/Season of Mist) - 17/10/2014 @ 07h46
Si vous pensez qu’Ulver est allé trop loin, que Solefald s’est perdu en expérimentations diverses et variées, que Sigh est en route pour une autre galaxie que le metal ou encore que Pensées Nocturnes, c’est du grand n’importe quoi, vous n’avez jamais vraiment écouté Manes. Parti en 1999 d’un black metal assez classique, le groupe a commencé à réinventer la roue dès Vilosophe, son second album longue durée, en 2003. How the World came to an end n’a fait qu’enfoncer un peu plus le clou du cercueil d’un groupe ultra atypique, sans doute trop grand pour l’esprit étriqué du fan de black de base et sans doute également plus préoccupé par l’expérimentation à tout crin que par le respect des us et coutumes du true black. La suite de leur carrière s’étire en pas moins de 20 compilations… ce qui en dit long également sur leur démarche artistique et sur le doigt levé qu’il semble dresser à la face du monde.

Disons-le d’emblée, Manes reste toujours aussi complexe et inaccessible de prime abord. La pochette (qui rappelle en laideur celle des matheux de Dillinger Escape Plan, Miss Machine) ne met pas d’emblée sur la piste d’un retour aux sources du black… car de retour aux sources il n’y a pas. Manes baigne aujourd’hui – depuis 2003 – dans une fusion de metal (très peu), de jazz (un peu) et d’avant-gardisme pop/new wave (beaucoup) qu’il n’est pas simple de décrypter.

Dès le premier titre, "A Deathpact Most Imminent", la voix pop prend à la gorge. Très mélodique, le titre débute sur des accords simples, de légers loops électroniques, très discrets, plutôt bien amenés, puis viennent des chœurs de voix claires, plus dark rock. Même si l’on est hermétique à ce type de musique, il faut bien avouer que le génie du groupe est d’apposer une patte atypique au morceau, qui ne le rend ni mièvre, ni banal. Les arrangements sont nombreux et en dépit d’une structure qui semble simple, le titre est surchargé d’informations. Le format court des morceaux (souvent 4-5’) évite l’ennui. "Ars Moriendi", le second titre, ouvre sur des arpèges assez similaires. Les boucles électro sont toujours de la partie mais l’ambiance paraît plus sombre, presque new wave. La voix cotonneuse occupe l’espace, les beats électroniques prennent le pas sur l’instrumentation et constituent l’architecture même du titre. Le propos sonne finalement assez synthétique (aux alentours des 2’30 surtout ; "Turn the streams"). Mais là encore, pour ma part, une sorte de magie opère. Même le refrain un peu sirupeux ne me dérange pas outre mesure car, une fois n’est pas coutume dans cet album, on sent la patte Manes, une sorte de génie de composition qui écarte au loin la sensation de banalité. "A safe place in the Unsafe" par exemple, le troisième titre, est également bâti sur des boucles électro mais suffisamment « sombres » pour colorer agréablement le morceau et le rapprocher de ce qui pouvait se faire de mieux en new wave. La volonté du groupe de proposer une progression dynamique – que l’on retrouve sur de nombreux titres – chasse l’impression d’entendre une pop dégueulasse même si l’on marche parfois sur le fil du rasoir ("A safe place…", "Name the serpent" ou encore "Blanket of ashes" où, toutefois, les relents jazz sauvent un peu le titre).

Il faut attendre "Blanket of ashes", le quatrième morceau, pour entendre un peu de jazz dans les structures, des arrangements légèrement orientaux, de l’expérimentation haut de gamme et un peu de… metal. Les loops électro sont toujours là comme cette voix pop grave qui n’est pas si déplaisante car sa chaleur apporte un côté enveloppant au morceau (par exemple, sur le huitième titre, "The Nature and Function of sacrifice"). Ce quatrième titre semble jouer le rôle de ligne de démarcation puisque la suite est plus « musclée » (toute proportion gardée…). "Broken fire" ouvre doucement mais les boucles électroniques se font plus menaçantes, plus tournoyantes, les guitares sont davantage mises en avant. Si l’on reste dans un registre relativement calme, le titre sonne plus « sombre » ("Name the serpent" également), un poil (mais un poil…) plus dissonant. "Free as in free to leave" revient toutefois en terrain connu. Mais les guitares en avant restent de mise. On entend de la batterie, de la vraie ! L’instrumentation sonne presque post-rock par moments. Les boucles électro sont ici utilisées pour aérer le propos, qui constituent des cassures destinées à apaiser entre deux phases dynamiques. Là encore, le talent de composition du groupe est évident car la progression est très naturelle alors que les arrangements sont nombreux (tam-tams apportant un côté tribal par exemple).

Très axé new wave, ce nouveau Manes ne décontenancera pas les habitués du groupe. Les norvégiens proposent toujours une musique qui marche sur le fil de la crête, habiles funambules que leur science de la composition permet de rester en hauteur, sans jamais tomber dans les abîmes de la daube musicale.




Rédigé par : Raziel | 15/20 | Nb de lectures : 13163




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Commentaire
grozeil
Membre enregistré
Posté le: 17/10/2014 à 08h30 - (114055)
J'ai découvert ce groupe au détour d'une commande chez Debemur Morti, et j'ai bien accroché. Ca fait beaucoup penser aux tous derniers travaux de The Third and the Mortal, en mieux.

V.R.S.
Membre enregistré
Posté le: 17/10/2014 à 11h06 - (114089)
Excellent album ! content de ce retour



Dav
IP:90.1.254.165
Invité
Posté le: 18/10/2014 à 13h44 - (114212)
reçu hier, je découvre car je ne connaissais pas et je suis agréablement surpris !!!

frokost metal
Membre enregistré
Posté le: 19/10/2014 à 22h24 - (114231)
malheureusement très en dessous de Vilosophe pour ma part

Blackame666
Membre enregistré
Posté le: 05/02/2015 à 12h39 - (115627)
20/20 comme tous les Manes...



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